Salles-la-Source-village, de la campagne à la banlieue

Cet intéressant témoignage est dû à René Andrieu. Il est paru en 1999 dans la revue « Vivre en Rouergue ». Quoique daté de plus de quinze ans, il garde sa pertinence. Il raconte, le vécu quotidien dans le village au sortir de la deuxième guerre mondiale et s’interroge sur les transformations que celui-ci a subies, suite à l’extinction progressive de la vie économique. D’autres habitants pourront en avoir une autre lecture et mettre en avant de multiples efforts, notamment associatifs, pour que la vie collective continue à Salles-la-Source.

On ne peut en tous cas que les encourager à raconter à leur tour « leur histoire » de Salles-la-Source. A partir de ces récits partagés pourra se construire un avenir également partagé. On ne peut non plus passer sous silence la dépossession de leur patrimoine et de leur volonté collective par une Société hydroélectrique qui s’est souvent comportée comme en pays conquis au risque de démobiliser les bonnes volontés et d’encourager un certain fatalisme. L’association « Ranimons la cascade ! » parviendra-t-elle à redonner l’espoir et l’envie d’agir ensemble en fédérant la population autour d’un projet d’amélioration et de la mise en valeur du site et de ses cascades ?

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« Ruthénois de souche dont les origine aveyronnaises tant maternelles que paternelles remontent à la nuit des temps, je me suis exilé comme nombre de nos compatriotes, mais mon cœur est toujours resté près de la cathédrale de Rodez et surtout, de la cascade de Salles-la-Source ! La profession de notaire que j’exerce depuis trente-cinq ans dans l’Héraut, à Agde tout d’abord puis à Montpellier, a pris beaucoup de mon temps et depuis que mon père et Me Chabanon, aujourd’hui tous deux décédés, me parrainèrent pour entrer dans notre Société, en dehors de quelques séances foraines auxquelles j’ai assisté, je dois reconnaître que ma participation à ses travaux a été jusqu’ici microscopique.

C’est donc pour pallier quelques peu cette insuffisance que j’ai pensé vous faire la communication de ce qui va suivre, étant précisé qu’elle s’éloigne assez de vos travaux habituels, car plutôt qu’une compilation ou une étude historique, elle est la chronique d’une période vécue et de l’évolution d’un village qui a la particularité d’être le chef-lieu de la commune la plus vaste du département et probablement l’une des plus vastes de France.

J’essayerai au cours de cet exposé, de vous faire ressentir ce que fut le village de Salles-la-Source, l’évolution qu’il a subie, le point où il me semble en être aujourd’hui, et enfin les questions que l’on peut se poser pour l’avenir, sans que, bien entendu, je sois assez présomptueux pour suggérer des solutions.

L’APRES-GUERRE

Dans les années 40 et l’immédiat après-guerre, le village de Salles-la-Source se remit à vivre à la façon dont il avait toujours vécu, c’est-à-dire comme le chef-lieu d’une des plus vastes communes du département, au sein d’un vallon aussi pauvre qu’il est beau, composé d’une population de ruraux et de commerçants et artisans, administré par des maires issus des grandes propriétés du Causse, hobereaux ou bourgeois aisés et cultivés, châtelains pour la plupart et n’ayant que peu de points communs avec le menu peuple du vallon.

La manufacture, que tout le monde appelait « l’usine », dirigée par les frères Gaffier, employait près de 50 personnes et elle avait notamment permis de donner du travail à quelques réfugiés du nord (Boucher, Ouillon…) et à quelques espagnols exilés à la suite de la guerre civile qui sévissait dans leur pays (Baltron, Canto, Rossel, Arbiol…)

Une bonne quinzaine de familles tiraient leurs revenus d’une activité agricole de polyculture (vigne dans le vallon, céréales et brebis sur le causse, quelques vaches dans la partie occidentale ou septentrionale de la vallée).

Les commerçants et artisans étaient nombreux : la boulangerie Maviel (avec en outre, l’essai qui dura un an ou deux d’une deuxième boulangerie à la maison Cabrolié…), la boucherie Rouvellat (avec la tentative de concurrence de M. Pages, qui dura six mois au maximum…), un bureau de tabac et échoppe de cordonnier chez M. Bouzat, trois hôtels-café-restaurants (Blanc, Roulié et Ferrand ; ce dernier figura même au prestigieux guide Michelin) et un café (Combacau), quatre épiceries (Sagnet, Combacau, Viguier et Ferrand, un atelier de menuiserie (Viguier), un forgeron (Blanc), un charron (Savy), un marchand de journaux (Angèle Puech), une couturière (Emilienne Gineste), un horloger (le « père » Couffignal), une minoterie (Cazals des Hortes), un garagiste (Paul Triadou), deux maçons (Alby et Mazenc) et enfin un « poly-artisan », Maximilien Farges, pittoresque titi parisien auquel on pouvait tout demander, à condition de ne pas être pressé.

