Histoire d’usines illégales et de « Régularisation administrative » à Salles-la-Source…
L’actuel Musée du Rouergue est l’héritier d’une longue et conflictuelle histoire autour de l’eau et des moulins au cœur du village de Salles-la-Source. Son histoire intéressera les personnes qui s’intéressent à l’Histoire de ce village.
Dans les années 1830, d’importants notables de la région de Rodez et de Salles-la-Source ont implanté, sans la moindre autorisation administrative, de nouvelles et conséquentes usines en lieu et place de trois anciens petits moulins situés en dérivation du Créneau, au niveau de la grande cascade. Le principal de ces bâtiments a persisté jusqu’à nos jours en devenant l’actuel Musée du Rouergue (vue d’ensemble des bâtiments en bas à gauche sur la photo de 1963).
Ces nouvelles installations vont considérablement gêner les meuniers situés à proximité, en aval et sur le même bras de dérivation, en même temps qu’elles leur feront concurrence. Mais ces usines sont innovantes, créent de l’emploi et surtout sont portées par des notables. Ceci leur permettra de poursuivre leur chemin quasiment sans encombre en dépit des protestations qui donneront lieu à de nombreux courriers et à trois rapports d’ingénieur qui nous permettent aujourd’hui d’avoir une description assez précise de la situation à cette époque.
Cette façon d’agir peut se résumer de la sorte : s’installer sans demander à personne puis demander une régularisation au vu des services qu’apportent les nouvelles installations à la population et en faisant valoir ses réseaux de relations. Ayant été couronnée de succès, elle sera reprise à l’identique 100 ans plus tard par les successeurs de ces industriels qui créeront, en 1930 et selon le même procédé, la Société Hydroélectrique de la Vallée de Salles-la-Source.
C’est sur cette « part d’ombre » de l’histoire de Salles-la-Source que va se pencher ce récit, documenté à partir de divers courriers conservés aux archives départementales de l’Aveyron. Cela n’exclut pas la part de vérité des récits hagiographiques dédiés par exemple à Henri Carcenac (ex. « Henri Carcenac (1790-1855), un maire de Rodez tourné vers l’avenir » in « Etudes aveyronnaises »). Cela permet du moins de les relativiser.
Ce récit qui se veut aussi une chronique de la vie ordinaire au temps des meuniers et usiniers, permet de plus de se rendre compte des modifications substantielles des moulins réalisées par les usiniers au milieu du XIXème siècle, les transformant en puissantes usines (pour l’époque…) et leur faisant alors perdre les prétendus « Droits Fondés en Titre » que la SHVSS revendiquera cependant 150 ans plus tard (quartier de « la Barrayrie »).
Plan suivi :
1/ septembre 1834 – Première demande de régularisation
2/ juin 1836 – Premier rapport de l’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées de l’arrondissement de Rodez
3/ juillet 1836 – Intervention du meunier Saleilles, rappel du jugement de 1810 et novembre 1836 – réaction de Guillemin
4/ Deuxième rapport de l’ingénieur des Ponts et Chaussées
5/ Janvier 1837 – Nouvelle consultation publique
6 / mai 1837 – 3ème et ultime rapport de l’ingénieur des ponts et Chaussées
7/ janvier 1938 – Carcenac écrit au maire en vue du règlement d’eau
En bas de page, quelques coupures de presse à la louange des nouvelles usines illustrent l’état de fait créé par leur implantation contraignant en quelques sortes l’Administration à régulariser les installations.
1/ septembre 1834 – Première demande de régularisation
Le 1 septembre 1934, les nouveaux industriels s’adressent au préfet pour lui demander un « règlement d’eau ». Les usiniers Tarayre, Guillemin, Carcenac et Micollon lui écrivent : « les constructeurs des nouvelles usines construites ou en construction sur le Créneau demandent au préfet un règlement d’eau : leurs nouveaux établissements réclament de par leur importance un arrêté régulateur de leurs droits et devoirs respectifs » car « la loi du 28 septembre et du 6 octobre 1791 a rendu le Préfet responsable de ces sortes de questions. »
Suit une présentation de la situation allant jusqu’à affirmer que le débit du Créneau est de 540 m3/minute [soit 9 m³/s], « ce qui donne une force de 1992 CV », un chiffre manifestement exagéré, destiné à impressionner le préfet, puisque, en réalité, le débit moyen du Créneau a été évalué en 2010 à 0,7 m³/s, ce débit étant encore largement supérieur à la capacité de la dérivation des moulins, comme on le verra plus loin.
Le courrier continue : « Tout moulin doit avoir une prise d’eau et un déversoir, la hauteur des vannes, le niveau des canaux sont fixés par M. le préfet… Or aucun moulin de Salles n’a de prise d’eau ni de déversoir parfaitement en règle. Il résulte de cet état de choses que lorsque l’un d’entre nous a quelque réparation à faire aux roues ou au bief de son usine, il est obligé de détourner le cours d’eau et de priver ainsi tous les autres des moyens de travailler. »
« Par là souvent 200 ouvriers restent inoccupés et il en résulte pour tous un dommage très considérable, particulièrement, le sieur Saleilles occupant la première chute au dessous de la chaussée de Salles, prive souvent, quand il lui plaît et souvent sans prétexte, les usine inférieures des eaux auxquelles elles ont droit. Il les rend ensuite à volonté et sans mesure, et les eaux arrivant avec violence causent des dégâts et des dommages aux biefs et rouages inférieurs. Il s’étaye dans ses caprices et ses prétentions d’un jugement du tribunal de paix de Marcillac , jugement entaché de nullité puisque le juge de paix est incompétent (décret du 19 mars 1808) et que le préfet a seul pouvoir de (se) prononcer dans ces débats. Ce jugement porte que le sieur Saleilles n’ouvrira jamais qu’une seule de ses vannes (…) à la fois. »
« Mais les besoins des nouvelles usines sont autres qu’ils n’étaient lors du jugement du juge de paix de Marcillac. L’Administration compétente ne refusera pas de changer cet ordre des choses et laissera profiter de toute la force motrice offerte par la nature. D’ailleurs le jugement dont il s’agit ne préjuge rien formellement sur l’obligation imposée à tout propriétaire d’avoir un déversoir pour ne pas nuire à la propriété et aux droits des autres. »
« Quelques propriétaires de moulins situés au dessous de la papeterie n’ont, pour l’écoulement des eaux déversées, que des rigoles fort étroites. Ces rigoles garnies d’incrustations rétrécissent chaque jour par des dépôts de tuf qu’entraîne l’eau de Salles. Lorsque les eaux arrivent plus abondamment que de coutume, elles s’épanchent dans les terrains cultivés et dans les chemins. »
« Ces propriétaires réclameront peut-être pour maintenir le statu-quo. L’Administration jugera dans sa sagesse des droits de chacun : elle ne manquera pas de remarquer que ces rigoles, d’abord fort larges et spacieuses, se rétrécissent chaque jour par l’effet du dépôt des eaux calcaires. Ils doivent donc être obligés de les entretenir de manière à rendre toutes les eaux nécessaires aux usines inférieures et supérieures à eux. »
« En résumé, les soussignés demandent à ce que tout propriétaire de moulin soit tenu de faire un déversoir dont la hauteur et la section serait déterminée sur le rapport d’un ingénieur envoyé sur les lieux, que tout propriétaire d’usine soit tenu de recevoir et de rendre toutes les eaux qui sont fournies par les sources et que peuvent exiger les moteurs sauf celles provenant des trop fortes crues, et qu’ils doivent tenir les rigoles creusées, et de la dimension qui sera déterminée ; que tous les propriétaires au dessous de la chaussée concourent à leur entretien suivant l’importance de leur chute d’eau. Par un usage immémorial, les propriétaires des terres et prés situés au dessus de la chaussée prennent pour arroser leurs propriétés les eaux du ruisseau le dimanche de chaque semaine ; dans l’intérêt des usines, les soussignés vous prient de faire régler ce droit. »
« Les soussignés, monsieur le préfet, confiant dans vos lumières et la protection bien entendue que vous accordez à l’industrie, vous prient de prendre leur demande en considération… »
Il semble que ce courrier ait donné une réponse précisant la nécessité d’une autorisation préalable des usines par ordonnance royale, réponse recopiée sur un morceau de papier :
En octobre 1834, les industriels vont donc à nouveau adresser au préfet trois courriers, un pour chacune des usines afin de demander la signature de la précieuse « ordonnance royale » dont ils ont besoin pour rentrer dans la légalité.
– « Les sieurs Guillemin et Tarayre sont acquéreurs d’une partie du patus et d’une chute d’eau donnant une hauteur de 5.40 m. Sur cette chute, ils ont établi une minoterie et une huilerie. Ils viennent aujourd’hui, monsieur le préfet, solliciter par votre intermédiaire une ordonnance royale qui, aux termes de l’article 9 de la loi du 19 ventose an 6, autorise ce changement et agrandissement… » (voir lettre et avis du maire de Salles-la-Source)
« Henri Carcenac, négociant à Rodez, l’un des acquéreurs, se trouve propriétaire d’une partie du patus et de deux chutes déviées donnant réunies une hauteur de 9 m et 15 cm. Sur la chute supérieure de 4.50 m environ, il a établi une filature de laine …l’autre chute restant libre.
Il vient aujourd’hui, monsieur le préfet, solliciter de votre intermédiaire, une ordonnance royale qui, aux termes de l’article 9 de la loi du 19 ventose an 6, autorise ce changement et agrandissement. » (voir lettre)
– « J. Guillemin, Tarayre, lieutenant à Billorgues, Carcenac et Panassié, négociants à Rodez, se trouvent se trouve propriétaires d’une partie du patus et de deux chutes déviées donnant réunies une hauteur de 6.45 m. Sur cette chute, ils ont établi une papeterie. (voir lettre)
Ils viennent aujourd’hui, monsieur le préfet, solliciter de votre intermédiaire, une ordonnance royale qui, aux termes de l’article 9 de la loi du 19 ventose an 6, autorise ce changement et agrandissement. »
Ces trois courriers vont alors être renvoyés par le préfet au maire de Salles-la-Source, G. Solignac (domicilié à Cougousse), le 28 octobre 1834, qui demeure invité à remplir les formalités prescrites par l’instruction du 19 thermidor an VI. « Après que ces formalités auront été remplies et que la demande aura été affichée pendant 20 jours, monsieur le maire formulera ses observations et nous adressera le tout pour être statué, sur le rapport de l’ingénieur des Ponts et Chaussées, ce qu’il appartiendra. »
Le maire va procéder à l’affichage à la mairie, qui aura lieu du 11 novembre au 1 décembre 1834. « Les citoyens qui auraient des observations à présenter sont invités à le faire au secrétariat de la Mairie. Elles y seront reçues durant la durée de l’affiche et dans les trois jours qui suivront l’expiration de son délai ».
