Lettre au Maire et aux présidents de la communauté de communes et du SIEDA
Le 22 juin 2016, « Ranimons la cascade ! » adressait un courrier à Jean-Louis Alibert, Maire de Salles-la-Source, Jean-Marie Lacombe, Président de la Communauté de commune de Conques-Marcillac et Jean-François Albespy, Président du SIEDA (Syndicat d’électrification), leur indiquant plusieurs points importants dont ils doivent avoir été informés pour voter en connaissance de cause les 27 et 28 juin 2016 (mairie le 27 et communauté de communes, le 28). Ils concernent sécurité, la légalité, les aspects financiers et le comportement du SIEDA (qui a statut de collectivité territoriale)
De gauche à droite, Jean-Louis Alibert, Jean-Marie Lacombe et Jean-François Albespy.
A la veille d’un choix important de la part de vos collectivités territoriales pour le devenir du site de Salles-la-source, il nous semble important de vous alerter une nouvelle fois sur certaines conséquences lourdes des décisions que vous pourriez prendre.
Par-delà l’attachement fort que vous connaissez de très nombreux habitants de Salles-la-source, du Vallon et de l’Aveyron à ce lieu symbole, joyau de notre patrimoine, qu’est la cascade de Salles-la-source, nos remarques porteront sur les conséquences juridiques, financières et relatives à la sécurité, du « feu vert » que certains d’entre vous pourraient être tentés de donner à une expérimentation que nous jugeons hasardeuse et quasiment sans retour.
Nous connaissons bien les motifs hautement respectables qui sont les vôtres, de la nécessité de produire des énergies renouvelables et de collecter des taxes pour alimenter vos budgets. Ces raisons ne doivent cependant pas occulter d’autres aspects moins clairs de ce dossier que nous voudrions brièvement ici vous rappeler :
Concernant la sécurité :
Comme toute collectivité locale responsable, vous serez astreints, dès le premier instant, à des obligations de sécurité et de mise aux normes d’une installation obsolète, datant pour l’essentiel de 1931. Ce que l’État n’a pu obtenir d’un privé, il se devra de l’exiger d’une collectivité publique (conduite forcée, amiante, pyralène, habilitations électriques…).
Monsieur le Maire de Salles-la-source, au premier chef, mais également l’ensemble de son conseil municipal, dûment avertis, pourraient engager leur responsabilité personnelle, bien au-delà de leur mandat actuel, en cas d’accident, par exemple suite à une nouvelle rupture de la conduite forcée si n’est pas exigée, préalablement à la décision, une expertise indépendante et engageant la responsabilité de celui qui l’aura réalisée.
Rappelons, en ce qui concerne le Maire, qu’il engage sa responsabilité personnelle pénale en tant qu’élu chargé de la sécurité de ses concitoyens, même bien après la fin de son mandat, et qu’il peut être condamné à de lourdes peines et sur ses biens propres, si l’on tient compte de l’évolution actuelle de la jurisprudence. Voir le jugement de la Faute-sur-mer du 12 décembre 2014 où les élus ont été sévèrement condamnés, alors que l’État a été épargné en dépit des multiples «dysfonctionnements» des services de la Préfecture et de la Direction départementale de l’équipement relevés par l’enquête.
Pour ne citer qu’un exemple, le témoignage d’un voisin de la microcentrale, exprimé durant la réunion publique du 17 juin 2016, concernant l’état de délabrement et de rouille de la conduite forcée dans sa partie enterrée dans le bas du village, est proprement alarmant.
Les experts ministériels eux-mêmes n’ont pu contrôler que les parties aériennes de l’installation et se remettent à une expertise commanditée par le gérant et qui n’a même pas été annexée au dossier…
Concernant la légalité :
Vous le savez, la gestion du dossier depuis 85 ans a été qualifiée par les représentants du Ministère de l’Environnement et de l’Économie et des finances comme un « fiasco administratif » puisque il s’avère que l’installation a fonctionné durant toute cette période de manière illégale. Il est d’ailleurs inquiétant, à ce propos, que les responsables de la DREAL et de la DDT à qui l’on confie le suivi futur de ce dossier soient les mêmes que ceux qui ont orchestré ce fiasco.
