Le silence de Ségolène Royal

Ségolène Royal est la sixième ministre de l’Environnement en charge du dossier de la cascade de Salles-la-Source, après Nathalie Kociusko-Morizet, François Fillon, Nicole Bricq, Delphine Batho, et Pierre Martin.

Par courrier, dès le 30 juin, « Ranimons la cascade a eu l’opportunité de lui faire mettre en mains propres le courrier suivant par l’intermédiare de françoise Dedieu-Casties, vice-présidente du conseil régional de Midi-Pyrénées (EELV) .

Il n’a pas à ce jour reçu de réponse :

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« Fermer trop longtemps les yeux sur de telles fraudes manifestes reviendrait à les cautionner »

« Salles-la-Source, le 30 juin 2014,

Madame le Ministre,

C’est pour la défense d’un site majeur, qualifié par le géographe Elisée Reclus de l’ « un des plus merveilleux de France » que l’association que je préside se trouve mobilisée depuis quatre ans avec le sentiment d’être le « pot de terre » contre le « pot de fer ». Et c’est bien ce qui motive l’appel à l’aide que nous vous adressons. Nous souhaiterions pouvoir vous accueillir un jour dans notre village de Salles-la-Sourc. Nul doute que vous seriez, comme chaque visiteur, saisie par ce joyau géologique constitué, au flanc du Causse Comtal, de terrasses de travertin sur lesquelles maisons et châteaux s’étagent depuis le Moyen Âge. Le joyau de cet ensemble : la Grande Cascade qui jaillit du Causse et tombe, entre les maisons, dans une vasque vingt-cinq mètres plus bas. C’est plutôt d’un ensemble de cascades qu’il s’agit, ainsi que de tout un réseau hydrographique qui donne à ce village un caractère exceptionnel.

Ou plutôt qui « donnait »… Car c’est malheureusement au passé qu’il faut en parler. Depuis quatre-vingts ans, en effet, une installation hydroélectrique, construite illégalement, confisque la plus grande partie du temps la majeure partie des eaux qui ont fait sa renommée de Salles-la-Source et lui ont donné son nom. La production de cette microcentrale équivaut à l’énergie d’ une demi-éolienne ; un rendement insignifiant comparé à l’atteinte portée au site et au développement local.

Le site de Salles-la-Source est situé sur l’axe touristique qui relie le musée Soulages de Rodez à Conques et aux vitraux du même Soulages ; axe dont l’ensemble des collectivités locales travaillent activement à la mise en valeur.

Toutes aussi graves les atteintes portées à la loi et à la démocratie dans ce dossier !

Cinquante ans de combat et plusieurs décisions de justice, longtemps restées lettres mortes, ont finalement contraint l’exploitant à déposer un dossier de fin de concession en 1980. En ces époques, le notable-sénateur qui la possédait pouvait s’appuyer sur un imposant réseau de connaissances bien placées…

Cette concession s’est achevée le 31 décembre 2005. Mais le gérant continue à exploiter depuis lors avec, inexplicablement, le soutien des services de l’État.

En juin 2010, une enquête publique, préparée dans le plus grand secret, présente un dossier d’autorisation afin de continuer à turbiner (les concessions de faible puissance, dites « concessions autorisables » ne sont plus soumises à concession).

C’est là que se crée notre association. En peu de temps, elle rassemble plusieurs centaines d’adhérents et obtient de nombreux soutiens tant d’autres associations que de personnalités ; celui d’anciens fonctionnaires qui connaissent bien les dessous de ce dossier entaché d’irrégularités permanentes ; et celui de la quasi-totalité des élus de ce département, toutes tendances politiques confondues. Depuis quatre ans, sans relâche, elle combat ce projet avec une forte mobilisation associative de tous les habitants du lieu et de la région. Notre lutte se solde par un très fort écho médiatique : plusieurs centaines d’articles dans la presse régionale et nationale ; des reportages sur les chaînes de télévision régionales et nationales.

Surtout, par un incessant et abondant travail collectif, nous apportons une masse d’arguments de droit. Il n’est pas un point que nous avancions sans que nous n’en apportions les preuves.

Depuis quatre ans, nous étudions le dossier, bâtissons les dossiers, étudions le cadre juridique du droit de l’eau de l’environnement et de l’énergie, et interpellons l’Administration, en dépit des innombrables bâtons dans les roues que n’a cessé de nous mettre celle-ci pour tenter d’empêcher de nous faire entendre. Désormais Madame le Préfet déclare qu’elle ne peut rien faire sur ce dossier sans l’aval de votre Ministère.

Nous avons dû déposer quatre recours devant le Tribunal Administratif. Le premier enfin a donné lieu à un jugement qui a condamné votre Ministère à nous verser 1000 € et à produire deux pièces importantes du dossier puisqu’elles induisent la possibilité ou non de l’entreprise de continuer à exploiter la chute d’eau.

Il est à noter que ce n’est que ces derniers jours – sept mois après le prononcé du jugement ! – que votre Ministère a enfin reconnu ne pas avoir de traces de documents sur lesquels pèsent désormais un important soupçon de faux en écriture.

Un deuxième recours demande une copie du dossier de fin de concession de 2003, comme le droit nous y autorise et que l’État nous refuse depuis dix-huit mois.

