18 juin 2010 – 18 juin 2020 : dix ans de combat pour la cascade de Salles-la-Source
Depuis 10 ans « Ranimons la cascade ! » se mobilise avec énergie et persévérance pour sauver la cascade de Salles-la-Source menacée par une micro-centrale hydroélectrique construite à l’origine sans la moindre autorisation.
C’est le 18 juin 2010, quelques jours après l’annonce d’une enquête publique surprise proposant de valider une demande d’autorisation d’exploiter de la Société Hydroélectrique de Salles-la-Source (SHVSS) que s’est déroulée une réunion d’information exprimant une forte colère devant une cascade constamment asséchée. Beaucoup espéraient en effet que la concession étant achevée en 2005 et aucune nouvelle demande d’autorisation n’ayant, selon l’Administration, été déposée, que Salles-la-Source allait enfin pouvoir profiter à nouveau de sa cascade.
La soirée a débouché sur l’envie collective de s’engager collectivement pour défendre le site et la cascade, menant rapidement à la constitution du collectif « Ranimons la cascade ! », rapidement structuré en association.
Dix folles années de mobilisation commencèrent qui connurent des hauts …et des bas. Malgré quelques belles victoires d’étape, dix ans plus tard, le combat est encore loin d’être encore gagné car l’Administration, après avoir soutenu l’exploitant, par tous les moyens à sa disposition, est aujourd’hui peu active et taisante et parce que la « Justice administrative » ignore jusqu’ici systématiquement les arguments que nous lui présentons quand elle adopte quasi systématiquement ceux de l’exploitant.
Ce point d’étape, rédigé à l’occasion des 10 ans de « Ranimons la cascade ! » donnera au lecteur l’occasion de comprendre le pourquoi et le comment de cette interminable lutte menée avec ténacité face à un gérant que l’on dit être au dessus des lois et bénéficiant de puissants réseaux.
1/ 18 juin 2010 – 12 décembre 2012 : un trio de choc pour un passage en force
Trois acteurs majeurs de l’Administration resteront pour toujours dans la mémoire de « ranimons la cascade ! ». Il s’agit de Danièle Polvé-Montmasson, préfète, Jean-François Moniotte, secrétaire général et Renaud Rech, responsable de la police de l’eau, tous trois sur la période 2010-2012 qui vont mettre toute leur autorité pour faire passer en force ce que l’on peut qualifier avec le recul du temps de belle escroquerie.
En dépit d’un déploiement d’énergie exceptionnel de notre association et d’une intense médiatisation, ces trois là feront tout pour mener à son terme, de CODERST en CODERST et de commission des sites en commission de sites, le projet d’une nouvelle microcentrale à Salles-la-Source, plus puissante que celle construite en 1931 sans autorisation et tardivement « régularisée » en 1980 (pour 25 ans), après 50 ans de mobilisation. Ce projet aurait conduit à détourner encore plus l’eau de la célèbre « grande cascade », en réalité des cascades et de l’ensemble du réseau hydraulique, asséchés par la société Hydroélectrique la plus grande partie de l’année.
Des résidents de Salles-la-Source, Brigitte et Denis Mathieu, bloquent alors la machine administrative. Ils détiennent en effet une parcelle sous laquelle passe la conduite forcée qui détourne l’eau de la rivière souterraine en amont de la source pour la conduire à l’usine située en, bas du village. Ils dénoncent l’autorisation de passage jadis oralement donnée par un de leurs ancêtres et portent l’affaire devant le TGI de Rodez …qui leur donne raison. La préfète Polvé-Montmasson signe alors un « arrêté de sursis à statuer » qui autorise la poursuite de l’exploitation sous une forme restreinte et provisoire, dans l’attente du procès en appel (qui n’aura lieu qu’en 2016, voir ci-dessous).
« Sous forme restreinte » signifie « selon ses droits fondés en titre », droits très contestés du fait de la ruine complète et définitive des moulins du Moyen-Age et des canaux de dérivation qui les alimentaient, mais sur lesquels exploitant et préfecture s’arque-boutent alors. Alors que la conduite forcée est limitée à 1200 l/s, l’exploitant ne peut désormais turbiner qu’avec un débit de 400 l/s. Dans la pratique, cela ne change guère pour la cascade car le turbinage a lieu « par éclusées » (par vidange de la réserve d’eau en amont d’un barrage) : au lieu de turbiner surtout en heure de pointe, la Sté Hydroélectrique turbine dès lors toute la journée, ce qui change peu les quantités d’eau détournée.
