Cascade de Salles-la-Source – un pêcheur caraïbe au secours de l’Administration française

Lu dans « Le Figaro » cette semaine :
Cascade de Salles-la-Source :
UN PÊCHEUR CARAÏBE AU SECOURS
DE L’ADMINISTRATION FRANÇAISE
« C’est un coup de filet pour le moins stupéfiant que vient de réussir Manuel Droco-Govino, un modeste pêcheur de l’île de La Cruzilla, dans les Caraïbes espagnoles. La « bouteille à la mer » qu’il a remontée au milieu des poissons, voici une quinzaine de jours, contenait le document le plus recherché, ces derniers mois, par l’Administration française. Il va enlever à certains de ses agents une belle épine du pied dans ce qu’il est convenu d’appeler l’ « affaire de la microcentrale et de la cascade de Salles-la-Source ».
La bouteille à la mer renfermant le précieux document, telle que le pêcheur l’a photographiée avec son portable avant de la recueillir
Par cette belle journée de la mi-février sous les tropiques, peu avant le lever du soleil, Manuel Droco-Govino était occupé avec l’un de ses fils à relever le filet qu’il avait jeté à une dizaine de miles au large de La Cruzilla. Son attention fut brusquement attirée par une bouteille, au milieu de la pêche.
« Elle paraissait avoir longtemps séjourné dans l’eau, raconte-t-il, à en juger aux algues et aux coquillages qui la recouvraient. Elle était fermée par un bouchon de liège qui, en gonflant, avait assuré son étanchéité. À l’intérieur, nous avons aperçu un papier, comme une sorte de lettre, qui nous a semblé écrit en français, ce qui fait que nous n’avons pas pu le déchiffrer. Nous avons juste compris, en voyant une adresse indiquée sous ce message, qu’il s’agissait de una botella en el mar… »
Sitôt rentré au port, Luis Droco-Govino, en homme avisé, s’empressa de remettre contenant et contenu aux autorités locales. Celles-ci se mirent immédiatement en rapport avec le consulat de France de Saula-Casals, le chef-lieu de l’île voisine. C’est ainsi que, seize ans après avoir jeté cette bouteille à la mer au large des côtes de Tasmanie, un fonctionnaire français, Jean-François Margnotte, domicilié à Paris, a eu la surprise de la recevoir… dans sa boîte aux lettres. Mieux : il n’aurait jamais espéré remettre la main sur le document qu’elle contenait… et dont la perte risquait de lui valoir une lourde sanction administrative.
Naufragé dans les « Quarantièmes rugissants »
Jean-François Margnotte occupait en 1999 au Ministère de l’Industrie, rue de Varenne à Paris, le poste de chef de service de la 4ème section du 16ème bureau chargé de la réception et de l’enregistrement du courrier. Il avait obtenu de sa hiérarchie un congé sabbatique d’un an pour réaliser son rêve : effectuer un tour du monde à bord du « Raïpétit », un voilier de cinq mètres dont il avait fait l’acquisition auprès du fameux chantier naval de Pareloup quelque temps auparavant. La mi-mars de la même année le voyait naviguer au large de la Tasmanie. Une erreur de cap, sans doute, l’avait amené au cœur même de cette zone, particulièrement redoutée par tous les marins, des « Quarantièmes rugissants ». Une étourderie qui avait failli lui coûter la vie en même temps que rendre irrémédiable une autre distraction commise, celle-là, au Ministère de l’Industrie quelques mois plus tôt.
La modeste embarcation était en effet prise dans une violente tempête, avec des creux de huit mètres qui la mettaient rapidement en difficulté. Au point que Jean-François Margnotte devait se résoudre à l’évacuer après avoir mis à l’eau son canot pneumatique de secours. Avant de quitter le bord, pour le cas où il ne survivrait pas, il avait à la hâte rédigé un mot à l’intention des siens. Il avait utilisé pour cela le verso d’un document retrouvé dans une poche de son blouson. Il avait enfermé ce message dans une bouteille qu’il avait confiée aux courants. Après plusieurs heures de cauchemar parmi les éléments déchaînés, le naufragé avait la bonne fortune d’être recueilli par une vedette des gardes-côtes tasmaniens. On connaît la suite… Non pas complètement, toutefois.
Le petit bateau de pêche caraïbe qui vient de sauver la mise
de l’Administration française à Salles-la-Source.
Plus de doute sur la lettre
En ouvrant, avec la stupéfaction et l’émotion que l’on devine, le paquet qui contenait la bouteille et le message confiés à l’océan dans les circonstances dramatiques décrites plus haut, Jean-François Margnotte n’était pas encore au bout de sa surprise. Il constatait au premier coup d’œil que le document sur lequel il avait rédigé son message était celui-là même qu’il recherchait depuis des mois dans les archives du Ministère et sur lequel il désespérait pouvoir remettre la main un jour. À maintes reprises sa hiérarchie l’avait mis en demeure de le retrouver. La veille même il s’était vu signifier un ultimatum par le directeur du troisième département dont dépend la quatrième section.