Le 24 décembre 1834, le maire formulera son avis : « aucune observation n’a été faite dans le délai et dans les 3 jours qui ont suivi ». En ce qui concerne la filature, il écrit : « notre avis particulier est que l’Administration doit encourager un établissement utile à la commune par le travail qu’il donne à de nombreux ouvriers et pour l’écoulement facile des laines des troupeaux …et qu’elle doit approuver le changement demandé »
Dix huit mois de lenteur administrative s’écoulent et Guillemin envoie le 12 avril 1836 une lettre de relance au Préfet, profitant de sa réponse à une lettre de réclamation concernant les 2000 F promis par le Conseil Général pour la construction de la nouvelle route qui a été construite de Rodez à Salles-la-Source en vue d’un meilleur accès à la filature (tronçon Cadoul/Salles-la-Source) :
« Monsieur le préfet,
J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 5 de ce mois, en réponse à ma réclamation de la prime de 2000 francs accordée par le Conseil Général à la minoterie de Salles. Permettez-moi de vous exposer quelques considérations tendant à prouver que la minoterie de Salles n’a pas besoin d’être autorisée par ordonnance royale.
Une minoterie n’est qu’un moulin auquel s’ajoutent les machines à cribler le blé et des blutoirs pour passer les farines. Il n’y a de différence que quelques mécanismes faits pour faciliter ce travail, le rendre prompt et par suite moins coûteux ; une minoterie peut avoir moins d’importance qu’un moulin, rien n’indiquant le nombre de paires de meules dans ces … diversement qualifiés.
A la Barrayrie, existait un moulin de 4 tournantes depuis un temps immémorial. Tout semblerait même indiquer qu’il a été le premier construit à Salles-la-Source. C’est ce moulin que j’ai transformé en minoterie, c’est-à-dire que j’y ai ajouté des tarares , des blutoirs, des élévateurs et le distributeur des matières … c’est le même moulin en plus perfectionné. Et le commencement des améliorations ne date pas de mon entrée puisque déjà son ancien propriétaire, M. Solinhac, avait introduit les blutoirs.
Le moulin existait donc depuis un temps immémorial, délai autorisé pour un long usage, des nouveaux perfectionnements nécessitent-ils une ordonnance royale et si de nouveaux engins viennent encore faciliter la besogne, faudra-t-il une nouvelle autorisation ?
Veuillez Monsieur le préfet, en votre sagesse, ces réflexions, et suppléer à l’insuffisance de leurs développements. Les personnes intéressées continueront à solliciter le règlement du cours d’eau, la fixation de la hauteur de chaque chute, l’établissement régulier de déversoirs etc. choses qui n’ont jamais été faites et sans lesquelles il est impossible de faire marcher l’industrie dans notre localité. C’est l’objet des demandes que nous vous avons tour à tour adressées le 6 octobre 1834.
Veuillez agréer, Monsieur le préfet, l’assurance de mon profond respect.
J. Guillemin, directeur de la minoterie. »
2/ juin 1836 – Premier rapport de l’ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées de l’arrondissement de Rodez
Le 25 juin 1836, est enfin signé un rapport par l’ingénieur ordinaire, « sur la demande de MM Tarayre et Guillemin en vue d’obtenir une ordonnance royale qui autorise la construction d’une minoterie et d’une huilerie sur une dérivation du ruisseau de Salles-la-Source » :
« … Vue la pétition ci-jointe, en date du 6 octobre 1834, dans laquelle les sieurs Tarayre, lieutenant général et Guillemin, propriétaire, prient monsieur le préfet du département de l’Aveyron de faire rendre en leur faveur une ordonnance royale qui autorise, conformément à la loi du 19 ventose, an 6, la construction d’une minoterie et d’une huilerie sur une partie du ruisseau de salles-la-Source, qui présente une chute de 5 m 40 de hauteur.
Vu le certificat de M. le maire de la commune en date du 24 décembre 1834, constatant que la dite pétition a été affichée à la porte de la maison commune du village de Salles-la-Source, depuis le 11 novembre 1834 jusqu’au 1er décembre de la même année, et que pendant ce temps et durant les trois jours suivant, aucune observation verbale ni écrite n’a été faite au secrétariat de la mairie de Salles-la-Source,
Vu l’avis particulier du maire de Salles-la-Source d’après lequel les usiniers précités doivent produire des résultats très avantageux pour la commune et pour une grande partie du département de l’Aveyron,
Vu la lettre en date du 12 janvier 1835 de M. l’ingénieur en chef du département qui nous invite, au terme des instructions du 19 thermidor, an 6, et de l’arrêté du gouvernement du 19 ventose de la même année, de dresser notre rapport selon la demande des sieurs Tarayre et Guillemin.
Nous ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussée de l’arrondissement de Rodez, nous sommes rendus dans le courant du mois de juin 1836, au village de Salles-la-Source, canton de Marcillac, arrondissement de Rodez, pour vérifier les usines déjà établies sur le ruisseau de Salles-la-Source, examiner l’influence que ces constructions exercent sur le régime du ruisseau et rapporter à des repères invariables la hauteur des chutes qui les mettent en mouvement. Les usines dont nous nous occupons sont construites sur une dérivation du ruisseau de Salles-la-Source qui sert aussi à alimenter un grand nombre de moulins indiqués sur le plan général joint au présent Procès Verbal.
Le bassin ABC qui reçoit les eaux du ruisseau est terminé d’un côté par une digue AB, en partie dégradée, de 66.60 m de longueur et du côté du village par une chaussée de 4.45 m de longueur. Dans l’épaisseur de cette chaussée, sont pratiquées trois vannes, les deux premières ayant 0.40 m de hauteur et 0.46 m de largeur pour le service du moulin du sieur Saleilles aîné et la troisième de 0.90 m de largeur et 0.32 m de hauteur pour le moulin à huile du sieur Pierre Saleilles.
Après avoir levé le plan de ce bassin, nous avons nivelé la partie AF de ce cours d’eau entre le point A, origine de la dérivation et le point F, moulin à blé appartenant aux sieurs Nègre et Bosc et nous avons pris pour repère de toutes nos opérations, les appuis des croisées du premier étage des maisons Galtier et Saleilles aîné ; ces opérations ayant été faites en présence du sieur Guillemin, pétitionnaire, Saleilles aîné et d’un grand nombre de propriétaires des usines inférieures.
Le sieur Guillemin, en son nom et au nom du général Tarayre, nous a [fait observer] que la quantité d’eau fournie par les trois vannes sera suffisante pour le jeu de ses usines lorsque la réparation qu’exige l’état actuel de la chaussée AB sera faite. Il a demandé en conséquence que l’Administration veuille bien imposer aux sieurs Saleilles frères, l’obligation de laisser en tout temps leurs trois vannes ouvertes ou bien de l’autoriser à construire un déversoir pour recevoir les eaux qui seraient perdues pour les usines lorsque les sieurs Saleilles frères voudraient fermer une de leurs trois vannes. Les sieurs Saleilles aîné, Nègre et les propriétaires des usines inférieures ont déclaré s’opposer aux demandes du sieur Guillemin.
Le sieur Saleilles, appuyant son opposition sur une longue jouissance et sur un jugement rendu par le juge de paix du canton de Marcillac d’après lequel il pourrait à volonté ouvrir ou fermer l’une des deux vannes de son moulin, pensait que l’Administration porterait atteinte à ses droits et nuirait à sa propriété en l’obligeant à tenir les deux vannes constamment ouvertes ou bien en autorisant le sieur Guillemin à construire un déversoir pour recueillir toutes les eaux fournies par le canal de dérivation, le sieur Nègre et les propriétaires des usines inférieures ont exposé que les dimensions des vannes et déversoirs destinés au service de leurs usines ne leur permettraient pas de recevoir la quantité d’eau demandée par les pétitionnaires ; après ces diverses observations, nous avons répondu au sieur Saleilles que les lois relatives aux usines établies sur les cours d’eau qui ne sont ni navigables, ni flottables, donnent à l’Administration le droit de fixer la hauteur de chute d’eau de manière à ce qu’il n’en résulte de préjudice pour personne et prescrire les ouvrages qu’elle croyait nécessaire pour assurer l’exécution de ces décisions.
Nous avons d’ailleurs observé que les demande du seigneur Guillemin ne tendait pas à diminuer la force motrice dont le sieur Saleilles peut disposer et que dans le cas où ce dernier propriétaire se trouverait lésé par suite des constructions nécessaires pour l’établissement d’un déversoir, il pourrait faire valoir ses droits auprès des tribunaux ordinaires afin de réclamer une indemnité qui serait évaluée contradictoirement par des experts nommés par les deux parties ;
Quant à l’opposition du sieur Nègre et des propriétaires des usines inférieures, fondée sur un trop grande quantité d’eau qui ne pourrait être reçue par leur rigoles, nous avons expliqué à ces propriétaires, comment au moyen d’une vanne placée au point G, ils recevraient à l’époque des grandes crues du ruisseau une quantité d’eau constante.
Ces avis ayant été donnés en présence de Monsieur le maire de Salles-la-Source, nous avons dressé le présent procès verbal, à Salles-la-Source, le 25 juin 1836.
Le PV est signé par l’ingénieur ordinaire Manassac, les pétitionnaires et le maire de Salles-la-Source.
25 juin 1836 : PV de l’ingénieur ordinaire sur la demande de M Carcenac en vue d’établir en vue d’obtenir une ordonnance royale qui autorise la construction d’une filature sur une dérivation du ruisseau de Salles-la-Source
très semblable au PV précédent sauf :
« la construction d’une filature sur une partie du ruisseau de salles-la-Source, qui donne une chute de 9 m environ de hauteur divisée en deux chutes de 4,5 m de hauteur. »
25 juin 1836 : PV de l’ingénieur ordinaire sur la demande de MM Guillemin, Tarayre, Panassié, Carcenac en vue d’établir en vue d’obtenir une ordonnance royale qui autorise la construction d’une papèterie sur une dérivation du ruisseau de Salles-la-Source
très semblable au PV précédent sauf :
« la construction d’une papeterie sur une partie du ruisseau de salles-la-Source, qui donne une chute de 6,45 m environ. »
3/ août 1836 – Intervention du meunier Saleilles, rappel du jugement de 1810 et réaction de Guillemin
C’est là qu’entre en scène le meunier Saleilles qui adresse, le 31 août 1836, au préfet de l’Aveyron une lettre d’avocat car Monsieur Guillemin exige « qu’au lieu d’une vanne maintenant ouverte dans la chaussée de l’exposant pour l’écoulement des eaux, deux soient dorénavant ouvertes, et cela parce que la quantité d’eau s’écoulant par une seule vanne n’est point suffisante pour alimenter son immense usine ».
« A Monsieur le préfet du département (de l’Aveyron),
Observations que lui soumet le sieur Saleilles, meunier, habitant à Salles-la-Source, canton de Marcillac.
Pour un règlement de l’usage des eaux de la source de Salles, demandé par M. Guillemin, propriétaire de la minoterie.
