15 janvier 2008, quand la SHVSS sortait de redressement judiciaire…
Il y a 7 ans, le 15 janvier 2008, la SHVSS sortait de redressement judiciaire par « désintéressement du créancier ». Rappel des faits et des questions que cela pose encore aujourd’hui :
La Société Hydroélectrique de Salles-la-Source a été placée en redressement judiciaire, pour une période de six mois, lors d’un jugement du Tribunal de Commerce de Rodez, prononcé le 5 septembre 2006, à la demande de M. Gaston Revel « en raison de son état manifeste de cessation de paiement, largement démontré par le non-paiement de créances restant dues, et ce, malgré toutes procédures d’exécutions demeurées infructueuses ».
La date de la cessation des paiements a alors été fixée au 20 avril 2006 (le Tribunal observe ce qui s’est passé et décide à quel moment l’entreprise s’est trouvée effectivement en état de cessation de ses paiements).
Le jugement du 5 septembre 2006 ouvre une période dite « d’observation » de 6 mois : le Tribunal va observer la vie de l’entreprise et essayer de voir si elle peut « s’en sortir », et comment. Cette période d’observation a été ensuite prolongée lors des jugements des 20 février puis 4 septembre 2007.
Au cours du jugement du15 janvier 2008, rendu par le président Manuel Cantos et ses deux assesseurs, Claude Guirande et Jean Martzloff, l’Administrateur judiciaire, Jean-François Blanc, avait fait état :
a) « des résultats d’exploitation dégagés par la SHVSS durant la période d’observation, »
b) « de l’avancement de la procédure d’agrément concernant les autorisations administratives d’exploitation de la centrale »,
c) « des accords de paiement intervenus entre la SHVSS et certains de ses créanciers permettant une diminution significative de son passif ».
d) « d’une trésorerie disponible de 125 374,50 € pour 124 106 € de dettes au 15 janvier 2008 ».
e) « de courriers transmis par M. Geniès Imbert – qui se porte caution des créances dues à M. et Mme Revel, des redevances municipales dues pour 2006 et 2007 et de la TVA due pour le troisième trimestre 2007. »
Le redressement judiciaire a donc finalement été levé par les juges, par « désintéressement du créancier », au vu de ces propos de l’Administrateur Judiciaire, Jean-François Blanc, de l’avis favorable du parquet (Procureur de la République), et du mandateur judiciaire, Vincent Aussel.
Manuel Cantos était Président du tribunal de Commerce de Rodez lors des quatre audiences
(Photo Centre-Presse 26 août 2014)
Commentaires
a) « Résultats d’exploitation dégagés par la SHVSS » : ce jugement a été rendu le 15 janvier 2008. Mais il semble totalement incompatible avec les chiffres publiés devant le même Tribunal de Commerce, depuis de nombreuses années. Aux 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007, les comptes de résultat, par exemple, font apparaître un déficit de 208 886 € en 2006 et de 42 244 € en 2007.
b) « Avancement de la procédure » : ce dernier s’avère au contraire lent et difficile. Pour mémoire, la concession est terminée depuis le 31 décembre 2005, l’exploitation est autorisée aux conditions précédentes par un « délai glissant » qui sera reconnu finalement illégal en 2012, date à laquelle la Préfecture sortira une mystérieuse convention de 2006 limitant la production à 40 % de ses capacités. Le dossier ne sera reconnu « régulier et complet » que le 31 décembre 2009 et, à ce jour, la décision d’autorisation n’est toujours pas prise…
c) « Accords de paiement » : il s’agirait d’une transaction entre la Société hydroélectrique et l’intéressé, Gaston Revel.
d) « Une trésorerie disponible de 125 374,50 € » : manifestement, l’administrateur judiciaire ne possède pas là non plus les mêmes chiffres que ceux que l’entreprise dépose au tribunal de commerce de Rodez ! Lesquels montrent une trésorerie disponible de … 3 418 € et un total de dettes de 21 054 € ! (sans parler d’une dette négative » (SIC) de 121 951 € ni de la différence de 100 000 € entre le total actif et le total passif. Pour mémoire, le total actif et le total passif doivent être – et ne peuvent qu’être – rigoureusement égaux si la comptabilité est juste ! … 100 000 €uros de différence : une paille !
e) « Genies Imbert se porte caution » : c’est là qu’intervient le très généreux Genies Imbert, qui se présente comme ancien cadre de la Banque Mondiale et ancien directeur d’une société de trading au Luxembourg, qui se porte caution et fait royalement l’avance du paiement de la dette au profit de « son ami Jean-Gérard Guibert », sans que cette donation n’apparaisse d’ailleurs au bilan, ni que soit produit un acte de cautionnement (un tel acte est très précisément encadré par la loi, aussi bien pour sa forme que pour son contenu : un simple courrier n’a jamais valeur de caution).
f) La décision rendue par le Tribunal de Commerce de « sortie » du redressement judiciaire, si elle est basée sur un cas de figure prévu par la loi (l’article L 631-16 du Code de commerce, ne se rencontre à peu près jamais. Un tel cas est même tellement rare qu’il ne figure dans aucune statistique officielle (Ministères, INSEE ou autres) !