Les paysans vivaient heureux car se contentant de peu et ne connaissant pas ce qui se passait dans le reste du monde, le grand voyage effectué par la plupart d’entre eux étant le service militaire et la guerre, et pour leurs épouses, un pèlerinage à Lourdes. peu de monnaie circulait car ils vivaient surtout en autarcie ; la basse-cour et un porc fournissaient l’essentiel de la viande (celle de la boucherie, du veau essentiellement, s’achetait une fois par semaine chez Rouvellat).

Personne ne disposait d’engin motorisé, à l’exception d’un fils Saule et des deux  frères Hot, car ces derniers, outre leur métier de petits agriculteurs, exerçaient celui de tueurs de cochons et, pour cette raison, parcouraient la campagne, avec leur moto et leur attirail de couteaux redoutablement aiguisés, allant d’une ferme à l’autre. Les gens se fréquentaient à l’occasion des offices religieux, des foires de Rodez et de Marcillac et de fêtes votives.

En résumé, en dehors de quelques voyages à Paris chez quelque parent travaillant dans la limonade, l’horizon de la quasi-totalité de la population était limité au canton de Marcillac et à la ville de Rodez, l’information étant donnée pour les « bien-pensant » par l’Union Catholique et pour les « rouges » par la Dépêche de Toulouse.

Lorsque l’été arrivait, quelques familles de la ville s’installaient au village : la famille Magnin, au château des Ondes, MM Chanoux et Delclaux au château Saint-Paul, la famille Bauguil dans un maison en face du château des Ondes, maison qu’elle ne cessa d’améliorer et d’embellir, et la famille Andrieu dans une petite maison au faubourg, l’installation de ces derniers se résumant à la grand-mère et son petit-fils, que rejoignaient, chaque fin de semaine, les parents par l’autobus, car d’un rang plus modeste, M. Andrieu ne disposait pas d’automobile lui permettant de faire quotidiennement le trajet Rodez-Salles-la-Source.

Sur le plan social, l’Hôtel-Dieu, vaste et confortable maison de retraite implantée au cœur du village, initialement construite à l’intention des vieux ouvriers par la famille Carcenac, ancien propriétaire de la filature, était devenue la maison de retraite de la commune et deux écoles privées (garçons et filles) ainsi qu’une petite école publique assuraient le service de la population.

Le charroi s’effectuait au moyen de chars ou de tombereaux tirés par des chevaux ou de vaches attelées, le seul attelage de bœufs étant celui de Pascal Causse, probablement le propriétaire le plus important du village. Bien entendu, il n’y avait pas un seul tracteur ! Et le transport du vin se faisait dans des outres de peau de chèvre, tant l’accès aux caves de Saint-Laurent était malaisé et nécessitait une certaine souplesse des contenants.

Attardons-nous quelques instants sur ce remarquable récipient qu’était une outre. Sa fabrication à elle seule était une véritable épopée : il fallait sortir les os, la viande et les entrailles de la bête par le cou, avant d’en retourner la peau, d’en attacher les divers orifices pour assurer l’étanchéité, le cou devenant l’orifice de remplissage. Travail de romain minutieux qui occupait plusieurs hommes pendant de longues heures. Et il fallait quatre outres pour remplir une barrique ; or, aucun vigneron n’en possédant autant, celles-ci circulaient donc de l’un à l’autre dans le cadre d’une entraide amicale et c’était d’autant plus utile qu’une outre se portait mieux d’être utilisée que de sécher, faute d’emploi.

Deux réjouissances marquaient le village : la fête des marguilliers des vignerons et la fête de la Saint-Loup.

La première se déroulait en deux temps, le lundi de pentecôte : une messe au cours de laquelle les marguilliers (renouvelés chaque année) accomplissaient certaines fonctions civiles ou religieuses et un séjour aux caves de Saint-Laurent au cours de laquelle chaque vigneron avait la fierté de faire goûter son vin et le malin plaisir d’enivrer les quelques imprudents citadins qui s’étaient laissé inviter !