M. Guillemin a fait construire une minoterie au village de Salles-la-Source, au lieu et place du moulin appartenant au sieur Solignac, ancien meunier. Nulle enquête préalable, nulle pétition n’a précédé l’établissement, le nouveau propriétaire n’a voulu y voir qu’une transformation d’un moulin existant, et a cru que les circonstances nouvelles où il se plaçait n’avaient aucun rapport avec la compétence administrative.
Maintenant il n’en est plus de même faute d’avoir chercher à concilier, avant toute construction, les intérêts des divers industriels dont les usines sont mues par les eaux de la source de Salles, il faut les concilier maintenant et c’est dans cette vue que le sieur Guillemin vous a présenté une pétition pour obtenir un règlement pour l’usage des eaux.
Son désir principal, c’est qu’au lieu d’une vanne maintenant ouverte dans la chaussée de l’exposant pour l’écoulement des eaux, deux soient dorénavant ouvertes, et cela parce que la quantité d’eau s’écoulant par une seule vanne n’est point suffisante pour alimenter son immense usine. C’est à l’exécution de ce projet que s’oppose le sieur Saleilles, meunier, dont le moulin est immédiatement supérieur à la minoterie de M. Guillemin et il vous expose en peu [de mots les …] de son opposition.
Le 21 mai 1770, des conventions rédigées par écrit furent faites entre le père de l’exposant et le père du sieur Solignac, que représente M. Guillemin. A cette époque, c’était le père Saleilles qui voulait se servir de deux vannes, le père Solignac prétendant que l’eau qui s’échappait par les deux vannes inondait son moulin ; il fut convenu entre eux qu’à l’avenir Saleilles père ne pourrait ouvrir qu’une vanne, attendu que la grande quantité des eaux qui auraient coulé dans les dits aqueducs auraient emporté les tournans des moulins du dit Solignac, comme étant inférieurs à ceux dudit Saleilles, de pouvoir aller.
Toutes parties se conformèrent à ces conventions. Cependant Saleilles, père de l’exposant, ayant ouvert une fois deux vannes au lieu d’une, a causé par là quelques dommages à son voisin, il intervint le 7 juin 1810, un jugement du juge de paix du canton de Marcillac dont le dispositif est ainsi conçu, avons condamné le dit Saleilles à payer au dit Solignac pour lui tenir lieu de tous dommages et intérêts la somme de douze francs, lui faisant inhibition et défense d’ouvrir deux vannes à la fois sous peine d’être traduit en police correctionnelle, le condamnant aux dépens liquides, 28 francs.
Comme les droits de M. Guillemin ne sont autres que ceux de M. Solignac qu’il représente, il doit bien reconnaître qu’il existe des règlements conventionnels entre les parties, règlements qu’il ne faut changer qu’autant qu’il y aurait opportunité, nécessité. Cela n’existe pas.
Quant à Saleilles l’exposant, il est par trop évident que l’ouverture de deux vannes au lieu d’une, lui cause un préjudice des plus notables, par suite des conventions et jugements ci-dessus mentionnés, et il a pris des mesures pour n’avoir qu’une vanne à ouvrir, l’étendue de son exploitation ne lui permettant pas de faire travailler les roues de son moulin qui correspondent à cette seconde vanne, voila dès lors une grande quantité d’eau tombant sur des appareils qui ne travaillent pas, les pourrissant par l’humidité, sans compter que l’eau se distribuant ainsi entre deux conduites, pour peu qu’elle soit basse, il n’en reste plus assez pour celui dont Saleilles se sert habituellement.
2° Relativement aux meuniers inférieurs, ils sont très intéressés à ce qu’une seule vanne soit ouverte dans la chaussée de Saleilles. Si on en ouvre deux, ils sont aussitôt inondés dans leurs maisons, leurs blés balayé et emportés, leur moulins mis en feu, aussi protestent-ils hautement contre toute innovation en faveur de M. Guillemin qui tendrait à amener un résultat ruineux pour eux, si l’exposant consentait aimablement à céder à M. Guillemin l’eau que celui-ci demande ? Sans nul doute, les meuniers inférieurs, s’appuyant que le jugement ci-dessus mentionné et un long usage ne manqueraient pas de le citer aussitôt devant le juge de paix ou en police correctionnelle pour le voir condamner à des dommages ou une amende.
3° Quant à M. Guillemin, cette innovation est-elle indispensable ? Quelle que soit la faveur due à la grande industrie qui ne demande qu’à vivre à ses côtés comme elle a toujours fait, sauf à périr un jour, si la force des choses l’exige, cette nécessité existe-t-elle en faveur de M. Guillemin ? Non… La source est habituellement des plus abondantes et l’eau qui s’écoule par une seule vanne peut pendant dix mois au moins sur douze, années communes, suffire aux besoins de la minoterie, et dans le peu de temps où la source baissant considérablement, la minoterie est obligée de chômer, on aurait beau ouvrir deux vannes, elle chômerait encore faute d’eau et partagerait le sort des autres moulins qui eux aussi sont obligés de chômer dans les époques de sécheresse.
Faut-il donc sacrifier cinq propriétaires pour faire travailler une ou deux roues de plus de la minoterie de M. Guillemin pendant quelques jours de l’année ? On ne peut le penser.
L’exposant offre à M. Guillemin un moyen bien simple pour concilier les intérêts, bien qu’il tienne profondément au moulin paternel, il consent à le vendre à M. Guillemin à son véritable prix, sans prétendre abuser de sa position et préfère ce sacrifice à des luttes continuelles contre des hommes plus puissants et plus riches que lui. Son adversaire ne peut refuser une offre qui en diminuant pour lui la concurrence met à sa disposition autant d’eau qu’il puisse en désirer. Cette offre, nous la faisons de la manière la plus expresse et nous espérons que monsieur le préfet la prendra en considération.
Que si elle n’était point acceptée par M. Guillemin, ni imposée par l’Administration et qu’un nouveau règlement d’eau parut indispensable pour l’avenir,
Ferons du moins observer :
1° que s’il n’est pas possible de concilier les intérêts de M. Guillemin avec les droits acquis à l’exposant de changer la forme de la chaussée, la hauteur des eaux, la direction des canaux de fuite et autres dispositions, tous ces travaux étant dans le seul intérêt de M. Guillemin, lui seul doit en supporter les frais.
2° S’il veut obtenir une plus grande masse d’eau, comme cette masse d’eau nuit à la sûreté publique par les inondations qu’elle cause à la sortie de la minoterie, dans les maisons, usines et propriétés inférieures à la sienne, il doit être condamné à faire les travaux pour prévenir ces inondations.
3° Que dans tous les cas, un notable préjudice étant occasionné au sieur Saleilles par la dépréciation forcée des machines de son moulin, la mise à l’action continuelle d’un volume d’eau sans emploi, et le détériorant rapidement sous l’influence de l’humidité, M. Guillemin doit être condamné à payer à l’exposant une indemnité qui puisse compenser les pertes dont M. Guillemin seul profite.
Le soussigné n’ayant pas visité les lieux ne peut désigner de manière bien explicite les moyens à prendre pour appeler la conciliation de tous les intérêts mais quant aux droits, ils sont inviolables parce qu’ils reposent sur la loi. Telles sont les observations que le sieur Saleilles à l’honneur d’exposer à M. le préfet par l’organe du soussigné. »
A la lettre est jointe le jugement cité du 7 juillet 1810 du juge de paix de Marcillac qui lui fait interdiction d’ouvrir plus d’une vanne à la fois comme prévu dans le règlement d’eau signé en 1770
(NB : ce jugement est particulièrement difficile à déchiffrer) :
« Napoléon par la grâce de Dieu et par les constitutions de l’état empereur des français à présent et avenir salut
Je …que le septième de juin mille huit cent dix, par le juge de paix du canton de Marcillac, a été rendu le jugement suivant entre le sr Pierre Solignac meunier habitant à la Barayrie, commune de Salles-la-Source, défendeur comparaissant d’une part et Antoine Saleilles aussi meunier habitant aux … défendeur comparaissant aussi en personne d’autre part.
Le demandeur fit par exploit du 18 mai dernier fait par Bouzengrat huissier … le dit Saleilles paraissant céans à notre audience du vingt deux du dit … pour je vois condamner la somme de deux cent francs pour la ….. du blé ou pour les dégradations par lui occasionnées par … du débordement des eaux qui découlent de la chaussée qui alimente les moulins communs lequel débordement du dit Saleilles a occasionné le seize du même mois ainsi que le tout est libellé dans les emplois avec dépens
est comparu le dit Saleilles qui nie d’avoir occasionné aux Solignac le moindre dommage
Les partis ont requis une …. des lieux pour en faire la vérification
Il fait ordonner le même jour que nous nous transporterions sur les lieux contentieux
le jour d’huy, septième de juin à dix heures du matin avec notre greffier pour en faire la vérification en présence des partis, entendre les témoins qu’elles jugèrent à propos de produire et statuer ce qu’il appartiendra.
Nous étant transportés avec le greffier le dit jour à dix heures du matin sur les lieux contentieux au lieu de Salles et en ayant fait la vérification en présence des parties, nous avons constaté que depuis la Pâques du dommage ….. par Solignac, le Sr Saleilles avait emporté le tuf d’un canal qu’il était tenu d’entretenir et qu’avant même cette opération, l’eau s’était échappée en cet endroit et avait occasionné le dommage dont se plaint Solignac
Il nous a été produit un acte informel du 21 mai 1770 contenant règlement … des eaux duquel il résulte que lors de la grande crue des eaux, Saleilles ne poussa … pas plus d’une pâle.
Toutes parties ont convenu de l’exécution de cet accord jusqu’à ce jour
puisquoy juge de paix, vu ce qui résulte de notre vérification la jugeant à la charge de l’appel, avons condamné les Saleilles à payer aux Solignac pour lui tenir lieu de tous dommages et intérêts la somme de douze francs lui faisons inhibition et défense d’utiliser ( ?) deux pêles (vannes ?) à la fois sous peine d’être traduit à la police correctionnelle la condamnant aux dépens liquides à vingt cinq francs dix centimes notification non comprise.
jugé sur les lieux, en présence des parties, le septième juin mille huit cent dix,
Laurens, juge de paix, Manhaviale, greffier figuré au registre de Marcillac, le dix juillet 1810, … 80 M. Caz G reçu deux francs … vingt centimes …
L’an
mille huit cent dix et le …
du mois de juillet le 8è François Touscard, huissier de la justice
de paix du canton de Marcillac cette patente reçue du soussigné
à
la requête du sr Pierre Solignac, meunier habitant à la Barayrie,
commune de Salles-la-Source où il fait mention de dommages dans la
maison d’habitation, avais intimé et dûment signifié au Sr
Antoine Saleilles aux Salles.