Seul point positif, l’exploitant est contraint par la préfecture à restituer un peu d’eau dans la rivière à partir de la conduite forcée (mais la préfecture l’exempte de « débit réservé » qui aurait permis de redonner vie à la source du Créneau). Ce débit va progressivement monter jusqu’à 70 l/s. La cascade, sauf incident technique, ne sera plus jamais à sec.
2/ 2013-2020 : l’interminable procédure judiciaire déposée par « Ranimons la cascade ! »…
Le « sursis à statuer » préfectoral suspend la demande d’autorisation d’exploiter déposée en 2006 et soumise à enquête publique en 2010. Il fournit néanmoins à « Ranimons la cascade ! » de la matière à « attaquer en justice » la Préfecture. Ceci sera fait au printemps 2013 où deux mémoires sont déposés devant le Tribunal Administratif de Toulouse par l’association et trois requérants individuels qui ont fourbi leurs armes depuis deux ans et demi et ne manquent pas de solides arguments. L’un attaque l’arrêté de sursis à statuer et l’autre exige la fermeture définitive de la micro-centrale.
La Justice manquant terriblement de moyens, l’affaire va traîner jusqu’au printemps 2016 où les juges administratifs donnent en tous points raison à l’exploitant. « Ranimons la cascade ! » fait appel et l’affaire est jugée cette fois-ci devant la cour d’appel de Bordeaux en février 2019 qui confirme en mars la décision de 2016. Ce deuxième jugement est également marqué par une lenteur judiciaire extrême, une sévérité avec les arguments de « Ranimons la cascade ! », balayés d’un revers de la main quand ils ne sont pas tout simplement ignorés et beaucoup de bienveillance pour ceux de l’exploitant, pourtant à les regarder de près, un tissu d’inexactitudes et même de mensonges.
Un recours devant le Conseil d’État est alors déposé au printemps 2019 pour lequel un mémoire ampliatif est déposé le 16 juillet 2019. L’affaire vient ce jour d’être portée au rôle et sera appelée lors de la séance d’admissibilité de la 6ème Chambre de la Section du Contentieux du Conseil d’Etat du 25 juin 2020…
3/ Une terrible opacité
Alors que la transparence de l’information est la règle sur tout dossier administratif de ce type, « Ranimons la cascade ! » s’est bizarrement confronté à un mur du silence. L’obligation de réponse de l’Administration a souvent été détournée afin surtout de gagner du temps, par exemple en tardant au maximum, en éludant les questions gênantes, en en n’acceptant de rencontrer les représentants de l’association que sous la pression (nombreuses manifestations), enfin et surtout par un refus implicite ou explicite de fournir certains documents.
C’est ainsi que nous avons dû saisir à de nombreuses reprises la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) qui, par dix fois, nous a délivré un avis favorable… Par deux fois, devant un refus persistant, nous avons porté l’affaire devant le Tribunal Administratif qui nous a donné les deux fois raison…
C’est ainsi que le Ministère de l’Environnement a reconnu avoir « égaré » la demande de poursuite de l’exploitation prétendument envoyée le 31 décembre 1998 et reçue le jour même (« mais à cette époque on ne tamponnait à l’arrivée que l’enveloppe mais celle-ci a été malencontreusement jetée » – SIC). C’est ainsi aussi que nous avons pu obtenir à la veille du jugement le contrat de fin de concession de 2008 (incomplet…) qui devait pourtant être réalisé en 2002.
L’opacité a été renforcée par le « secret économique et commercial » qui a pour effet pervers de protéger les entreprises qui commettent des malversations et le « secret fiscal » qui permet à l’administration des finances de ne poursuivre pour fraude que lorsqu’elle le juge bon…
4/ 90 ans d’irrégularités …et de procès !