C’est à l’issue d’un de ces visites aux caves que le vieux Maliès (qui fréquentait peu l’église et ne faisait pas trop la différence entre la messe et les vêpres) dit au curé qui se trouvait là son célèbre Miladiou Moussu lou curat,  beïres coumo lou cantaren qualos vespres ! qui est resté vivace dans la mémoire des vieux Salles-la-Sourciens.

La seconde avait lieu le premier dimanche de septembre et le lundi suivant. C’était la fête de saint Loup, patron du village. Le dimanche, on venait du bassin houiller, de la campagne avoisinante et bien sûr de Rodez, pour danser sur le plancher aménage dans la cour de l’usine, et à la nuit, avant que le bal ne commence, assister au feu d’artifice avec embrasement de la cascade qui était réputé dans toute la région. le lundi, une partie du plancher était démontée et réinstallée aux caves de saint- Laurent, où un petit orchestre animait la fête strictement villageoise. La fête du dimanche était très courue et les entrées payantes permettaient au comité des fêtes de financer le bal du lundi et le feu d’artifice.

La tradition vigneronne était très forte et les gens aimaient s’amuser et faire des farces, on les disait truffaires.

L’une de ces farces était le « Charivari » qui, à l’occasion du remariage d’un veuf ou d’une veuve, consistait à faire pendant plusieurs jours un bruit infernal sous les fenêtres de ce dernier et à conclure par une sorte de pantomime au cours de laquelle défilaient dans la rue les jeunes gens déguisés, représentant avec malignité et parfois même une certaine cruauté, quelques scènes connues de la vie du futur ou de la future datant de l’époque de son premier mariage.

L’autre, qui avait également pour prétexte le mariage, était l’enterrement de vie de garçon : les « cérémonies » avaient lieu au café Roulié. Un cercueil en modèle réduit contenant les attributs supposés du « défunt » étaient exposés sur une table servant de catafalque ; les plus bavards, élevés pour l’occasion au rang de « chanoine » ou « d’archiprêtre » prêchaient et tout le monde mangeait de la fouace en buvant force mansois. la cérémonie finissait toujours en une joyeuse cérémonie vers les caves de Saint-Laurent et les retours étaient particulièrement agités, mais il n’y avait pas de véhicules à moteur ni de gendarmes munis de ballons.

Une activité réduite occupait les journées d’hiver, encore que les paysans devaient tailler la vigne, labourer quelques champs et apasturer les bêtes. Par contre, dès le printemps et jusqu’à la fin de l’automne, le travail s’intensifiait au fur et à mesure que les jours s’allongeaient : les femmes, en dehors des activités ménagères traditionnelles, gardant les brebis et élevant généralement toute une basse-cour dans l’escurou qui jouxtait la dévèze du Causse. Les hommes vaquaient aux divers travaux de la moisson, fenaison, piochage et liage de la vigne, reconstruction des paredous, ces petits murs soutenant les vignes dont il y en avait toujours, et enfin, tache éminemment noble, aller une ou deux fois par semaine chercher le vin bien frais à la cave de Saint-Laurent à l’aide de leur barral.

Toujours dans le cadre des traditions et de l’esprit truffaïre, lorsqu’un vigneron n’avait pas fini de piocher ses vignes à Pentecôte, quelques facétieux installait dans sa vigne une sorte d’épouvantail, « l’homme de paille », pour fustiger son manque d’ardeur au travail !

Ce côté farceur avait même déteint sur certains qui utilisait leur esprit naturellement caustique pour se moquer de leurs adversaires ou les critiquer, tel le bon monsieur Couffinhal qui, propriétaire riverain du ruisseau de la cascade, n’admettant pas que la Société Hydroélectrique puisse utiliser la source et ainsi tarir la cascade certains jours, avait rédigé le quatrain suivant :

Halte à l’accapareur
Qui pour notre malheur
Et pour remplir sa bourse
A fait Salles sans source !

Le dimanche, la plupart des gens allaient à la messe, quelques uns par conviction, le plus grand nombre par habitude et les autres pour rencontrer leurs semblables. les femmes, généralement, allaient à la première messe, de façon à pouvoir préparer le repas et les hommes, à la grand-messe, pour pouvoir aller boire ensuite un pintou chez Ferrand et deviser ensemble dans un brouhaha sympathique. L’après-midi, les femmes discutaient avec leur voisine de quartier, les hommes jouaient aux cartes dans l’un ou l’autre des cafés, et les plus jeunes jouaient aux quilles sur la place de l’église.