Le jugement dont …
écrite afin …
ce faisant lui ai fait commandement d’y …
faisant la …
et de payer au reprenant la somme de huit
sept francs d’intentions auxquelles il demeure condamné par le
jugement en …
prix de notification et enregistrement du présent, autrement en
départ lui ai protesté qu’il soit usé contre lui des usages en
vigueur et droits avec intérêts et de … »
Ce courrier suscite vraisemblablement le trouble et le préfet ne bouge pas, ce qui décide Guillemin à le relancer par lettre du 9 novembre 1836. Cette lettre évoque à nouveau la délibération du Conseil Général pour financer la construction de la nouvelle route de Rodez à Salles :
« Monsieur le préfet,
J’ai l’honneur de vous rappeler que plusieurs propriétaires ou d’usines à Salles-la-Source ont demandé à la date du 4 octobre 1834 ont demandé la régulation du cours d’eau de Salles. Pour obtenir ce règlement du cours d’eau, les demandeurs doivent avoir pour leurs usines des autorisations royales. Ils se sont immédiatement pourvus près de vous pour les obtenir.
Les affiches ont été, conformément à votre arrêté, apposées sur la porte principale de la mairie de Salles, pendant le temps voulu par la loi. Le certificat de M. le maire de Salles vous a été remis. Il constatait la durée de l’affiche et l’absence de toute opposition.
M. l’ingénieur des Ponts et Chaussées a visité les lieux le 22 mai de cette année et a interrogé les intéressés. M. l’ingénieur vient de me promettre qu’il vous remettrait son rapport sous peu de jours.
Ces détails vous démontrent, M. le préfet, combien il faudra encore de temps pour l’ordonnance royale.
Le soussigné, constructeur d’une minoterie qu’il a entreprise pour répondre au vœu du pays, clairement exprimé par une souscription de garantie pour les dépenses du chemin conduisant à cet établissement, a l’honneur de vous exposer qu’il est particulièrement intéressé à la prompte décision de cette affaire et il vous prie de lire les lignes suivantes.
Au dessus de la minoterie et au voisinage de la chaussée qui retient les eaux de la source, existe le moulin du sieur Saleilles aîné, meunier, est homme par un esprit qu’on ne peut attribuer qu’à la jalousie du métier, devrait laisser passer seulement la quantité d’eau qui lui convient et fermer en conséquences les vannes pour rejeter l’eau à la cascade, écoulement du trop-plein.
Le soussigné qui a besoin pour le bon écoulement de son usine d’une plus grande quantité d’eau que les moulins ordinaires et craignant les lenteurs inséparables des solutions administratives a acheté du sieur Saleilles Pierre, cadet du sieur Saleilles, meunier, le passage de l’eau pendant deux ans par la vanne du tordoir à huile dudit Saleilles Pierre, moyennant une somme dont la quittance, mais la jouissance le lui en est donnée que tout autant qu’il y aura de l’eau en trop déversée à la cascade, c’est-à-dire tout autant que cela ne nuira pas au sieur Saleilles aîné.
Les conventions étaient dictées par l’esprit de justice que le soussigné se flatte d’apporter dans toutes ses transactions. Il n’en venu là qu’après plusieurs incidents qu’il est bon de raconter.
Il avait précédemment acheté du sieur Galtier, propriétaire d’une maison sur la cascade, la servitude de passage de l’eau. Il devait conduire ce filet d’eau sous la maison Galtier d’abord et ensuite sous la voie publique jusqu’au dessus du moulin du sieur Saleilles aîné. Il avait promis à ce dernier de remettre le passe de la ruelle en meilleur état et lui garantit le payement de tous dommages. Une des six entre le soussigné et le sieur Saleilles empêcha la réalisation de ce projet qui devait d’ailleurs recevoir l’approbation de l’Administration.
Ce qui empêcha encore l’exécution du plan fut la proposition du sieur Saleilles aîné de livrer au prix de 200 francs le passage de l’eau dans tous jardins, confrontant d’un côté à la cascade et de l’autre avec la ruelle entre lui et M. Carcenac. Cette proposition fut agréée par ces messieurs et le soussigné mais au moment où les 200 francs étaient remis au sieur Saleilles pour prix de la servitude qu’il accordait, il a refusé prétendant qu’un honnête homme pouvait se dédire sept fois. C’est alors que le passage de l’eau a été acheté au sieur Saleilles Pierre cadet.
Pendant quelques temps, le soussigné a joui assez paisiblement de cette faculté, je dis paisiblement parce qu’il n’était à .. un conduit de 30 à 40 cm en carré, à la charge pour lui de construire de manière à ne pas compromettre la sûreté publique ; de remettre les choses dans l’état actuel à la première réquisition de l’Administration et de payer les dommages aux personnes lésées à dire d’expert.
2° ou bien à obtenir contre les … que le sieur Saleilles apporte à la jouissance du droit acquis les moyens prompts et rigoureux que l’Administration peut avoir sans recourir aux tribunaux civils dont les lenteurs des procédures feraient retomber dans l’inconvénient d’un délai nuisible aux intérêts du soussigné.
Aujourd’hui que l’eau de Salles a pour son volume une force immense, on ne peut faire marcher à la minoterie qu’une paire de meules. J’ignore quel moyen proposera M. l’ingénieur pour établir un déversoir et une rigole de conduite à la chaussée de Salles. Cependant ce déversoir est rigoureusement exigé par la loi. A défaut de cette disposition, toutes les usines situées au dessous du sieur Saleilles, et au nombre de plus de 12, doivent chômer, lorsque ce meunier a la plus petite réparation à faire.
Les signataires de la demande en régularisation du cours d’eau se sont mis en règle en établissant des rigoles d’épanchement. Ils n’interrompent plus leurs voisins lorsque des réparations sont à faire.
Il y a encore une opposition de la part des propriétaires situés au dessous de la papeterie, celle-là est facile à lever. Ils prétendent que les conduits ne peuvent recevoir toutes les eaux quand leur volume s’accroît. La réponse est simple, il suffit de rendre à ces conduites la largeur qu’ils avaient en avant le dépôt sur leurs parois des incrustations tuffeuses qui les ont rétrécis. Il est juste que le soussigné et ceux qui demandent comme lui plus d’eau doivent en retirer profit. Ils doivent aussi supporter la dépense de l’élargissement, ils ne demandent qu’à être autorisés.
On pourrait objecter encore que si la proposition était accordée de faire une prise d’eau à la cascade, sous la maison Galtier, le soussigné et les co-intéressés à cette faculté n’auraient plus besoin que la chaussée fut entretenue en bon état et qu’alors la dépense d’entretien serait plus forte à supporter par la sieur Saleilles.
Pour lever cette difficulté, il pourrait être imposé à tous les propriétaires d’usines de contribuer à l’entretien de cette chaussée pour leur quote-part laquelle serait proportionnée à la hauteur de chute dont ils jouissent.
Je joins ici un plan des lieux emprunté au cadastre. Si d’autres renseignements, Monsieur le préfet, vous étaient nécessaires, vous m’obligeriez beaucoup en me les demandant.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le préfet de la haute considération et le profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être,
Votre
très humble serviteur,
Guillemin
Salles-la-Source, le 9
novembre 1836. »
Votre très humble serviteur,
Guillemin
Salles-la-Source, le 9 novembre 1836. »
Annexe : copie de la délibération du Conseil général du 16 juillet 1836 attribuant une subvention de 2000 Francs en vue de la construction de la route d’accès depuis Rodez
4/ décembre 1836 – Deuxième rapport de l’ingénieur des Ponts et Chaussées
Le 15 décembre 1836, un nouveau rapport est rédigé par l’ingénieur qui nous présente une description plus fine de la situation est des propositions de modification qu’il suggère :
Rapport de l’ingénieur des Ponts et Chaussées de l’arrondissement de Rodez à la pétition du 6 octobre 1934 de Henry Carcenac, négociant, de construire une filature sur une dérivation du ruisseau de Salles-la-Source – 15 décembre 1836
« Le ruisseau de Salles-la-Source donne naissance, en amont du village de ce nom, à un canal de dérivation qui alimente un grand nombre d’usines et se jette dans la rivière du Créneau, à peu de distance de la jonction de cette rivière avec le ruisseau de Salles-la-Source.
Ce canal de dérivation, après avoir mis en activité deux moulins à blé et un moulin à huile, appartenant aux sieurs Saleilles frères, forme différentes chutes précédemment destinées au service du moulin dit de la Barrayrie qui viennent d’être rachetées et qui viennent d’être consacrées à l’établissement de plusieurs usines.
Le sieur Henry Carcenac, négociant, propriétaire d’une des chutes sur la quelle il a construit une filature, a sollicité dans une pétition en date du 6 octobre 1834 adressée à M. le préfet du département de l’Aveyron, une ordonnance royale qui autorise cette construction conformément à l’arrêté de gouvernement du 19 ventose an 6 ; cette pétition ayant été affichée pendant plus de 20 jours sur la porte principale de la mairie de Salles-la-Source et les autres formalités voulues par l’arrêté précité ayant été remplies, nous nous sommes rendu à salles-la-Source… dans le but de vérifier cette construction et de dresser le Procès Verbal conjointement avec le maire de la commune.
Le but de notre tournée était de vérifier si la construction nouvelle ne causait aucun préjudice aux propriétaires riverains et d’accorder au sieur Carcenac la plus grande quantité d’eau possible pour mettre cette usine en mouvement.
La première partie de cette vérification a été bientôt faite ; le profil en long ci-joint fait voir évidemment que la chute de 4.90 m sur laquelle la filature de sieur Carcenac a été établie étant formée naturellement sans chaussée destinée à exhausser les eaux, la construction faite par Sr Carcenac ne peut causer aucun préjudice aux propriétaires riverains du même cours d’eau ;
La seconde partie de nos opérations n’a pas été facile grâce à l’opposition de plusieurs propriétaires qui n’avaient pas jugé à propos de faire leurs observations par écrit au secrétariat de la mairie ainsi que le constate le certificat d’affiche de M. le Maire de Salles-la-Source.
Les eaux de dérivation, avons-nous dit dans notre procès verbal, sont reçues dans un bassin ABC terminé du côté du village par une chaussée BC dans la quelle sont pratiquées trois vannes a, a’, a’’.
La première de 0.32 m de hauteur et 0.30 m de large pour le service du moulin du Sr Saleilles aîné et les deux dernières de 0.40m et 0.46 m de largeur pour le service du moulin à huile du Sr Pierre Saleilles.
La quantité d’eau fournie par les trois vannes est nécessaire et suffisante pour le jeu de la filature de Sr Carcenac Henry qui a demandé à être autorisé à construire un déversoir pour recueillir l’eau qui serait perdue pour son usine lorsque l’une ou plusieurs de ces vannes seraient fermées.