Les longues années de la procédure donnent du temps à « Ranimons la cascade ! » pour approfondir le dossier, et là, ils vont aller de surprise en surprise. Ils prennent le temps de clarifier l’historique de cette affaire complexe et à multiples rebondissements où, à force de chercher, ils s’aperçoivent que la documentation ne manque pas.
Le projet des années 1930 est porté par de puissants notables locaux, le sénateur Amédée Vidal, son gendre Georges-Pierre Guibert, avoué qui deviendra plus tard substitut du procureur de la Seine, directeur de la Gendarmerie Nationale (et de la justice Militaire…) puis ensuite secrétaire de l’aérospatiale, enfin l’influent Etienne Bastide, polytechnicien brillant, engagé dans la politique (Conseil Départemental…) et à la Chambre de commerce, dès la création d’EDF, il devient responsable local puis national et va abondamment jouer de son entregent et de son carnet d’adresse.
L’installation reçoit dès son inauguration officielle en 1932 la « bénédiction » de l’évêque et de l’Administration au travers de l’ingénieur Brugidou. La protestation des meuniers d’aval gravement lésés par la nouvelle installation peine à se faire entendre (l’eau est bloquée au niveau du barrage puis arrive violemment et en très grande quantité lors des brèves éclusées). Dès le départ apparaît la dualité : bienveillance de l’Administration pour les puissants / faible intérêt pour les autres. Une voix cependant est là pour racheter l’honneur de l’Administration, celle de l’ingénieur des Forces hydrauliques du sud-ouest, Henri Varlet qui va de manière exigeante tout faire pour contraindre la SHVSS à régulariser son installation.
De là, vont débuter d’interminables procédures administratives et de multiples procès. En 1946, le Conseil d’État condamne la SHVSS à déposer une demande de concession, Celle-ci tarde sous toutes sortes de prétextes. Le ras-le-bol est grand et parmi la population, des voix commencent à se faire entendre de la valeur patrimoniale perdue par Salles-la-Source du fait de sa source et de ses cascades « volées » par l’exploitant. Ils prennent le relais des meuniers ruinés qui ont abandonné la bataille face à adversaires si puissant, le déclencheur étant un arrêté préfectoral signé par le préfet en 1962 qui autorise l’installation ! C’est là que se constitue en 1963 l’Association pour la Défense du Site de Salle-la-Source qui durant va mener de nombreux procès et remporter de belles victoires dont une nouvelle décision du Conseil d’État en 1972 qui va à nouveau contraindre la SHVSS à déposer une concession.
En 1980, est enfin signé pour 25 ans une concession qui autorise à turbiner moyennant de préserver la cascade en lui laissant un débit de 200 l/s de Pâques à la Toussaint, y compris au moyen d’une pompe, lorsque le débit naturel est trop faible. Cette condition, probablement ajoutée pour amadouer l’Administration, ne sera jamais réalisée et sera remplacée (sans la moindre autorisation…) par une transaction financière avec la Mairie en 1984.
Le 31 décembre 2005, la concession s’achève. La nouvelle réglementation, votée entre temps, rend possible une poursuite de l’exploitation sous forme d’autorisation, à condition que les démarches soient réalisées en temps et en heure, ce qui ne sera pas fait. Le nouveau gérant, Jean-Gérard Guibert, héritier familial parvenu aux affaire en 1996, n’en fait en effet qu’à sa guise et pense que, grâce à ses bonnes relation et ses réseaux, il pourra franchir toutes les étapes administratives pour développer son juteux business.
Après 5 ans de total silence radio, tombe en 2010 l’annonce d’une enquête publique et d’un nouveau projet d’autorisation qui déclenchera la création de « Ranimons la cascade ! » qui va durant 10 années revivre les espoirs et les désillusions qu’avaient connu jadis les meuniers du Créneau puis l’association de défense du site de Salles-la-Source…
5/ Irrégularités en cascade
Par quels bouts que l’on creuse le dossier, notre association et ses conseils vont découvrir d’années en années des irrégularités, nombreuses, parfois très graves, et que pourtant nul n’a pensé à signaler…
Quelques exemples :
– L’analyse des comptes publiés auprès de la Chambre de commerce de 2000 à 2013 montrent qu’ils sont truffés d’erreurs et de fraudes, que celles-ci soit volontaire ou involontaire. Le comptable qui les analyses n’avait jamais vu ça de toute sa carrière et fulmine : même un étudiant en première année de comptabilité ne les ferait pas ! Le passif est différent de l’actif, les dépenses extravagantes, les amortissements indéfiniment reportés à l’identique d’une année sur l’autre…
De 2006 à 2008, la SHVSS va être mise en redressement judiciaire suite à un des divers procès qu’elle a intenté …et perdu. Elle s’en sortira sans encombre, libéré de ses dettes grâce à un ami influent, Geniès Imbert, qui va prendre en charge les sommes dues dans des conditions assez opaques. Le Tribunal de commerce ferme les yeux.