Cette vie se déroula à peu près de cette façon jusqu’aux années 50.

LES ANNEES 50

Au cours des années 50, les effets des transports, des télécommunications, la timide survenance des médias firent évoluer les mentalités.

André Orlhac, paysan avisé et moderne, acheta un tracteur – oh ! pas bien gros ! – le Pony de Massey-Harris qui était ce qui se faisait de plus petit, en deçà de quoi, il fallait se contenter d’un motoculteur, mais un tracteur tout de même grâce auquel il put supprimer les vaches, ce qui ne donna plus au rédacteur de ces lignes, l’occasion d’aller chercher le lait dans cette sympathique maison.

Le père Bouzat céda son échoppe à Raymond Féral qui devint très vite lou Pégot, (par référence à la poix qu’utilisent les cordonniers), en même temps que le bureau de tabac passait au café Roulié qui, après fermeture de son ancien établissement, avait remplacé la famille Blanc dans la partie basse du Faubourg (exit le forgeron…). Durant cette même période, le café-épicerie Combacau fermait à son tour.

Néanmoins quelques jeunes gens tentaient de reprendre le flambeau que leurs pères fatigués envisageait de laisser éteindre : Henri Soulié, Gabriel Lalande, René Lapanouse, Louis Nègre, Lucien Bennet, Paul Solinhac, Henri Viargues, André Orlhac. On installa même un travail pour ferrer les bêtes à la « tournée », au centre du village !

Des jeunes partaient en apprentissage et l’un d’eux, Paul Bennet, était même reçu à l’école normale et ne se doutait pas qu’il ferait une carrière qui le mènerait bien au delà d’un simple poste d’instituteur. Quelques maisons se vendirent ou se louèrent et l’on vit séjourner dans le pays d’autres familles ruthénoises en même temps que des gens issus du village qui revenaient passer des vacances en ce lieu dont ils avaient été tenus éloignés par la guerre et le manque de moyens de communications. Quelques « vacanciers » occasionnels séjournaient aussi à l’hôtel Roulié ou chez les demoiselles Ferrand, à l’hôtel de la Terrasse où de nombreux bourgeois ruthénois venaient régulièrement faire le pécoulat, c’est-à-dire manger un solide quatre heures accompagné de quelques pintous de mansois.

Si au début de la décennie, la majorité des jeunes circulait à vélo, on vit bientôt apparaître les mobylettes, les scooters, les motos 125 cm3 et, enfin quelques automobiles. Cet accroissement et ce perfectionnement des moyens de déplacement firent que de plus en plus de jeunes gens vinrent à Salles-la-Source, soit pour la fête, soit pour conter fleurette dans les bois, plus particulièrement le 1er mai. Madame Roulié, en commerçante avisée, utilisa le local de l’ancienne forge attenant à son café, pour en faire une petite guinguette, mais le succès de cette fête, conjugué à quelques belles saisons qui se succédèrent, l’incita à demander aux jeunes du Comité des Fêtes, de prendre l’affaire en main et d’installer le bal à l’usine comme lors de la fête de Saint-Loup, ce qui fut fait. pendant quelques années, la fête du Muguet dans notre village fut l’une des plus courues de toute la région. Les voitures stationnaient environ deux kilomètres en amont et en aval du village et le nombre d’entrées cumulées en matinée et en soirée dépassait les 2000. les plus grands noms de l’accordéon vinrent jouer à Salles-la-Source et le village connut ainsi une renommée très importante car les bénéfices permettaient de financer un feu d’artifice pour la Saint-Loup encore plus magnifique qu’autrefois et digne du site extraordinaire de la cascade.

Mais hélas, si l’on pouvait se griser d’accordéon, si l’on continuait d’être aussi gai que par le passé, si de vaillants jeunes gens s’accrochaient à la terre, la nécrose et la mort se profilaient à l’horizon.

Je me souviens en avoir ressenti les prémices le jour où l’un de mes vieux cousins, généralement optimiste, raisonneur en diable qui passait son temps à refaire le monde, acquit un appareil TSF d’occasion. Il se trouva en prise directe avec l’actualité et découvrit que lui, qui s’imaginait être heureux dans son village, n’avait pas de voiture, n’avait pas de réfrigérateur, n’avait pas de cuisinière à gaz et n’allait pas en vacances. De ce jour, le jeune homme, autrefois hâbleur, devint triste, gémissant sans cesse, quasiment désespéré ; et cette constatation que je fis de manière approfondie avec un parent que je voyais régulièrement, je la ressentis également avec des gens de sa génération que je rencontrais au village, sur les chemins ou au bistrot à la sortie de la messe.