Nous nous occupions de répondre à la demande de Sr Carcenac lorsque le Sr Saleilles aîné nous déclara qu’il s’opposerait à tous les ouvrages qui tendraient à diminuer ses droits sur le volume d’eau fourni par le canal de dérivation. Il observa que de tous temps cette propriété avait été héréditaire dans sa famille et que de plus un jugement rendu par le juge de paix du canton de Marcillac lui donnait la faculté d’ouvrir à volonté une ou deux vannes de son moulin. A l’exemple du Sr Saleilles, plusieurs propriétaires des usines inférieures se sont opposés aux demandes du Sr Carcenac Henry, en motivant leur opposition sur les dimensions de leurs canaux de conduite et de leurs déversoirs qui ne sont pas suffisants pour recevoir la quantité d’eau nécessaire pour le service de l’usine dont le Sr Carcenac demande le règlement.
Nous avons répondu à ces propriétaires qu’il recevraient une quantité d’eau constante à l’époque des hautes crues de ce cours d’eau au moyen d’une vanne placée au point G en aval des usines construites sur la dérivation du ruisseau de Salles. Cette promesse a fait bientôt retirer leur opposition.
Il n’en a pas été de même du Sr Saleilles aîné auquel nous avons observé que, d’après les principes admis par l’Administration, et des tribunaux, il ne pouvait réclamer la propriété absolue d’une eau courante qu’il devait rendre à la sortie de son fonds à son cours ordinaire en vertu de l’article 644 du code civil, que d’après les lois qui régissent les cours d’eau, il appartient à l’Administration de faire les règlements sur les eaux courantes dans un but d’utilité générale et que le jugement sur lequel il s’appuyait était incomplet, en ce que, si M. le juge de paix avait jugé à propos de lui permettre d’ouvrir une ou deux vannes de son moulin, le même jugement aurait dû lui imposer l’obligation d’établir un déversoir pour rendre, conformément à l’article 644 du code civil, le même volume d’eau à la sortie de sa propriété.
Nous lui avons en conséquence déclaré qu’il ne pouvait s’opposer à l’établissement d’un déversoir demandé par le Sr Henry Carcenac, et nous avons ajouté qu’il serait admis à faire valoir ses droits auprès des Tribunaux s’il se trouvait lésé par suite des constructions auxquelles ce déversoir allait donner lieu. N’ayant pu convaincre ce propriétaire dont les motifs reposent probablement sur des motifs autres que ceux qu’il a dénoncés, nous nous sommes occupés de répondre à la demande de Sr Henry Carcenac, négociant en regardant l’opposition de Sr Saleilles comme n’ayant aucune valeur.
La quantité d’eau nécessaire pour mettre en valeur la filature du Sr Carcenac est fournie par les trois vannes a, a’, a’’ ; comme le propriétaire riverain de l’eau courante doit fournir le même volume d’eau dans les mêmes circonstances, le Sr Henry Carcenac est dans droit en demandant plusieurs travaux pour arriver à ce but. Nous pensons en conséquence qu’il y a lieu d’accorder au sieur Carcenac l’autorisation :
1- de pratiquer dans la chaussée AB restaurée trois vannes de décharge b, b’, b’’ dont les dimensions indiquées dans le point ci-joint égalent les dimensions des vannes motrices a, a’, a’’ de telle sorte qu’une des vannes a, a’, a’’ étant fermées, l’une des vannes b, b’, b’’ sera ouverte et réciproquement.
2- de construire un déversoir selon la ligne rouge tracée sur le plan du lieu.
3- et enfin d’accorder au Sr Carcenac la propriété de la chute de 4,90m de hauteur pour mettre en activité sa filature déjà construite sur la chute dont le niveau supérieur est rapporté au seuil de la porte du magasin et à l’appui de la croisée du second étage de la minoterie des Tarayre et Guillemin ainsi que l’indique le profil joint au présent rapport, en résumé :
–
Considérant qu’il appartient à l’Administration de faire un
règlement d’eau dans un but d’utilité générale,
–
Considérant que l’Administration, en accordant l’autorisation
souhaitée agit non seulement dans l’intérêt du Sr Carcenac, mais
encore dans l’intérêt général puisque les travaux projetés
doivent servir à mettre en activité une usine nouvellement
construite dont l’utilité générale est reconnue et les autres
usines construites ou à construire sur cette dérivation qui présent
entre le point A et le point de jonction avec la rivière du Créneau,
différence de niveau de plus de 95 m,
– Considérant que les
motifs allégués par le Sr Saleilles ne peuvent être admis par
l’Administration,
L’ingénieur
ordinaire est d’avis d’accorder au Sr Carcenac
l’autorisation :
1° de restaurer la chaussée AB de
telles sorte que le couronnement de cette chaussée se trouve située
à 4,20m au dessous de l’appui de la fenêtre de la maison du Sr
Galtier et à 2,54 m au dessous de la croisée du premier étage de
la maison du Sr Saleilles aîné,
2° de pratiquer dans
l’épaisseur de la chaussée restaurée trois vannes b, b’, b’’
, la première ayant 0,32 m de largeur et 0,30 m de hauteur et les
deux autres 0,46 m de largeur et 0,40 m de hauteur,
3°
d’établir un déversoir selon la ligne rouge tracée sur le plan
des lieux ci-joint,
Enfin de disposer de la chute de 4,90 m pour
mettre en activité au moyen d’une roue de 4,60 m de diamètre et
1m d’épaisseur une filature déjà établie sur cette chute dont
le niveau supérieur se trouve situé à 9,28 m au dessus du seuil de
la porte du magasin et de 9 m au dessus de l’appui de la croisée
du second étage de la minoterie et à 0,32 m au dessous de l’appui
des croisés du premier étage de la filature,
Le
présent rapport dressé à Rodez le 15 décembre 1836
Signé
Massanac
Vu par l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées
pour être soumis à la nouvelle information prescrite par la
circulaire instructive de M. le directeur général des Ponts et
Chaussées du 19 septembre 1834,
Rodez, le 24 décembre
1936,
Signé Deltrem
Vu par l’ingénieur en chef
conformément aux conclusions qu’il a prévues dans son rapport de
ce jour N° 2294
Rodez, le 15 mai 1837,
Deltrem
Deux rapports semblables ont rédigés et signés du même ingénieur le même jour en réponse aux deux autres demandes d’ordonnance royale :
Rapport de l’ingénieur des Ponts et Chaussées de l’arrondissement de Rodez à la pétition du 6 octobre 1934 de MM Tarayre, Guillemin de construire une huilerie sur une dérivation du ruisseau de Salles-la-Source.
Identique au précédent sauf :
–
une chute de 5,50 m et non de 9,40 m ainsi que l’indique la
pétition
– Une huilerie
– Industriels demandeurs :
Tarayre et Guillemin
Rapport de l’ingénieur des Ponts et Chaussées de l’arrondissement de Rodez à la pétition du 6 octobre 1934 de MM Tarayre, Guillemin, Carrère, Carcenac, Panassié, de construire une papeterie sur une dérivation du ruisseau de Salles-la-Source.
Identique aux précédents sauf :
–
une chute de 7,60 m
– Une papeterie
– Industriels
demandeurs : Tarayre, Guillemin, Carrère, Carcenac, Panassié.
En pièce jointe, l’enregistrement d’une servitude au profit de M. Guillemin sous la maison Mage-Galtier, le 19 décembre 1836 :
« Louis Philippe, roi des Français à tous ceux qui ces présentes verront, salut. Savoir faisons que
L’an 1836 et le 10 décembre après-midi, au lieu de salles-Comtaux, département de l’Aveyron, dans la maison de Mage-Galtier par devant moi Jean Baptiste Marin franques notaire royal du canton de Marcillac à la résidence susdit et présents soussignés,
Ont comparu la dite Mage Galtier, fille majeure sans profession et marie Clere Saniere (?), veuve de Naamas Galtier, habitantes du présent lieu de Salles, lesquelles de leur bon gré, conjointement et solidairement l’une pour l’autre avec renonciation à toute division et- difrution (?) ont vendu purement et simplement au sieur Jules Sébastien Guillemin, propriétaire habitant à la Barrayrie, commune dudit Salles ici présent et acceptant ; savoir est(?) la faculté de pratiquer un aqueduc pour prendre l’eau qui passe sous le pont contigu à la maison de la dite Galtier et la conduire au moyen dudit aqueduc sous la maison susdite, lequel aura de long dans la propriété des dites Galtier et Clere autant que la maison a de largeur et de section 40 cm et sera couvert en pavés et construit de manière à ne pas compromettre la solidité du bâtiment.
Tous les frais que pourra occasionner cette servitude seront supportés par M. Guillemin. Ce dernier a payé tout présentement pour tout prix de la présente cession et vente une somme de 70 francs, laquelle somme a été reçue et retirée par les dites Clere et Galtier qui ont déclaré n’avoir rien à réclamer au dit sieur Guillemin à raison de ce et promettent et s’obligent à faire savoir et tenir la présente cession de la servitude qu’elles viennent d’établir en faveur dudit sieur Guillemin sous leur dite maison.
A tout ce dessus faire et observer les comparentes ont obligé leurs biens, dont acte fait et lu aux parties en présence de sieur Pierre Solignac, percepteur des contributions directes de la présente commune et de Pierre Sarret, propriétaire habitant du présent lieu de Salles, soussigné par monsieur Guillemin et moi, notaire, les autres parties requises de signer ont déclaré ne (?) savoir.
Guillemin, Solignac, Satter, Franques notaire royal signés à la minute.
Enregistré à Marcillac le 19 décembre 1836 … reçu quatre francs quarante centimes denieme (?) quarante quatre centimes laur signé (?)
Mandons et ordonnons à tous huissiers sur ce requis de mettre les présentes à exécution à nos procureurs généraux et à tous nos procureurs près les tribunaux de première instance, d’y tenir la main à tout dépositaire de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Collationné,
Franques »
En même temps qu’il clôt son deuxième rapport, l’ingénieur Manassac écrit au préfet, le 24 décembre 1836 :
«
L’ingénieur du corps royal des Ponts et Chaussées au préfet du
département de l’Aveyron,
Monsieur le préfet,
J’ai l’honneur de vous adresser pour être préalablement soumise à la nouvelle information prescrite par la circulaire instructive de M. le directeur des Ponts et Chaussée du 19 septembre 1834, trois dossiers relatifs aux demandes des sieurs Tarayre, lieutenant général, Carcenac, Carrère et Guillemin, tendantes à faire autoriser un changement de destination donné à un volume d’eau primitivement concédé sur une dérivation du ruisseau de Salles-la-Source, canton de Marcillac, en substituant à l’ancien moulin de la Barrayrie autrefois existant audit lieu et dont ils ont acquis l’emplacement et la propriété, trois usines distinctes :
1° une filature de laine propre à la fabrication des draps 2° une minoterie et une huilerie 3° une papeterie
Chaque
dossier est accompagné d’un plan général de lieux, d’un profil
en long, d’un rapport de l’ingénieur ordinaire et des pétitions
collectives en double appuyées du certificat de la première affiche
et de l’avis de monsieur le maire de Salles-la-Source.