Sans entrer dans des explications techniques complexes, précisons que l’Association « Ranimons la cascade ! » qui œuvre depuis cinq ans maintenant pour la réhabilitation du site de Salles-la-Source avait de sérieux doutes sur l’authenticité de la lettre de demande d’autorisation d’exploiter la microcentrale adressée par le gérant de cette installation à l’Administration, le Ministère de l’Industrie en l’occurrence. Cette démarche devait en effet être effectuée au plus tard le 31 décembre 1998, faute de quoi la procédure était caduque. Or le ministère n’avait pu fournir – et encore qu’après de multiples interventions et mises en demeure – qu’une copie de cette lettre absolument vierge de tout coup de tampon authentifiant de manière indubitable sa date réception, au mépris de la règle stricte en vigueur dans toutes les administrations. De là à conclure qu’un faux avait été commis, avec la complicité pleine et entière de l’Administration, il n’y avait qu’un pas que les opposants au détournement de la cascade sur la microcentrale auraient pu franchir. Devant la Justice, il en aurait résulté de graves conséquences, ce genre de faux en écriture n’étant pas considéré comme un délit mais bien comme un crime.
En fait, la demande était bien parvenue au ministère dans les délais mais en deux exemplaires. Jean-François Margnotte chargé de les réceptionner en avait dûment estampillé un. Et c’est l’autre que, par inattention, il avait archivé. Quant au bon exemplaire, toujours par distraction, il l’avait fourré dans sa poche après y avoir par mégarde noté un numéro de téléphone. Ainsi cette pièce administrative essentielle avait-elle fini dans une bouteille à la mer. Il aura fallu la double intervention du hasard et d’un pêcheur caraïbe pour réparer cette bévue d’un fonctionnaire étourdi.
L’association « Ranimons la cascade ! » va recevoir d’ici quelques jours la preuve qu’elle réclame depuis trois ans maintenant à cor et à cris. Il ne lui restera plus qu’à présenter ses plates excuses à l’Administration pour les soupçons injustes et injustifiés qu’elle a pu nourrir à son encontre. Et à aller à la pêche pour tenter de prendre dans ses filets d’autres arguments susceptibles de démontrer l’illégalité de la microcentrale de Salles-la-Source. Mais, à l’en croire, son avocat n’aurait que l’embarras du choix. »
Jean-Aymond Dupont-Decadoul
Le Figaro – 1 avril 2015
N.B de « Ranimons la cascade ! » :
Pour en savoir plus sur cette mystérieuse autant que stupéfiante affaire de document disparu, on pourra utilement suivre ce lien.
Retrouvez aussi sur notre site toute l’actualité de « Ranimons la cascade ! », la deuxième condamnation de l’Etat en mars 2015 et la chronique de nos cinq premières année de lutte retrouver la grande cascade de Salles-la-Source et faire toute la lumière sur « l’affaire » de la microcentrale de Salles-la-Source.
« Un poisson d’avril ?
bien écrit en tout cas ! »
Monique
« Beau coup de PUB pour le premier avril.
BRAVO, continuez… »
Christian
Quel magnifique poisson de verre qui ranime si bien les justes demandes pour notre cascade ! »
Dominique
« Bien ri à la découverte de la “bouteille à la mer”, dans laquelle il m’a semblé reconnaître la griffe d’un certain Yvo Carrasca… »
Georges
« Époustouflant comme découverte !! et belle écriture…
Merci pour ce joyau venu du profond domaine des poissons!
Gardons l’espérance… »
Edith
« Merci pour ce bel article… !
Et longue vie au pêcheur ! (de blagues bien sûr !) »
Anne
Quelle belle histoire! en avez vous d’autres aussi premieravrilesques!
Bien joué !
On y a cru.
Quel magnifique coup de filet!
Haha ha !!!!! Merci beau poisson :)))
Pour les gros poissons d’Avril, vous etes toujours aussi forts
Super le poisson du « 32 mars »
Excellent !
J’ai diffusé au maximum, et bravo pour ce poisson d’avril très ingénieux !!
Quel beau poisson d’avril !!
Merci pour cette info capitale. Heureusement que nous avons le 1er avril chaque année !
Merci pour ce beau poisson !
Incroyable découverte !!!!
Et …excellent poisson d’avril, pas vrai ?
Allez, résistons encore !
Excellent poisson d’avril !
Quelle imagination !
J’espère qu’il y aura des suites favorables pour la cascade.
Bravo pour votre courage et votre obstination qui, un jour ou l’autre, va payer.
Avec tout notre soutien
Toujours tres drôles,ces poissons d’avril!!!
Le rédacteur de la rédaction locale du « Figaro » mérite toutes nos éloges pour sa plume et son imagination qui dépasse de loin celle des plumitifs des administrations ministérielles. Merci pour cet article qui nous réconcilie avec les rédactions journalistiques.
Espérons que ce poisson du pont de Cadoul arrivera à son but !….mais pas au fond de la mer des Caraîbes !
« Elle paraissait avoir longtemps séjourné dans l’eau, raconte-t-il, à en juger aux algues et aux coquillages qui la recouvraient”
Belle histoire, mais on peut se demander si c’est réellement “La photo prise par le pêcheur” car sur celle-ci il n’y a point traces de coquillages et d’algues.
Daniele
c’est une super nouvelle !!!!!!! Continuez le combat ! Bon courage !!!!!!!!!!!!!!!!
Mais qu’attendent Aliberto et Droco pour fermer le robinet du Guiberto ?
C’est fantastique cette histoire.
A plus tard
J’aimerai bien que votre démarche aboutisse mais alors on aura plus de belles histoires de 1er avril comme celle -ci ! Quel dommage, vivement le 1er avril 2016.
L’humour est un moyen pertinent pour dénoncer et faire comprendre la fraude mais de là à rêver que la fraude perdure… Mais rassurez-vous, il existe de nombreux autres combats à mener… où l’humour sera toujours bien utile !
Pourquoi au debut de l’histoire, le pêcheur s’appelle-t-il Manuel, puis Luis a la fin ? Lapsus ?
Elémentaire, mon cher Watson !