A la fin de cette période, l’usine ferma, supprimant en conséquence, et du jour au lendemain, une vingtaine d’emplois : à l’époque, il n’y avait pas d’aides pour les entreprises en détresse et la mort programmée d’un village n’intéressait personne !

Mon père, receveur des Hospices de Rodez et administrateur de divers établissements de santé et notamment de l’Hôtel-Dieu du village, réussit à le faire agréer par la sécurité Sociale comme maison de repos. Celle-ci apportait, sur le plan économique, grâce au pris de journée, quelque argent et un maintien de l’emploi, et, sur le plans social, pour la plus grande joie des jeunes gens du village… le présence de quelques jolies jeunes filles, ouvrières des usines de la région de Ganges ou du Vigan, venues ici en convalescence, meublant leur temps en d’agréables flirts qui, généralement prenaient naissance dans la boutique du cordonnier, lieu de réunion de tout le village, et plus particulièrement de la jeunesse.

Mais vers la fin de cette décennie, quelques jeunes qui avaient tenté de continuer l’activité paternelle baissèrent les bras et partirent comme salariés à Cayssiols ou en entreprise. Il s’agissait là de jeunes hommes nés entre 1920 et 1930. Ceux, nés entre 1930 et 1940, étaient en apprentissage ou à l’école, et trouvèrent ailleurs, dans les années 60, des emplois d’ouvriers, d’artisans ou de fonctionnaires.

La descente aux enfers commençait !

L’AGONIE ET LA MORT PROGRAMMEE (1960-1980)

Le gai village au cours de cette période ne fut plus qu’un souvenir que ressentaient ceux qui l’avaient connu vivant et  joyeux et qui souffraient de cette évolution inexorable. les maires, toujours issus du Causse, ne portaient aucun intérêt à sa vie ou à sa survie, n’ayant en fait aucune communauté d’intérêt avec cette population vieillissante et refermée sur elle-même.

La boucherie ferma, la boulangerie en fit autant (alors que survivaient honorablement celle de Pont-les-Bains et celle de Mondalazac !). le garage était fermé depuis longtemps et la courageuse tentative de Laurent Droc pour en créer un nouveau ne fit pas long feu. Le charron avait pris sa retraite, de même que Maximilien Farges, l’homme qui savait tout faire et même plus… les hôtels-restaurants – Roulié ayant été remplacé par madame Viguier – se cantonnèrent à l’activité de café. Enfin l’horloger et la couturière moururent.

L’école publique était fermée depuis longtemps et l’école de garçons fut rattaché à celle des filles que dirigeait d’une main ferme et avec compétence la sœur Bernadette. L’abbé germain Soulié, curé de la paroisse, malgré une santé chancelante, assuma jusqu’au bout son sacerdoce et, s’il en indisposa quelques uns par la rugosité de son caractère, il est non moins certain que ce fut un saint homme et un homme aimé, ainsi que le démontrèrent ses noces d’or de prêtre à l’occasion desquelles l’église Saint-Loup, pourtant assez largement dimensionnée, se révéla insuffisante.

Le pays s’engourdissait, s’endormait dans une torpeur mortelle et les propriétaires des maisons ne les vendaient pas, les laissant tomber en ruine alors qu’on rénovait, lotissait ou construisait du neuf au Monteil, à Souyri, au Crès, 0 Pont-les-bains, à Séveyrac, enfin partout sauf au chef-lieu de la commune ! On vit même certaine maison perdre son toit avant que son propriétaire ne se décide à la vendre !

Pendant cette période, si la fête des vignerons, le lundi de Pentecôte disparut, les fêtes du muguet et de la Saint-Loup survécurent tant bien que mal, mais survécurent tout de même et, s’il n’attirait pas autant de monde qu’autrefois, le feu d’artifice sur la cascade conservait tout de même sa notoriété locale. On vit apparaître un stade et une salles des fêtes à Souyri, une salle des fêtes à Pont-les-bains, mais aucune tentative ne fut faite pour fédérer les activités sportives ou festives au chef-lieu de la commune et ce, par suite du manque d’intérêt précité.

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Bal de la Saint-Loup devant le château des Ondes – période 1963-1965

 

1990… PEUT-ON ESPERER ?

A leur mort, les frères Viguier n’eurent pas de successeur et l’atelier de menuiserie ferma ses portes.