Voir les Compte de résultat 2007 et Bilan 2007 de la Société Hydroélectrique de Salles-la-Source
Claude Guirande était assesseur lors des audiences des 20 février 2007 et 15 janvier 2008
Photo Midi-Libre – 13 juin 2012
Interrogations
Au vu de tous ces faits et de notre étude sur les comptes très spéciaux de la SHVSS , nous avions longuement analysé ces derniers et nous nous étions interrogés :
« Ainsi, la SARL SHVSS a été « admise au bénéfice du règlement judiciaire » par jugement du Tribunal de Commerce de Rodez en date du 05/09/2006, sur assignation d’un important créancier – M. Gaston REVEL. Le Tribunal est donc en possession des comptes jusqu’à l’exercice 2005, entachés d’irrégularités qu’un élève de première année de CAP de comptabilité repèrerait au premier coup d’œil. Au surplus, n’y figure à aucun moment la moindre dette, que ce soit envers M. Revel ou qui que ce soit d’autre. Et pourtant, c’est bien un créancier qui assigne !
De cela, le Tribunal ne semble pas le moins du monde s’étonner… Il est composé de 3 chefs d’entreprises de bon niveau, le Président étant lui-même connu pour avoir largement investi dans des microcentrales hydro-électriques : non seulement ces commerçants, élus par leurs pairs, savent parfaitement lire des comptes d’entreprises, mais le Président, en plus, connaît bien le secteur d’activité.
→ Le 15/01/2008, la SHVSS « sort » du redressement judiciaire, ayant de quoi payer tous ses créanciers (!). Le Tribunal est composé du même Président, et de deux juges, dont l’un a été remplacé par un chef d’entreprise (importante), cédée depuis à une multinationale du secteur électrique, fournisseur de la SHVSS au moins pour la réfection des groupes en 1997.
A aucun moment, le Procureur de la République, qui donne son avis et est présent ou représenté aux audiences, ne s’étonne…
A aucun moment, l’administrateur judiciaire, réputé être un professionnel de la gestion et de l’analyse économique (c’est justement son rôle), ne s’étonne…
Le fisc a-t-il regardé une seule fois les comptes annuels dont il est destinataire ?
Enfin, est-il sensé de confier à une telle entreprise une exploitation à risques, car comment pourra-t-elle entretenir correctement une conduite forcée qui passe en plein village, sous des maisons, dans des jardins ? Que se passerait-il si une telle conduite venait à éclater (plusieurs incidents se sont déjà produits) ? »
Une enquête en cours…
Tous ces fait étonnants (et bien d’autres…) ont été signalés au Procureur de la République de Rodez, Yves Delpérié, le 20 septembre 2013. Lequel a confirmé le 12 juin 2014 qu’une enquête était ouverte sous le numéro 13-287-01. Sans nouvelle sur celle-ci, « Ranimons la cascade ! » a relancé le procureur le 30 octobre 2014. Sans réponse, puis le 8 décembre 2014. Sans plus de réponse à ce jour…
Yves Delpérié, Procureur de la république de Rodez a ouvert une enquête (Photo : Midi Libre)
[ Pour mémoire :
Manuel Cantos, actuel président de la Chambre de commerce de Rodez, dont le groupe familial Ondulia a investi dans l’hydroélectrique et l’éolien,
Claude Guirande a longtemps été le directeur historique de la Société Guirande qui a vendu pendant des décennies des équipements à la Société Hydroélectrique de Salles-la-Source,
Jean-François Blanc est le petit neveu d’Etienne Bastide, ancien dirigeant de la Société Hydroélectrique de Salles-la-Source et ancien président de la Chambre de commerce de Rodez, qui fut par la suite chef de district EDF à Rodez avant de devenir Inspecteur Général au niveau national]
Pièces du dossier :
Jugement du 5 septembre 2006 (Président Manuel Cantos et assesseurs : Michel Dacheux et Jean Martzloff)
Jugement du 20 février 2007 (Président : Manuel Cantos et assesseurs : Claude Guirande et Michel Dacheux)
Jugement du 4 septembre 2007 (Président : Manuel Cantos et assesseurs : Bernard Charrié et Jean Martzloff)
Jugement du 15 janvier 2008 (Manuel Cantos et ses deux assesseurs, Claude Guirande et Jean Martzloff.)
Lettres au Procureur de la République de l’Aveyron – Yves Delpérié :
Très beau résumé des magouilles concoctées entre amis, illustration parfaite de l’administration et de la justice aux ordres d’intérêts particuliers.
C’est tellement caricatural que l’on est en droit de se demander qu’elle partition chante le Président de la CCI, celle pour le bien de ses paires, ou bien celle qui lui est la plus profitable, la tyréolienne sur le causse ?
En tous cas j’apprécie que pour les éoliennes cela soit mal barré, et que les réseaux d’influence et de désinformation au service d’intérêts privés, soient battus en touche.
C’est au Procureur de la République de tirer toutes les conclusions des éléments d’information que nous lui avons communiqués, sur ce sujet comme sur d’autres. Force hélas est de constater que ce dernier n’est pas bavard ni réactif sur ces sujets et ne répond plus à nos courriers.
» Le silence de l’administration vaut accord » : c’est quoi, pour qui, pour quand et c’est comment ?
Par Décrets listant les exceptions au J. O. « Lois et Décrets » (JORF n°0254 du 1° novembre 2014)est intervenu la Loi du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens.
» Le silence gardé pendant plus de deux mois par l’administration sur une demande va désormais valoir accord (sauf exception)
C’est à la demande de l’intéressé que la décision implicite d’acceptation fait l’objet d’une attestation par l’administration.
Une décision d’acceptation résultant du silence de l’administration peut être retirée en cas d’illégalité.
Alors, n’hésitez pas à poser des demandes et à vérifier les délais de réponse…
[…] du tribunal de commerce permettant la sortie de redressement judiciaire de la SHVSS [voir : « 15 janvier 2008, quand la SHVSS sortait de redressement judiciaire » , d’ailleurs en dépit de ce jugement surprenant, Manuel Cantos vient d’être nommé […]
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