La DDFIP (services fiscaux) en fera de même et parviendra en examinant les comptes totalement fantaisistes de la SHVSS à affirmer que celle-ci a la capacité financière de son projet (sur quoi l’Administration reviendra quelques années plus tard l’Administration…)
Ces faits signalés au Procureur de la République en 2013 le conduiront à poursuivre puis condamner le gérant de la SHVSS pour abus de biens sociaux …en mars 2018. Le gérant ayant fait appel, la condamnation (qui restait pourtant symbolique) a été suspendue. Le jugement en appel n’est pas encore inscrit au rôle des audiences et n’aura sans doute lieu qu’en 2021.
– Les « délais glissants » sont une invention de l’Administration pour tenter de protéger la SHVSS qui n’a pas déposé son dossier de demande d’autorisation à temps : elle est ainsi autorisée (illégalement) à produire de l’électricité aux mêmes conditions que durant la concession de 2006 à 2012 (1150 kW). Mais coup de théâtre, l’Administration (sous la pression de « Ranimons la cascade ! »), va sortir de son chapeau un accord secret signé en 2006 qui autorise la SHVSS à poursuivre l’exploitation sous un débit limité de 530 kW (puissance brute).
Cette double version a ainsi permis à la SHVSS de turbiner durant 7 ans avec une puissance de 1150 kW tout en pouvant, dans le même temps, prétendre aux juges qu’elle ne turbinait qu’à 530 kW…
– Un deuxième barrage construit sans autorisation durant la concession ! Alors que la SHVSS a été autorisée en 1980 à construire dans la galerie de la rivière souterraine située dans la falaise en amont de la source, un barrage de 3.50 m de haut, elle en a construit un deuxième de 4.55 m de haut, ce qui augmente considérablement la réserve d’eau souterraine turbinable. Incompréhensiblement, l’Administration, même lorsqu’elle semble montrer de la bonne volonté, ignore systématiquement l’existence de ce barrage non autorisé et cherche à le confondre avec le premier, s’appuyant sur l’accès inaccessible au public de la galerie souterraine…
– Décret de concession non respecté : signé en 1980, le décret de « régularisation » imposait un long cahier des charges imposant diverses conditions à la SHVSS. Force est de constater que de nombreuses clauses n’ont pas été réalisée. Ainsi l’article 3 spécifie que le concessionnaire devra acquérir tous les terrains sur lesquels seront établies l’usine et ses dépendances immobilière. Cela n’a pas été fait. Il prévoit qu’au cas où le concessionnaire se bornerait à acquérir des servitudes de passage pour la conduite forcée, il devrait ajouter une clause réservant expressément à l’État la faculté de se substituer au concessionnaire à la fin de la concession : cela n’a pas été fait . Idem (article 4) pour les contrats relatifs au droit à usage de l’eau : cela n’a pas été fait. L’article 6 prévoit la dimension du barrage : on a vu plus haut que le deuxième barrage n’est pas conforme. L’article 11 prévoit l’obligation du bornage des terrains faisant partie des dépendances immobilières de la concession : cela n’a pas été fait. La sortie des installations et de leurs terrains d’assise du Domaine Public Hydroélectrique n’est donc pas pour demain… Pareillement pour l’arrêté, attendu depuis 15 ans, qui devra clôturer enfin la fin de la concession.