Comme toute collectivité locale responsable, vous serez astreints, dès le premier jour, à des obligations de légalité. Le dossier de fin de concession, en panne depuis dix ans et demi, devra impérativement être clôturé et la propriété de parcelles et installations utilisées par la collectivité totalement identifiée et bornée. La collectivité devra pouvoir justifier par un contrat en règle de l’entière mise à sa disposition légale des parcelles, servitudes et installations.
Nous exigerons notamment que, préalablement à la reprise de toute exploitation :
– le deuxième barrage souterrain, construit illégalement durant la concession, et donc qui n’en fait pas partie, soit détruit aux frais du propriétaire qui l’a construit sans autorisation, préalablement à toute nouvelle exploitation. En effet, l’État ne peut légalement se le réapproprier;
– le « débit réservé » laissant passer 10 % de l’eau au droit du barrage soit mis en place comme l’exige la législation pour tout barrage en France depuis 2012 (et non artificiellement et illégalement restitué par la conduite forcée à 100 mètres du barrage);
– les galeries colmatées sans autorisation dans le delta souterrain allant vers la source du « trou Marite » soient débouchées afin que soit remis en eau le ruisseau de la « Gorge au loup » et les cascades de la Vayssière et du trou de l’Arnus, conformément aux dispositions légales concernant la protection des cours d’eau.
Enfin, vous n’êtes pas sans savoir que la décision préfectorale de non-autorisation peut, comme toute décision administrative, être attaquée par l’ancien gérant, fin procédurier, devant les tribunaux. Connaissant celui-ci, il est fort probable qu’il ne restera pas inactif, et la période de transition peut s’avérer extrêmement difficile à gérer tant que dureront les contentieux. Interrogés sur ce point, les services de la Préfecture ont paru embarrassés et n’ont pas su nous répondre. Ils n’ont pas exclu à terme un possible retour de l’actuel gérant.
Concernant les aspects financiers :
Compte tenu des aspects cités plus haut, il semble que la remise en marche de l’installation après le départ de l’actuel gérant, dans des conditions légales et de sécurité, soit dès le premier jour une source de dépenses élevées d’expertises.
Concernant le fonctionnement courant, le chiffre d’affaires avancé par le rapport interministériel pour atteindre le « point d’équilibre » est d’un minimum de 205 000 €. Or, sur une période de 8 ans (2005-2012), ce chiffre, en l’absence de débit réservé et malgré de nombreux dépassements de la puissance autorisée, n’a été dépassé que 3 fois et atteint une seule fois, avec une moyenne de 196 000 € (voir comptes de résultats de la SHVSS).
La mission d’inspection se montre extrêmement prudente sur les chiffres qu’elle avance et qu’elle juge elle-même incertains et peu fiables. Elle n’a pas pu elle-même obtenir des chiffres de la part d’EDF…
Concernant l’obligation d’achat permettant la vente d’électricité à un tarif ultra-préférentiel, vous ne devez pas ignorer que celle-ci a donné lieu à la signature d’un CODOA (Certificat Ouvrant droit à l’Obligation d’Achat) signé par la DREAL en décembre 2012 auprès du gérant de l’actuelle société. Sa légalité est contestable puisque n’y est annexé aucun plan précis d’investissement. De plus, l’achat d’électricité à titre préférentiel est subordonné à un programme d’investissements conséquent correspondant à la somme de 750 € par kW, à réaliser dans les huit ans dont 60 % à réaliser dans les 4 ans.
