Le Conseil d’Etat a bon dos…

 Une soi-disant « décision du Conseil d’État » empêcherait la préfecture d’interdire le projet d’autorisation de l’usine hydroélectrique dont ne veulent plus ses habitants, bien décidés à donner un meilleur avenir à leur village. Mais qu’a à avoir le Conseil d’Etat dans cette affaire ?

Le dossier de l’usine hydroélectrique de Salles-la-Source a été porté devant le Conseil d’Etat deux fois, en 1946 et en 1972. Les deux fois, la haute instance a été sollicitée par la Société Hydroélectrique, à qui l’Etat demandait de régulariser sa situation, afin de faire casser cette décision. Les deux fois, le pourvoi déposé par l’usine hydroélectrique a été rejeté et les deux fois, la société a été enjointe de régulariser sa situation.

En 1946, le Conseil d’Etat a clarifié deux points pour justifier sa décision :

1) Les eaux captées du Créneau n’est pas de l’eau de source mais des « eaux publiques et courantes ».

2) La société hydroélectrique, « après avoir démoli les barrages qui assuraient le fonctionnement des anciens moulins et la dérivation qui les alimentait, a construit sur le  Créneau même, en aval des établissements disparus, une usine entièrement nouvelle, alimentée et équipée de façon  à permettre la production d’une force motrice supérieure de plus de 150 kW, à la puissance fondée en titre des anciens moilins rachetés », doit donc régulariser sa situation par une demande de concession.

Télécharger la décision du Conseil d’Etat du 11 janvier 1946 

En 1972, le Conseil d’ État, à nouveau sollicité par la Société Hydroélectrique de la Vallée de Salles-la-Source pour remettre en cause la décision du Tribunal Administratif de l’obliger à faire une demande de concession. Celle-ci a été déboutée.

 Il dit en résumé que « si la requérante, qui a construit une usine entièrement nouvelle , alimentée et équipée de façon à permettre la production d’une force motrice supérieure à la puissance fondée en titre des anciens moulins rachetés par elle, ne peut bénéficier de l’exemption prévue… elle est en revanche fondée a prétendre que la puissance fondée en titre soit déduite pour le calcul de la puissance maximum a règlementer au titre de l’article 2 de cette loi ».

Télécharger la décision du Conseil d’Etat de 1972

 Il est à noter que le Conseil D’Etat, comme il est dans ses habitudes, s’est prononcé sur un seul point d’argumentation  et « sans examiner les autres motifs ». Ce point était suffisant pour rejeter la demande de la société hydroélectrique.

Visiblement, le Conseil d’Etat s’est borné à répondre exclusivement à la seule qui question qui lui avait été posée par la Société Hydroélectrique, à savoir : « La puissance fondée en titre est-elle à déduire pour le calcul de la puissance maximum à réglementer ? »  Il a répondu positivement et cette décision a d’ailleurs fait jurisprudence. Il n’a examiné aucune autre question, et notamment celle de l’existence, ou pas, de droits fondés en titre : il se serait alors prononcé dans son arrêt, ce qui n’est pas le cas.

Pour argumenter sa réponse, le Conseil d’Etat s’est probablement appuyé sur le mémoire en défense déposé par Maître Vibard, pour l’Association de Défense du Site de salles-la-Source.

Télécharger la plaidoierie de Maître Vidart

Cette plaidoierie dit en effet au paragraphe XIII,  » Admettrait-on, par impossible et pour les seuls besoins de la discussion, que la Société Hydroélectrique puisse tenir compte de la puissance fondée en titre, soit 530 kW – bien que ce chiffre ait été admis par les parties et non véritablement établi – le recours n’en serait pas davantage justifié, dès lors que la puissance maximum brute de l’usine n’était pas de 970 kW mais de 1.300 kW, et, par suite, que même dans l’hypothèse ci-dessus admise, elle excèderait celle de 500 kW, la différence existant entre 1.300 kW et 530 kW étant de 770kW, ce qui nécessiterait, en conséquence, l’octroi d’une concession. »

 L’arrêt du Conseil d’Etat ne permet donc en rien d’extrapoler et de faire reconnaître des Droits fondés en Titre à l’actuelle  Société Hydroélectrique pour des moulins totalement détruits et une usine « entièrement nouvelle », construite en 1930.

par contre l’arrêté ministériel de concession de 1980, a par erreur reconnu des droits fondés en titre. Mais cette concession doit prochainement prendre fin, avec 7 ans de retard, puisque la date prévue était le 31 décembre 2005. Les droits reconnus à tors, il y a 30 ans, doivent également prendre fin. Comme nous l’avons déjà écrit, les passe-droits du passé ne sauraient se pérpétuer aujourd’hui. Ceux-ci ne peuvent donc servir à justifier de donner à l’exploitant de l’usine hydroélectrique une nouvelle autorisation…

 Enfin, comme nous l’avons signalé à l’Administration, à supposer même que on faisait cette extrapolation contestable, en reconnaissant des Droits Fondés en Titre de 530 kW à la Société Hydroélectrique, comme le prévoit le projet d’arrêté, cela reviendrait à méconnaître l’autorité de la chose jugée, en annonçant un chiffre manifestement erroné, puisque l’arrêt de la cour d’appel du 17 avril 2001 à Montpellier, concernant l’affaire R. et qui a été communiqué aux services de l’Administration, annule les droits sur l’un des moulins !

 Pour approfondir les droits fondés en titre, voir aussi sur ce site en lien avec le dossier de Salles-la-Source :

L’intéressant témoignage de l’ingénieur Varlet

  Vous avez dit « droits fondés en titre » ?

 Voir sur d’autres sites :

– Guide pratique relatif à la police des droits fondés en titre (Ministère del’Environnement)

– Le statut juridique des ouvrages hydraulique, mémoire de master 2 d’Anthony Neaux

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