– Dépassements de production autorisée : on a vu précédemment comment la SHVSS a continué impunément à turbiner avec une puissance autorisée de 1150 kW, de 2006 à 2012. L’arrêté de sursis à statuer de 2012 l’a contraint à réduire sa puissance à 530 kW (400 /s). Ne voyant aucun effet concret sur la cascade, « Ranimons la cascade ! » a saisi la préfète Pozzo di Borgo qui fera (tardivement) les vérifications nécessaires. Il s’avère que la SHVSS a continué à turbiner avec une puissance de 1150 kW et effectué de très nombreux dépassements de production de 2012 à 2014. La SHVSS sera ainsi conduite à régulariser les sommes trop perçues mais le Procureur de la République a jugé qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre cette infraction !
– Fraude au CODOA : le Certificat Ouvrant Droit à l’Obligation d’Achat est un document administratif qui permet de se faire payer l’électricité produite à un prix très favorable (le double de celui du marché). Il est attribué aux nouveaux producteurs d’énergies renouvelables afin de financer leurs investissements et aux petits hydro-électriciens moyennant des contreparties. L’investissement auquel l’exploitant, selon un cahier des charges précis, s’engage sur l’honneur doit être de 750 € par kW (soit dans notre cas 397 500 €) dans un délai de 8 ans dont 60 % dans un délai de 4 ans (soit 238 500 €). Force est de constater que nous n’avons assisté à aucun travaux significatif depuis la signature le 17 décembre 2012 et qu’après la période de 4 ans, aucun contrôle n’a eu lieu. Qu’en sera-t-il au bout des 8 ans, le 17 décembre 2020 ? De nouveaux passe-droits seront-ils offerts à la SHVSS ? Questionnée sur ce point, l’Administration n’a pas souhaité répondre…
– Contrat faux signé entre la SHVSS et EDF : les dépassements de production cités plus haut ont été rendu possible grâce à un contrat frauduleux signé entre EDF et la SHVSS en 2012. En effet, au vu d’un CODOA limitant la production à 530 kW autorisés, les deux partenaires ont signé un contrat autorisant une production de 1150 kW. Ce fait est particulièrement grave car ce type de contrat repose sur la confiance et est protégé par le secret économique et commercial. Nous n’avons pu le consulter qu’à la faveur d’une procédure judiciaire où il était cité.
Le procureur de la République a été saisi de cette affaire par « Ranimons la cascade ! » en janvier 2018 mais n’a encore pris aucune décision à ce jour…
6/ Une enquête inter-ministérielle
La médiatisation de ce dossier fait désordre. La bouillonnante association « Ranimons la cascade ! » ne manque pas durant toutes ces années une occasion pour informer les visiteurs, interpeler les élus, saisir les médias, mobiliser des soutiens de poids, signer une tribune, afficher ses slogans, faire signer sa pétition, organiser des rassemblements publics…
Au printemps 2015, le préfet Jean-Luc Combes décide enfin de demander au Ministère de l’Environnement de mener une mission d’inspection pour l’aider à dénouer cet imbroglio. Une lettre de mission sera signée par Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement, et l’enquête sera confiée au CGEDD et CGEIT, deux instances pilotées par le ministère de l’Environnement et celui de l’Économie et des finances. Elle sera menée durant 3 mois par trois hauts fonctionnaires autour de Nicolas Forray.
Le rapport d’enquête aura des conclusions tranchées et relativement courageuses, parlant de « fiasco administratif depuis le début », concluant à l’absence ou à la perte de tous droits fondés en titre par l’installation, prévoyant de mettre dehors l’exploitant actuel Jean-Gérard Guibert et enfin laissant à la municipalité le choix entre turbiner en gardant un débit un peu plus conséquent à la cascade ou de tout arrêter afin de mettre en valeur le site et la cascade.
C’est ce dernier choix qui sera fait lors du vote municipal historique du 27 juin 2016. Le refus d’autorisation seront concrétisés par deux arrêtés préfectoraux signés par le préfet Louis Laugier, les 25 et 26 août 2016.