A ce titre, pour continuer à bénéficier de ce dispositif, la Société hydroélectrique de Salles-la-Source était tenue de réaliser un montant de travaux de 220 000 € avant décembre 2016. Or aucun de ces travaux n’est commencé. Par ailleurs, le contrat d’achat et le CODOA qui y est annexé sont nominatifs : il ne peuvent se transmettre qu’avec l’accord de son titulaire précédent. Nous doutons que cet accord soit acquis…
Enfin, le budget prévisionnel devra inclure un provisionnement pour changement de la conduite forcée en cas de rupture, et de démantèlement en fin de contrat. Quoiqu’aucun devis n’ait été présenté dans le dossier d’autorisation, le remplacement de la conduite forcée a été rapidement estimé dans une fourchette de 1 à 2 millions d’euros. Encore n’a-t-on pas prévu la situation du changement dans le raidillon piétonnier passant à côté de la cascade, inaccessible aux engins de chantier et passant au ras des habitations.
Il importe que les assemblées disent avec précision qui assumera la responsabilité financière dans une situation qui pourrait vite se révéler à nouveau inextricable : le coût du dossier de demande d’autorisation, des études et des expertises, les investissements immédiats, les avances de frais et de fonds propres, notamment au cas où l’expérimentation n’aboutirait pas, ou si l’installation était un jour restituée à l’ancien gérant par les tribunaux.
En cas de décision de poursuite de l’installation, au vu d’un tel niveau d’incertitudes et de risques, et le fait que soit en jeu de l’argent public, nous ne pourrions qu’alerter la Chambre Régionale des Comptes afin qu’elle assure un suivi attentif de cette expérimentation.
Concernant le SIEDA :
Il est à noter que le SIEDA, pressenti pour assurer une période d’expérimentation de 18 mois à 2 ans, le temps de monter le dossier d’autorisation, n’a pas souhaité nous rencontrer, en dépit de plusieurs demandes de rendez-vous adressées à son Président depuis plusieurs semaines, et ce au motif qu’aucune décision n’ayant été prise par les élus, « il est trop tôt pour étudier le dossier ».
Or, lors de la réunion publique, Madame Bernadette Marriat, élue de Salles-la-source, a clairement énoncé le fait que le SIEDA s’était montré « très intéressé ».
De deux choses l’une : ou bien le SIEDA n’a pas encore étudié le dossier, ou bien il dissimule et prépare en secret ce projet. Pourquoi ?
Vous ne devez pas non plus ignorer à ce sujet que M. Jean-Marie Lacombe, président de la Communauté de communes, est également président-délégué du SIEDA. Nous tenons à vous alerter sur tout risque de conflit d’intérêt.
En conclusion, nous estimons que ce projet, qui engage les collectivités locales pour le siècle qui vient, est extrêmement risqué sur ces divers plans, dans un contexte d’extrême incertitude sur l’ensemble des données présentées. Personne ne pourra ni ne voudra garantir qu’il n’y a pas de problèmes de sécurité. Peut-être même l’actuel gérant les connaît-il et les cache-t-il…
Les risques sont considérables et non maîtrisables, la complexité du dossier est extrême et les délais exigés par l’État sont bien trop courts pour que soit prise une sage décision, si ce n’est celle d’arrêter. Peut-être même est-ce le message que les inspecteurs ont voulu discrètement vous faire passer, sans toutefois vouloir écorner l’image de leurs ministères de tutelle.
La phase dite d’expérimentation devrait mettre en œuvre, dès le premier jour, de très nombreux frais de mises aux normes, de réparations, d’études, d’expertises techniques et juridiques, sans que la préfecture ne se prononce sur les responsabilités financières de chacun en cas d’abandon au bout de cette période d’essai.
Quelle que soit la décision prise, nous resterons extrêmement vigilants sur tous ces points.
En vous remerciant d’avoir été attentifs à nos arguments, et espérant avoir pu vous convaincre du bien fondé de notre démarche, veuillez recevoir, Messieurs les Présidents, nos salutations les meilleures.
Pour le Conseil d’Administration de « Ranimons la cascade ! »,
le Président,
Bernard Gauvain
◊ Copie à Monsieur le Président de la Chambre Régionale des Comptes de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées
◊ Copie électronique aux élus de la commune de Salles-la-source et de la Communauté de communes de Conques-Marcillac.
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