J’ai
l’honneur d’être respectueusement, monsieur le préfet,
Votre
très humble et très obéissant serviteur,
Deltrem »
5/ Janvier 1837 – Nouvelle consultation publique
S’en suit une nouvelle consultation publique à Salles-la-Source qui va s’ouvrir en janvier 1837 :
Lettre d’affichage sur la consultation du projet de règlement d’eau :
« Le
maire de la commune de Salles-la-Source, canton de Marcillac,
département de l’Aveyron, prévient ses administrés que les
rapports de M. l’ingénieur de l’arrondissement de Rodez, les
plans et d’autres pièces relatives au règlement des eaux du
ruisseau qui met en … les usines qui sont situées au dessous de
Salles-la-Source, resteront déposés au secrétariat de la mairie de
Salles-la-Source pendant 15 jours à partir du 27 janvier 1837 pour
être communiqué à tout requérant et que les personnes qui auront
des observations ou des réclamations à porter devront les présenter
pendant ce laps de temps ou dans les trois jours qui suivront.
Fait
à la maison commune de Salles-la-Source, le 27 janvier 1837,
signé
Solignac, maire »
Observations de Carcenac du 11 février 1837 :
« M.
Le Maire,
Le soussigné Henry Carcenac, filateur à
Salles-la-Source, a l’honneur de vous adresser ses observations sur
le rapport de M. l’ingénieur ordinaire, chargé du service des
ponts et Chaussées de l’arrondissement de Rodez, sur les pétitions
en date du 6 octobre 1834 adressées à M. le préfet de l’Aveyron
par le soussigné dans le but d’obtenir des ordonnances royales qui
autorisent les constructions d’usine telles que filature,
minoterie, huilerie et papeterie sur le ruisseau de Salles-la-Source.
Le soussigné a pris connaissance du susdit rapport déposé à la
mairie de Salles-la-Source. Il fait aux propositions de M.
l’ingénieur les objections suivantes :
1° M. l’ingénieur propose l’établissement de trois vannes égales aux sections des trois vannes qui existent dans la chaussée ab du plan joint au rapport et supposant les trois vannes a, a’, a’’ suffisantes pour l’écoulement des eaux motrices, il propose de laisser constamment ouvertes trois vannes dont la somme des sections égalerait toujours la somme des sections a, a’, a’’.
Le soussigné trouve à ce moyen un inconvénient notable, c’est que ce jeu de vannes serait sous la main du meunier le plus voisin, en ce moment-là sieur Saleilles dont l’esprit récalcitrant est assez connu. Il serait impossible d’obtenir le jeu d’ouvrir les vannes tant qu’elles seraient pour ainsi dire à la disposition d’un homme qui ne se croît déjà que trop le maître exclusif des eaux.
Il est bon d’ajouter que dans les basses eaux de l’été, la quantité d’eau fournie par la source peut passer dans une seule des trois vannes a, a’, a’’ et que partagée en trois filets, elle deviendrait incapable de faire mouvoir l’usine du sieur Saleilles, ce qui serait attenter à sa propriété si dans ce cas, on réservait au sieur Saleilles le droit de fermer une, deux ou trois des vannes b, b’, b’’. Le soussigné demande où s’arrêterait ce droit et pense que le changement du volume des eaux variable comme les saisons donnerait là une foule de discussion ou même des procès entre lui et le propriétaire du premier moulin.
2°Les frais de construction du déversoir et de la conduite des eaux devront sans doute être supportés par le soussigné, alors il doit lui être permis de repousser un moyen dispendieux et de demander l’exécution du mode qui sera le moins coûteux tout en satisfaisant à la loi. Dans la proposition de M. l’ingénieur, l’aqueduc doit traverser la rue de Salles et par suite, il exigerait une route de construction solide.
D’après ce qui précède, le soussigné demande à faire la prise d’eau sous la maison de la veuve Galtier. Le droit de faire cette prise a été acquis de la veuve Galtier et de sa fille. L’acte public de cette acquisition est joint à la présente lettre. Un simple barrage de 20 à 30 cm dans le cours du ruisseau peut amener la quantité d’eau suffisante pour la marche des usines, même quand les trois vannes du sieur Saleilles seraient fermées, dans un conduit qui passerait d’abord sous la maison Galtier et ensuite dans la voie publique jusqu’à la chute supérieure de Henry Carcenac. Il resterait à l’Administration à déterminer la section du conduit ci-dessous qui du reste serait muni d’une vanne d’eau dans l’intérieur de la maison Galtier hors de l’atteinte du sieur Saleilles.
L’Administration municipale réglerait la forme de l’instruction de l’aqueduc qui après avoir traversé la maison Galtier devrait être continué sous la ruelle de service de Salles au Bourg jusqu’au point supérieur de la première chute de la filature du sieur Henry Carcenac.
Le sieur Carcenac ajoute qu’ayant divisé en deux la chute de 9 m qui suit le long du bâtiment de la filature, il avait d’abord établi une roue motrice sur la première division de 4,80 m depuis la pétition en date du 6 octobre 1834. Pour être autorisé à établir la filature, il a construit sur la deuxième chute de 4,20 m et dans tout le bief qui longe la filature.
1°
une roue motrice de 4m de diamètre pour mouvoir une partie des
machines placées dans le bâtiment de la filature, la première roue
établie étant insuffisante.
2° A la suite de cette deuxième
roue, une troisième roue de 3 m de diamètre qui devra être mue par
les eaux abondantes de la deuxième roue précité, la dite roue
destinée à mouvoir deux foulons.
3° Dans l’intérieur de
la filature, deux jeux de foulons mus par la troisième roue
précitée.
Il demande l’autorisation royale pour la construction de ces deux roues et foulons comme pour la filature.
Agréez M. le maire l’expression de la haute considération laquelle j’ai l’honneur d’être votre très humble serviteur. »
Une deuxième lettre quasiment semblable mot pour mot, est signée est adressée par les usiniers Jean Joseph Tarayre, lieutenant général, demeurant à Billorgues en cette commune, Henry Carcenac, négociant domicilié à Rodez, agissant pour lui et pour Régis Panassié, son ancien associé et Jules Guillemin, manufacturier demeurant à Salles.
Les meuniers écrivent également au maire, ce même 11 février 1837, à l’occasion de cette consultation :
« Les sieurs Saleilles, meunier, Pierre jean François Bosc, propriétaire, Antoine Moncet, aussi propriétaire et Antoine Cazals, meunier demeurant à Salles-la-Source, à saint Laurent, au Bourg Saint Paul ou à Sainte Eulalie, près saint Geniez d’Olt ont l’honneur de vous exposer qu’il sont informés d’un arrêté pris par M. le préfet du département de l’Aveyron, le 8 décembre 1836 sur la demande de MM Carcenac, Tarayre, Guillemin etc. en autorisation de faire divers ouvrages d’art pour dériver tout ou partie des eaux qui proviennent de la source de Salle à l’effet d’agrandir leurs usines ou de leur donner plus d’activité. Mais attendu que 1° l’autorité administrative est incompétente pour régler les droits des prises d’eau établies par titres et par une prescription immémoriale consacrée par le droit commun.
Attendu 2° au fond que les entreprises projetées par MM Carcenac et autres causeraient le plus grand dommage aux soussignés, soit en déversant dans leurs usines une masse et excédent d’eau nuisible qui l’en dégraderaient ou nuiraient à leurs yeux ; que le sieur Saleilles éprouverait en outre un dommage considérable par l’établissement de l’aqueduc dont la construction est provisoirement autorisée dans un chemin qui est sa propriété exclusive et qui ne veut pas admettre la susdite construction ; que les chemins qui conduisent aux propriétés des exposants seraient dégradés et impraticables ; que d’ailleurs par le résultat de l’envahissement et centralisation de l’eau, tel qu’il est projeté, les prairies et autres propriétés du soussigné se trouveraient privées de la faculté d’irrigation dont elles sont en possession de temps immémorial et qui, d’après le droit ne saurait leur être enlevée.
Que dès lors, dans la forme et au fond, l’autorité administrative ne saurait autoriser définitivement au préjudice de l’exposant, des travaux qui bouleverseraient l’usage pratiqué jusqu’à ce jour des eaux issues de la source de Salles.
C’est pourquoi les soussignés se rendent bien et dûment opposants à l’exécution de l’arrêté pris par M. le préfet, le 8 décembre dernier, dont ils demandent au contraire le rapport ou l’annulation d’après les motifs sus énoncés ou tous autres qui pourront être invoqués, se réservant le droit de les développer, protestant contre MM. Carcenac, Tarayre, Guillemin etc. de tout ce qui pourrait être fait au mépris de la présente opposition.
Rodez,
le 11 février 1837,
Saleilles, Bosc aîné, Cazals, Moncet »
Le maire de Salles-la-Source fait remonter les observations récoltées au préfet :
« Salles-la-Source,
le 22 février 1837,
Le maire de Salles-la-Source à Monsieur le
préfet du département de l’Aveyron,
M. le
préfet,
Conformément à votre lettre du 20 janvier dernier,
j’ai fait ouvrir une nouvelle enquête au sujet du règlement des
eaux du ruisseau de Salles-la-Source. Les rapports de M. l’ingénieur
de l’arrondissement et les plans ont été communiqués à tous
ceux qui ont voulu en prendre connaissance.
Pendant ce délai,
on m’a remis 1° une opposition des sieurs Saleilles, Bosc, Cazals
et Moncet.
2° les observations des sieurs Tarayre, Guillemin et
Carcenac.
Je joins à la présente les diverses réclamations,
mon certificat d’affiche et tout le dossier que vous m’avez
envoyé avec votre lettre du 20 janvier dernier.
Veuillez
agréer, M. le préfet, l’expression de mes sentiments
respectueux,
le maire de Salles-la-Source,
Solignac »
6 / mai 1837 – 3ème et ultime rapport de l’ingénieur des ponts et Chaussées
L’ingénieur en chef va donc rédiger le 15 mai 1837 un ultime rapport relatif « à la pétition sur le changement de destination donné à un volume d’eau primitivement concédé sur une dérivation du ruisseau de Salles-la-Source » :
« Rapport de l’ingénieur en chef du corps royal des Ponts et Chaussées du département de l’Aveyron sur le changement de destination donné à un volume d’eau primitivement concédé sur une dérivation du ruisseau de Salles-la-Source, commune de ce nom, canton de Marcillac, arrondissement de Rodez et sur le projet d’agrandissement des usines qui y ont été établies.
Exposé des faits
L’ancien
moulin, dit de la Barrairie, autrefois existant sur une dérivation
des eaux de Salles-la-Source, a été acquis il y a quelques années
avec les chutes qui en dépendent par les sieurs Henry Carcenac,
négociant à Rodez, Tarayre, lieutenant général, domicilié à
Billorgues, commune de Salles-la-Source, Guillemin, ingénieur
particulier des mines, domicilié à Salles-la-Source, Carrère,
libraire et Panassié, domicilié à Rodez.