L’affaire aurait pu s’arrêter là mais la SHVSS disposait encore de plusieurs tours dans son sacs et a porté l’affaire en référé dont le résultat tombe comme un coup de tonnerre à la veille de Noël 2016 : l’arrêté de fermeture est suspendu car la SHVSS disposerait de droits fondés en titre jadis reconnus par la Préfecture… Le véritable procès n’aura lieu qu’en mars 2020 et confirme la décision de 2016 : l’usine entièrement nouvelle dispose, aux yeux des juges, de « droits fondés en titre », pourtant en principe exclusivement réservés aux installations construites avant la Révolution Française et gardés en capacité de fonctionner… Compte tenu du report des délais lié au covid 19, l’État dispose donc jusqu’au 23 août 2020 pour faire appel de cette décision ahurissante. Il ne nous a pas faire encore connaître sa décision.
Un point positif est à noter : si l’arrêté de refus d’autorisation est annulé pour des raisons de forme, les juges reconnaissent le droit à l’État de ne pas délivrer l’autorisation demandée qui aurait permis de doubler le diamètre de la conduite forcée et de prélever encore plus d’eau.
7/ Conduite forcée percée, travaux effectués sans autorisation, refus de payer la taxe communale : des rapports difficiles avec la Municipalité
– La conduite forcée : construite en 1931, toute robuste qu’elle soit, elle a connu une première rupture en 1971 à proximité de la cascade. Plusieurs éléments ont dû être changés. Néanmoins, il paraissait clair pour « Ranimons la cascade ! », notamment au vu de fuites constatées lors de l’automne 2010, dans le bas du village, que la conduite forcée était en état pitoyable et, compte tenu de la pression forte surtout dans le bas (la pression augmente au fur et à mesure que l’on descend).
Néanmoins les inspecteurs venus de Paris en décidèrent autrement et affirmèrent péremptoirement que la conduite forcée (trop coûteuse pour être changée) pouvait encore durer 25 à 30 ans. La réalité des choses en décida autrement et des fuites furent constatées au cours de l’été 2017, conduisant à la fermeture provisoire de l’usine. L’exploitant fit appel à une entreprise mal informée et commença des travaux, ouvrant la route municipale sans autorisation.
Le Maire décida de signer un arrêté d’interdiction de passage sur la voie publique et signifia à l’exploitant de faire un diagnostic sur la sécurité avant de faire une demande d’autorisation de travaux en bonne et due forme. Cet arrêté est régulièrement prolongé depuis cette date. Près de 3 ans plus tard, la demande d’autorisation de travaux est toujours attendue… Mais l’exploitant rusé a réussi à faire en douce des travaux et colmaté les fuites ! Le turbinage a donc repris. La demande de réaliser un diagnostic n’ayant pas été suivie d’effets, une demande en référé référé a été déposée par la Municipalité en février 2020, mais c’était avant le covid 19 qui a retardé toutes les procédures…
– La redevance municipale : autre sujet conflictuel ! Dès son arrivée en 1997, le gérant s’oppose et attaque la mairie en procès. Commence alors un interminable processus devant la Justice administrative qui donne raison ou tort alternativement à chacune des parties. La redevance municipale devient « taxe d’occupation du domaine Public », baisse de prix, est payée avec effet rétroactif, puis rendue, puis payée à nouveau, un dossier qui traîne en longueur depuis 2006, grâce à une utilisation habile des lenteurs judiciaires, plusieurs retours à la case départ. De longues années devraient encore s’écouler avant que cette question ne soit définitivement tranchée…
8/ Mise en valeur du site et aide à sa prise de conscience de sa valeur.
« L’association « Ranimons la cascade ! », consciente de la valeur d’un site exceptionnel, unique en son genre et mal connu, a très vite pris conscience de la nécessité de mettre en valeur ce patrimoine, de la faire découvrir et surtout de l’expliquer. Très vite il fut décidé de placer un panneau d’interprétation auprès de la cascade. Une signalétique lumineuse a un temps été mise en place…
Des soirées et journées sur le thème du patrimoine sont organisées régulièrement sur des thèmes variés : les moulins, les châteaux, les caves de saint Laurent, la richesse du réseau hydroélectrique aérien et souterrain. Des intervenants viennent partager leur expérience sur la mise en valeur de leur territoire…
A compter de décembre 2012, un débit minimum est restitué à partir de la conduite forcée en amont de la grande cascade. Celle-ci, sauf incidents, n’est plus à sec comme jusque là. Depuis fin 2014, le débit de 400 l/s d’eau dérivée (maximum) est en principe respecté (bien que les moyens de vérification ne soient pas disponibles pour le public). Cela permet de profiter un peu mieux des périodes de fortes pluies.