Deux autres recours sur le fond du dossier ont été également déposés devant le Tribunal Administratif, suivant leur rythme propre et sur lesquels, curieusement, l’État ne produit aucun mémoire en réplique…

Mais par manque de moyens, nous ne pouvons porter tous les points de fraude devant les tribunaux. Pour les clarifier, nous nous sommes adressés, il y a plus de quinze mois, au Premier ministre dans une motion votée lors de notre assemblée générale demandant une enquête administrative indépendante sur ce dossier. Cette motion évoquait, par delà des recours en justice, «  de graves et multiples irrégularités, secret et dissimulation, refus de réponse et absence de prise en compte par l’État de nos légitimes interrogations, notamment sur la sécurité, tolérance d’invraisemblables comptables ». Nous n’avons pas eu de réponse…

Il est à noter qu’un autre recours a été déposé par un privé concernant l’absence de titre de servitude sur l’une des parcelles. La société hydroélectrique a été condamnée en première instance mais a fait appel, il y a 18 mois, sans qu’aune audience ne soit annoncée.

A noter enfin que la nouvelle municipalité élue en mars 2014 soutient pleinement notre association et que l’exploitant lui mène procès sur procès en refusant depuis bientôt 9 ans de payer la redevance municipale (devenue depuis taxe d’occupation du domaine public) pour un montant cumulé de 160 000 €.

Vous êtes le sixième ministre de l’écologie depuis juin 2010 à hériter de la responsabilité de ce dossier très « spécial ». Votre arrivée au ministère de l’écologie peut être la chance pour nous d’un regard neuf et nous apporter un souffle d’espoir. En un mot, nous comptons sur vous pour que l’État prenne enfin ses responsabilités.

Nous ne pouvons pas croire en effet que le haut représentant de l’État, sensible aux questions de droit et d’éthique que vous êtes, puisse cautionner l’ensemble des faits que je viens d’essayer de vous énumérer. Pour mémoire et pour ne citer que quelques irrégularités particulièrement choquantes, il est question dans ce dossier de :

  • Reconnaissance de droits fondés en titre sur d’anciens moulins totalement disparus parfois depuis plus de 100 ans ;

  • Exploitation de l’énergie sans titre de 2006 à 2012 ;

  • Absence de retour des biens à l’État depuis la fin de concession ;

  • Absence de mise en concurrence de l’installation pour un éventuel renouvellement ;

  • Refus de l’État de communiquer de nombreuses pièces du dossier ayant nécessité cinq recours devant la CADA et deux recours devant des Tribunaux Administratifs ;

  • Dépôt de bilans comptables totalement erronés affichant presque toujours des résultats proches de zéro et absence des réaction des services de l’État pourtant alertés depuis plus de deux ans,

  • Soupçon très élevé de travail dissimulé et de fraude fiscale ;

  • Soupçons sur la sortie de redressement judiciaire de l’entreprise en 2008, malgré de tels bilans ;

  • Convention modifiant en secret les conditions de la fin de la concession, bien que celle-ci soit achevée, signée entre l’État et l’exploitant en 2006 et dissimulée jusqu’en 2012.

  • Changement de discours de l’État qui après avoir constamment affirmé que l’entreprise était autorisée à turbiner au nom du délai glissant, affirme maintenant qu’elle ne peut plus le faire qu’à 40% de sa puissance depuis 2006 !

Je ne peux pas ne pas mentionner aussi les risques pour la sécurité des habitants du fait d’une réserve d’eau souterraine disposée en haut du village, en « zone rouge », d’une conduite forcée sous pression passant entre les habitations, celle-ci s’étant déjà rompue de par le passé, tout comme un pan important de la falaise dans laquelle est situé le barrage, qui s’est effondré en 2005.

Il nous semble désormais très peu probable que l’entreprise incriminée, propriétaire des lieux, puisse un jour être à nouveau autorisée. Mais nous redoutons une stratégie de l’État qui consisterait à jouer le pourrissement en ne répondant pas aux requêtes du tribunal et en faisant durer le plus possible la situation contestée.

Fermer trop longtemps les yeux sur de telles fraudes manifestes reviendrait à les cautionner. Nous ne pouvons pas croire que ce soit le cas et sollicitons auprès de vous un rendez-vous pour vous exposer plus en détail l’ensemble de ces faits.

Comptant sur votre ténacité et vos convictions pour faire bouger ce dossier, nous vous prions de croire, Madame la ministre de l’environnement, en l’assurance de nos salutations respectueuses.

Pour le conseil d’administration de « Ranimons la cascade ! »,

le président,

Bernard Gauvain « 

ministere-environnement

Annexe de la lettre  : « Ranimons la cascade ! » de Salles-la-Source

MOTION AU PREMIER MINISTRE
restée à ce jour sans réponse

DEMANDE D’ENQUÊTE ADMINISTRATIVE INDEPENDANTE

Depuis bientôt trois ans, sans relâche, notre association « Ranimons la cascade ! » s’emploie à démêler l’écheveau du dossier de la Société Hydroélectrique de la Vallée de Salles-la-Source (12).

Aujourd’hui notre conviction est solidement établie : aucun argument tant technique que juridique, économique, énergétique ou de simple bon sens ne saurait justifier la mainmise de cette société sur la cascade de Salles-la-Source, et son pillage du site.

Graves et multiples irrégularités, secret et dissimulation, refus de réponse et absence de prise en compte par l’État de nos légitimes interrogations, notamment sur la sécurité, tolérance d’invraisemblances comptables : un tel déni autant de la loi que de la démocratie et de l’intérêt local ne saurait s’expliquer autrement que par l’intervention d’un décideur au plus haut niveau de l’un ou l’autre des services ministériels ou administratifs…

C’est pourquoi nous demandons solennellement à Monsieur le Premier Ministre, chef du Gouvernement, l‘ouverture d’une enquête indépendante destinée à déterminer les responsabilités exactes dans cet invraisemblable imbroglio administratif qui n’honore pas les valeurs de la République.

Salles-la-Source, le 15 mars 2013

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