Ces propriétaires
donnèrent, sans autorisation, une nouvelle destination au volume
d’eau primitivement concédé et établirent, dans l’emplacement
de l’ancien moulin de la Barrairie et sur les chutes qui en
dépendaient, diverses usines que nous allons énumérer en suivant
l’ordre des chutes de l’amont à l’aval et en indiquant le nom
de ceux de ces concessionnaires que leur construction concerne
exclusivement.
- Le sieur Henry Carcenac a établi sur une première chute de 4.90 m de hauteur une filature de laine propre à la fabrication du drap composée de dix droussiers, dix cardes, une batteuse et une diablesse.
- Le même propriétaire a établi sur une 2ème chute à la suite de 4.25 m de hauteur, une seconde filature composée d’un jeu de six cardes et drousses d’une nouvelle diableuse et d’un système de tondeuse. La même seconde chute met en mouvement deux foulons et deux masses pour la foulerie du drap.
- Les sieurs Tarayre, lieutenant général et Guillemin ont établi sur la troisième chute de 5.50 m de hauteur une minoterie composée d’un système de ventilateurs et de blutoirs propre à l’épuration du blé et au blutage des farines et une huilerie à une meule.
- Enfin les sieurs Tarayre, lieutenant général, Guillemin, Henry Carcenac, Carrère et Panassié ont établi sur la quatrième et dernière chute de 7.60 m de hauteur une papeterie composée du cylindre de masse et machines nécessaires à la fabrication et au collage du papier ordinaire et continu
– Désirant voir autorisés les changements de destination donnée au volume d’eau primitivement concédé et ayant proposé de faire un agrandissement dans les prises d’eau qui doivent alimenter les usines établies, les propriétaires ci-dessus nommés adressèrent le 6 octobre 1834 à l’Administration une pétition particulière et collective dans les dits objets.
– Ces pétitions furent soumises aux informations de comodo et incomodo voulues par l’arrêté de gouvernement du 19 ventose an 6 et l’instruction ministérielle du 19 thermidor, même année. Ces informations donnèrent à des oppositions que nous aurons à définir et apprécier dans le cours du présent rapport, et les avis du maire de Salles-la-Source furent favorables à la réalisation du projet du pétitionnaire.
– Le 15 décembre 1836, l’ingénieur ordinaire de l’arrondissement de Rodez dressa des rapports particuliers sur chacune des demandes du pétitionnaire ; il les appuya des plans et profils nécessaires à leur intelligence et y indique les moyens qu’il crut propre à concilier les intérêts des propriétaires des usines déjà construites et des opposants.
– Le 24 du même mois, nous adressâmes un rapport au préfet avec prière de le soumettre à la nouvelle information prescrite par la circulaire instructive de M. le directeur général des Ponts et Chaussées en date du 19 septembre 1834.
– Dans cette seconde information, les mesures proposées par l’ingénieur ordinaire furent à la fois combattues par les pétitionnaires et par les opposants aussi, dans cet état de chose, M. le préfet jugea convenable de nous inviter, par sa lettre du 28 février dernier, d’examiner nous même les projets des pétitionnaires et de modifier, s’il y avait lieu, les propositions de l’ingénieur ordinaire.
– Nous nous rendîmes sur les lieux contentieux le 22 avril dernier et l’avis que nous avons à émettre va naître des observations que nous avons faites et dont nous allons diviser l’exposition en trois articles successivement relatifs à l’état actuel des lieux, au projet conçu par les pétitionnaires et à l’appréciation des motifs d’opposition.
Observations
Article
1er
De l’état actuel des lieux
–
La filature établie sur la première chute de 4.90 m de hauteur,
appartenant au sieur Henry Carcenac et qui est composée de dix
drousses, de dix cardes, une batteuse, d’une diableuse est
alimentée par les eaux qui s’échappent du courcier de fuite du
moulin à farine et à huile supérieur de Salles aîné et Pierre
Saleilles : le volume de ces eaux est déterminé par une vanne
de prise et motrice d’un mètre de largeur et 30 centimètres de
hauteur ayant son seuil fixé à 0,46 m en contre bas de l’étiage
d’aval de la sortie de l’usine du dit sieur Saleilles.
La
roue motrice à augets de 4.60 m de diamètre et 1 m de largeur.
La
chute de 4.90 m contre l’usine est comptée à partir de 0.32 m en
contre bas de l’appui des croisées du 1er étage de la
filature.
–
L’usine établie sur la seconde chute de 4.25 m de hauteur
appartenant au même propriétaire et qui consiste en une seconde
filature composée de six cardes, de six drousses, une batteuse, une
diableuse et un système de tondeuses, et en un foulon à deux auges
et deux masses, est alimenté par des eaux qui s’échappent de la
première filature et est déterminé par une vanne de prise et
motrice de 1.30 m de largeur et de 0.20 m de hauteur, ayant son seuil
fixé à 0.45 m en contre bas de l’étiage d’aval pris à la
sortie de la première roue motrice de la première filature.
La
roue motrice de la deuxième filature à 4 m de diamètre et 1.30 m
de largeur. Elle est à augets.
La roue motrice du foulon est
également à augets et a 2.60 m de diamètre et 1.30 m de
largeur.
La chute de 4.25 m contre l’usine est comptée à
partir de la précédente.
–
La minoterie qui est établie sur la troisième chute de 5.50 m de
hauteur et qui appartient aux sieurs Tarayre, lieutenant général et
Guillemin, et qui est composée d’un système de ventilateurs et de
blutoirs propres à l’épuration du blé et au blutage des farines
est alimentée par les eaux qui s’échappent du courcier de fuite
de la deuxième usine et est représentée par une vanne motrice et
de prise de 1.65 m de largeur et de 0.15 m de hauteur ayant son seuil
fixé à 0.65 m en contre bas de l’étiage d’aval à la sortie de
la deuxième usine.
La roue motrice de la minoterie a 4.85 m de
diamètre et 1.65 m de largeur.
L’huilerie
est mue par la même roue motrice.
La chute de 5.50 m contre
l’usine est comptée à partir de la précédente.
–
Enfin la papeterie qui est établie sur la quatrième et dernière
chute de 7.60 m et qui appartient au dits sieurs Tarayre, lieutenant
général, Guillemin, Henry Carcenac, Carrère et Panassié, est
composée du cylindre, des masses et machines nécessaires à la
fabrication et au collage du papier ordinaire et continu.
Elle
est alimentée par les eaux qui s’échappent du coursier de fuite
commun à la minoterie et à l’huilerie et est déterminée par une
vanne de prise et motrice de 1.20 m de large et 0.40 m de largeur
ayant son seuil fixé à 2.75 m en contre bas de l’étiage aval de
la minoterie.
La roue motrice à augets de 4.85 m de hauteur et
1.30 m de largeur.
La chute contre l’usine est toujours
comptée à partir de la précédente en sorte que toutes les chutes
réunies des quatre usines des pétitionnaires égalent 22.25 m.
Article
2ème
Des projets conçus par les pétitionnaires
– Les projets conçus par les pétitionnaires consistent en savoir :
1° A faire établir, conformément aux règlements en vigueur, dans le plan de pente du canal de dérivation de l’usine supérieure de M. Saleilles un épanchoir d’une largeur égale à celle du canal de dérivation en gueule, afin d’assurer, au moment du repos de l’usine supérieure, la restitution des eaux dérivées dans le canal d’amené des usines inférieures et rendre leur mouvement régulier.
2° à établir à l’aval du barrage qui alimente la dérivation commune un nouveau barrage de 0.30 m de hauteur à 3.50 m en contre bas du premier barrage de l’usine du sieur Saleilles afin d’alimenter une nouvelle prise d’eau de 0.40 m de largeur et 0.30 m de hauteur ayant son seuil fixé à la même hauteur de 0.30 m en contrebas du couronnement du barrage projeté.
3° à conduire la nouvelle dérivation par un canal creusé dans le roc sous les rues du village, indiqué par un trait ponctué en bleu sur le plan général, en lui donnant 0.40 m de largeur et 0.50 m de hauteur : lequel canal sera recouvert en dalles à 0.30 m en dessous de la voie afin d’amener un plus grand volume d’eau au trois usines inférieures et assurer leur jeu.
4° enfin d’établir dans l’emplacement indiqué par un double trait ponctué en bleu dans le plan de pente du canal de fuite de la quatrième et dernière usine un épanchoir propre à restituer le nouveau volume d’eau dérivée dans son cours naturel, en accolant contre l’épanchoir une vanne de décharge de même dimension que celle de la vanne de prise, c’est-à-dire 0.40 m de largeur et 0.30 m de hauteur.
Article
3ème
Appréciation des motifs d’opposition
– En analysant les motifs d’opposition mis pendant les deux enquêtes de comodo et incomodo faites d’après les lois et règlements cités, et en les appréciant successivement, on voit qu’ils se réduisent aux suivantes :
1° Le sieur Saleilles, propriétaire du moulin supérieur, croit avoir le droit de fermer arbitrairement les vannes de prise de son usine et d’interrompre ainsi les cours des eaux dans le canal de dérivation ; il se fonde dans ses prétentions sur un jugement du juge de paix de Marcillac. Mais un pareil droit lui donnerait aussi celui d’arrêter le jeu des usines inférieures qui sont alimentées par le même canal de dérivation. Il ne peut par conséquent subsister. Aussi les règlements ont-ils prévu ce cas et ont-ils prescrits l’établissement d’un épanchoir dans le plan de pente des canaux de dérivation afin d’assurer, au moment du repos d’une usine supérieure, la restitution des eaux nécessaires au mouvement des usines inférieures : lequel épanchoir doit avoir une largeur égale à celle du canal de dérivation en gueule.
2°
Le nouveau barrage projeté et la nouvelle prise qu’il doit
alimenter absorberaient le volume d’eau nécessaire aux
irrigations.
Mais dans la localité qui nous occupe, ces
irrigations n’ont lieu qu’un seul jour de chaque semaine pendant
les 24 h du dimanche ; et par une condition de la concession, on
imposera aux pétitionnaires l’obligation de fermer les vannes de
prise pendant cette époque.
3°
Le nouveau canal de dérivation projeté attenterait au droit de
propriété et obstruerait les rues du village.
Mais il résulte
de l’acte notarié joint au dossier que les pétitionnaires ont
acquis le droit de passage au travers de la maison du Sr Galtier où
la nouvelle prise d’eau doit être établie et un arrêté
préfectoral du 8 décembre 1836 règle les mesures à prendre pour
que le nouveau canal de dérivation n’obstrue pas la voie publique.
4°
Enfin les canaux d’amenée des usines inférieures à celles des
pétitionnaires ne sauraient recevoir un plus fort volume d’eau que
par le passé, à cause de leur trop faible dimension.
Mais
l’épanchoir et la vanne de décharge que les pétitionnaires
seront assujettis à construire sur le canal de dérivation de leur
usine à la limite à la limite d’aval de leur propriété fera
que, dans aucun cas, les canaux d’amenée des usines inférieures
aux leurs ne recevront un plus fort volume d’eau que par le passé.