Attiré par la vue de cascade et sensibilisé par la médiatisation réalisée par « Ranimons la cascade ! », le public commence à revenir. Des projets de petits commerces vient le jour. Des panneaux d’interprétation ont été mis en place en 2019 par la Municipalité près de la cascade. C’est l’amorce d’une renaissance même si planent encore de nombreux doutes sur l’issue judiciaire des procédures en cours.
Restent encore de gros chantiers notamment la mise en valeur du Trou Marite et de la Gorge au loup, du cirque et de la cascade de l’Arnus, du site et de la cascade de la Crouzie. Des circuits de visite et d’interprétations sont dans les cartons : ils visent à faire mieux comprendre le fonctionnement du site, son histoire, son exceptionnalité ainsi que la complémentarité de toutes ces richesses patrimoniales, tindoul de la Vayssière compris.
9/ les points encore en suspens :
Les nombreuses échéances judiciaires en cours devront bien aboutir un jour, quelque soit la lenteur de la Justice : Conseil d’État, suite des arrêtés de fermeture et de refus d’autorisation, abus de biens sociaux, taxe municipale, travaux sur la voie publique sans autorisation…
Le Parquet de Rodez doit se prononcer sur le contrat frauduleux signé entre EDF et la SHVSS.
L’État doit clôturer la concession achevée depuis le 31 décembre 2005 par un arrêté et les biens appartenant au Domaine Public Hydroélectrique doivent être déclassés y compris les terrains d’assise de la conduite forcée même lorsqu’ils passent chez des privés.
Les investissements donnant droit à un doublement du prix d’achat de l’électricité n’ayant pas été réalisés (et au vu des lenteurs judiciaires, ne sont pas prêts de le faire…), la SHVSS doit rembourser sa part d’argent public injustement perçu.
La conduite forcée qui fuit va probablement refaire parler d’elle. Il est urgent de pouvoir rétablir l’accès à la cascade de la Crouzie, bloqué depuis près de trois ans.
Quelle que soit l’issue judiciaire, tous ces points (et d’autres qu’il serait trop long d’énumérer ici) devront être clarifiés. Ils sont un préalable nécessaire au retour de l’apaisement et du droit à Salles-la-Source et à une mise en valeur complète du site.
[…] à une installation crée de toutes pièces en 1931. Afin de mieux comprendre ce dossier complexe, un point complet sur tout ce qui reste à régler a été mis en ligne sur le site de Ranimons la cascade […]
Bravo et courage pour l’association qui se bat depuis toutes ces années. On est avec vous…!!!
bonjour, j ai l impression de lire les déboires administratifs de notre combat contre la microcentrale de chanteuges qui dure depuis 3 ans. les mêmes réponses du CADA et procédures judiciaires longues avec toujours les administrations locales soutenant la communauté de commune à l origine du projet entre mensonges et fausses déclarations, nous aurons même droit a une conduite forcée d un mètre vingt de diamètre en plein milieu de notre village entre les habitations et même sous des habitations a la place de notre ruisseau. Il faut absolument faire abolir ces droits feodaux qui n ont plus lieu d exister en 2020 et qui contribut à l effondrement de la biodiversite….chapeau bas pour vos 10 ans de combat
Merci. Chez nous, comme semble-t-il chez vous, la réalité dépasse la fiction. Nous attendons une prochaine décision du Conseil d’Etat mais sommes pessimistes compte tenu des propos du rapporteur public qui n’a pas peur de soutenir qu’une installation entièrement nouvelle de 1931 dispose des droits d’usage d’avant la Révolution ! Incapacité à lire et comprendre un dossier ou franche mauvaise foi ? Chacun en pensera ce qu’il veut. L’institution judiciaire ne se grandit pas par de tels propos. Et, sous couvert « d’énergies renouvelables’, le pillage de l’environnement peut se poursuivre pour le plus grand profit financier de quelques uns…