Avis
– D’après ces exposés des faits et de nos observations, nous sommes d’avis qu’il y a lieu :
1° d’autoriser les pétitionnaires dont les noms, prénoms, qualités et domicile sont définis plus haut à maintenir les changements opérés par eux dans la destination du volume d’eau primitivement concédé pour le jeu de l’ancien moulin de la Barrairie, autrefois existant sur une dérivation des eaux du ruisseau de Salles-la-Source, en l’affectant au jeu des usines par eux construites sur les chutes dépendant dudit moulin et dont l’état est indiqué dans l’article 1° du présent rapport, avec les dimensions des vannes de prise et motrice, la position des seuils, les diamètres et la largeur des roues motrices et la hauteur des chutes respectives.
2° de contraindre Sieur Saleilles aîné, propriétaire de l’usine supérieure, à construire aux termes des règlements un épanchoir dans le plan du canal de dérivation de son usine en lui donnant 1.20 m de largeur qui est celle dudit canal en gueule afin d’assurer la restitution des eaux dérivées dans les canaux d’amenée des usines inférieures au moment du repos de l’usine supérieure.
3° d’autoriser les pétitionnaires à établir à l’aval du barrage qui alimente la dérivation commune un nouveau barrage de 0.30 m de hauteur à 2.50 m en contre bas du premier barrage de l’usine du Sr Saleilles, afin d’alimenter une nouvelle prise d’eau de 0.40 m de largeur et 0.30 m de hauteur ayant son seuil fixé à la même hauteur de 0.30 m en contre bas du couronnement du barrage projeté.
4° de les autoriser également à conduire la nouvelle dérivation par un canal creusé dans le roc sous les rues du village indiqué par un trait ponctué en bleu sur le plan général, en lui donnant 0.40 m de largeur et 0.50 m de hauteur, lequel canal sera recouvert en dalles à 0.30 m en dessous de la voie.
A la charge par eux
1° d’établir dans l’emplacement indiqué par un double trait bleu, dans le plan de pente du canal de fuite de la quatrième et dernière usine nouvellement construite, un épanchoir propre à restituer le nouveau volume d’eau dérivée dans son cours naturel, en accolant contre l’épanchoir une vanne de décharge de même dimension que la vanne de prise, c’est-à-dire de 0.40 m de largeur et 0.30 m de hauteur.
2° de faire chaumer les usines et de fermer les vannes un jour de chaque semaine pendant les 24 heures du dimanche de manière à ce que pendant cette époque l’entier volume d’eau du ruisseau de Salles-la-Source soit consacré au service des irrigations.
Fait et dressé par l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussée soussigné
Rodez, le 15 mai 1837,
Deltrem »
En juillet 1837, le maire de Salles-la-Source écrit à nouveau au préfet :
Monsieur le préfet,
J’ai l’honneur de vous adresser les dossiers des pièces concernant les demandes fournies par les sieurs H. Carcenac, Tarayre, lieutenant général, Panassier, Carrère et Guillemin, à l’effet d’obtenir de faire régulariser l’existence des usines qu’ils ont établies sur une dérivation du ruisseau de Salles-la-Source. J’y ai joint une lettre qu’ils m’ont adressée en réponse aux paragraphes de votre lettre du 16 juin.
J’ajouterai :
Qu’il n’existe et n’a jamais existé à ma connaissance un règlement d’eau pour les usines établies dans le canal de dérivation de Salles-la-Source.
Que la digue a d’ordinaire été réparée et que le bief déblayé à frais communs, et particulièrement l’an passé, le nettoyage de la chaussée a été fait par les propriétaires réunis. Le curage et l’entretien du lit du ruisseau a été fait par les propriétaires réunis. Le curage et l’entretien du lit du ruisseau et du canal de dérivation sont faits par les propriétaires, chacun dans sa propriété. Que le droit d’irrigation ne repose que sur un usage immémorial mais que ce droit est constamment méconnu des meuniers qui vont toujours prendre l’eau quand ils en ont besoin ; que c’est un principe reconnu dans la localité que les moulins passent avant les prairies.
Je ne dirai rien de plus sur les demandes de suscités, mes avis ont toujours été favorables.
Veuillez agréer, monsieur le préfet, l’assurance de mon profond respect.
Le maire de Salles, Solinhac »
7/ 24 janvier 1938 – Carcenac écrit au maire en vue du règlement d’eau
« Monsieur le maire de Salles-la-Source
Les soussignés ayant eu communication de la lettre que vous a adressé M. le préfet de l’Aveyron en date du 16 juin dernier et qui est relative aux demandes en autorisation d’usines qu’ils ont formées, ont l’honneur de vous faire sur cette lettre les observations suivantes avec prière de les transmettre à M. le préfet.
Les pétitionnaires avaient d’abord sollicité un règlement de cours d’eau de Salles-la-Source. L’importance de ce règlement était sentie de toutes les personnes intéressées. Mais il a été répondu aux pétitionnaires qu’ils devaient préalablement obtenir pour leurs usines des autorisations royales, et que le règlement du cours d’eau pourrait être obtenu en même temps ; c’est alors qu’ils ont adressé les demandes en date du 6 octobre 1834.
Ces demandes ont suivi lentement leurs cours ; des objections ont été faites par les soussignés aux propositions de M. l’ingénieur ordinaire qui voulait un jeu de vannes, placées auprès du moulin du sieur Saleilles, dans la chaussée et par conséquent sous la main de ce meunier opposant le plus borné ( ?) contre les usines nouvelles.
Le rapport de M. l’ingénieur en chef paraît présenter des moyens de concilier tous les intérêts, parfaitement exécutables. Je laisse cependant à la charge du sieur Saleilles la construction d’un épanchoir au moyen duquel les eaux continueraient à parvenir aux moulins inférieurs, quand ce propriétaire fait des réparations. La loi, c’est vrai, oblige tout propriétaire d’usine à une disposition de ce genre mais le sieur Saleilles peut opposer une longue jouissance des choses dans l’état actuel et prétendre ne pas devoir exécuter des travaux profitables à d’autres.
L’autorité supérieure pourrait donc, en autorisant les constructions proposées par l’ingénieur en chef, laisser supporter les dépenses aux personnes qui désirent en jouir.
D’un autre côté, les constructions nécessaires pour donner aux usines inférieures l’eau que le sieur Saleilles détourne chaque fois qu’il a la moindre réparation à faire, seraient infiniment moins coûteuses si on les faisait passer par la propriété du dit sieur Saleilles.
Les soussignés demandent alors si la loi obligeant tout propriétaire d’usine à rendre les eaux par un épanchoir aux chutes inférieures, on ne pourrait pas contraindre le sieur Saleilles à livrer passage et à laisser faire les travaux nécessaires. A la rigueur, il pourrait être contraint, on ne lui demande que de faciliter l’exécution des constructions.
L’esprit de sieur Saleilles est difficile à comprendre autrefois que des voisins meuniers comme lui n’avaient besoin que d’un filet d’eau pour faire tourner à chutes de 15 pieds, des meules légères, il s’amusait à leur envoyer le plus d’eau possible de manière à inonder et jardin et maisons, c’est ce qui a motivé le jugement du juge de paix de Marcillac qui lui enjoignait de n’avoir jamais qu’une vanne ouverte ou une vanne et demie.
Aujourd’hui que des établissements construits à grands frais ont besoin de toute la force motrice que la nature a créée à Salles, le sieur Saleilles refuse de laisser passer l’eau et c’est par esprit de contradiction, car vient-il d’avoir besoin pour ses intérêts d’ouvrir deux ou trois vannes, il ne s’en fait faute, mais il veut forcer les propriétaires de dessous à lui payer trente mille francs un moulin qui n’en vaut que sept mille.
Les lois et l’Administration sont là pour prévenir cet arbitraire et concilier tous les intérêts en rendant justice à tous.
Les soussignés demandent, outre l’autorisation royale, la permission d’amener à leurs usines l’eau qu’elles exigent et qui est perdue pour tous, et ensuite de la renvoyer au ruisseau au bas de leur propriété, de manière à ne jamais incommoder ceux qui sont en dessous d’eux.
Une autre question est soulevée, c’est celle des irrigations, là-dessus, veuillez ajouter votre ob ( ?) aux dires des soussignés.
Il existe près de la source deux prairies appartenant aux sieurs Laurens, Nègre et de Bussy. Leur surface réunie n’est pas de 4 ha ; ces prairies sont arrosées toutes les fois qu’il y a assez d’eau, aussitôt que l’abondance diminue, les meuniers, sans craindre d’oppositions vont fermer les rigoles d’irrigation : il est vrai de dire que les propriétaires des prés vont bien en cachette les rouvrir, de temps en temps, sans s’opposer jamais à ce qu’on vienne les refermer. Du reste, ces messieurs ne s’opposent en rien aux demandes de soussignés.
Sous la cascade, il existe un pré appartenant au sieur Moncet ; il a de contenance un quart d’hectare environ. Ce pré est arrosé par les eaux de la cascade quand il en coule, dans le moment actuel, il est privé d’arrosement et c’est le sieur Saleilles qui se charge de boucher les crevasses de la chaussée qui pourraient en fournir.
Au dessous, il y a encore un pré du sieur Bosc mais le propriétaire recevrait les eaux du canal de fuite au dessous de la papeterie, en sorte qu’on ne doit plus s’en occuper. Le sieur Cazals, opposant, est dans le même cas.
En résumé les soussignés respectent trop le droit de propriété pour ne pas admettre, chose qui a lieu dans presque tous les pays où les cours d’eau sont réclamés par l’industrie manufacturière, de laisser les 24 heures du dimanche pour l’irrigation des propriétés.
A bien parler, il n’y a pas d’usages locaux et c’est précisément un règlement de la jouissance des eaux qu’on sollicite, l’Administration est compétente, elle l’est même seule.
Salles, le 24 janvier 1838,
Tarayre, Guillemin, Carcenac et Panassier »
Le dossier d’archive s’arrête là. Il manquer l’ordonnance royale ou l’autorisation et le règlement d’eau. Ont-ils été délivrés ? Il semble sûr en tous cas que les travaux ont été réalisés de manière à apporter le volume d’eau souhaité aux nouvelles usines…+
REVUE DE PRESSE
A la fin des années 1830, plusieurs usine périclitent et ne restent qu’une grande filature qui va occuper l’ensemble des bâtiments. Henri Carcenac en prendra la direction avec l’aide de son frère Baptiste qui deviendra maire de Salles-la-Source de 1848 à 1851. La filature fonctionnera sous différents propriétaires dont Galtayriès et Scudier en 1882 puis Goschaud jusqu’en 1889 (faillite) puis Gaffier jusqu’en 1959.
Un événement majeur fut l’incendie du bâtiment de stockage de la laine le 21 octobre 1893. Le bâtiment reconstruit est l’actuelle salle des fêtes.
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