Trois agriculteurs existaient encore au début des années 90 : André Orlhac, Maurice Balasquier et Henri Viargues. Celui-ci, qui fut aussi le dernier, vendit ses vaches et prit sa retraite vers 1995. La dernière épicerie, tenue par madame viguier, ferma à peu près à la même époque.

Enfin, signe d’une mort certaine de son âme, la fête de saint-Loup et le feu d’artifice de la cascade, symbole de la vie sociale et de l’unité du village, furent abandonnés.

Salles-la-source n’était plus qu’un village-dortoir, une banlieue !

Enfin, un certain jour, on apprit que l’Hôtel-Dieu n’était plus conforme aux « normes », ces fameuses normes qui disent qu’aujourd’hui, quelques chose peut fonctionner et que demain, en raison de quelque diktat administratif ou de quelques intérêts particuliers, cet établissement est inadapté et son utilisation est interdite. Et il fut reconstruit à Cougousse, c’est-à-dire pratiquement à Marcillac…

Le « fond » était atteint ! Il était difficile d’aller plus bas dans la déchéance économique : plus d’activité rurale, plus d’activité commerciale, plus d’artisans, plus d’emplois.

A la suite de tractations avec la Société Hydro-électrique, la commune se retrouva propriétaire de « l’usine » dans laquelle fut installés le bureau de Poste et le musée du Rouergue. Puis des HLM furent construits et la mairie installée dans une dépendance des nouvelles constructions. Un mini-lotissement avait été installé au Bourg qui accueillit quelques familles, deux ou trois constructions furent édifiées à Saint-Laurent, des maisons fermées furent à nouveau habitées soit par des locataires, soit par des propriétaires, mais la vie revenait.

Une partie de l’école saint-Joseph a été vendue et trois familles s’y sont installées. le quartier haut du village, désertique il y a simplement cinq ans, revit grâce à l’installation de nouvelles familles dans des maisons rénovées avec goût et, au cours de l’été 1998, une fête de quartier a réuni près de cent personnes dans une ambiance amicale incontestablement prometteuse.

Il est souhaitable que cette vie du village soit développée ; il est certain qu’il est inutile de faire du passéisme et que, s’il importe de trouver une unité, celle-ci ne peut être fondée que sur des valeurs nouvelles, autres que rurales : le village de Salles-la-Source est toujours à la campagne, mais ce n’est plus une campagne. Son passé historique en a fait le chef-lieu de la commune, mais en dehors de ce point d’histoire, qu’a de commun sa population actuelle avec les autres hameaux ? Souyri et le Crès sont manifestement tournés vers Rodez et, malgré le grand nombre de résidents citadins, il y a encore dans ces hameaux de véritables paysans. Il en va encore pour la partie caussenarde de Cadayrac, Solsac et Mondalazac, incontestablement attirés par Marcillac, ainsi que celle de Séveyrac plutôt tournée vers Nuces : peu de choses unissent ces hameaux avec le chef(lieu de commune. Et enfin, quel intérêt ont les gens de Cougousse et de Pont-les-Bains à se rendre à Salles-la-Source ?

Il est sûr que le village va revivre, mais une mairie et un musée sont-ils suffisants pour créer une unité alors que toute activité économique ou sociale a disparu ? Cette force centrifuge qui semble attirer les habitants des hameaux vers la ville et les villages voisins, cet abandon de toute velléité fédération au chef-lieu, cette anémie de vie associative centralisée (à l’exception de l’excellent Club de la Cascade qui réunit les gens du troisième âge, c’est-à-dire ceux qui « ont fait leur temps » et ont un passé commun) ne condamnent-ils pas irrémédiablement la fonction initiale de notre beau village ?

En cet état actuel d’anémie avancée, il importe de poser la question même si elle fait mal à celui qui la pose et risque d’en indisposer quelques-uns.

Salles-la-Source (village) peut-il se ressaisir et revivre pour rester chef-lieu de commune ou celle-ci doit-elle être supprimée et rattachée à Marcillac ou à Rodez, selon les affinités des habitants des divers hameaux qui la composent ? la question est brutale, dérangeante, mais je crois que l’exposé que je viens de faire amenait à  la poser.

Je n’ai personnellement ni la qualité, ni les compétences pour proposer des solutions. Mais il importe, s’il existe un espoir que des bonnes volontés de tous les hameaux (on disait autrefois « de toutes les paroisses ») se regroupent pour réfléchir ensemble et, abandonnant tout esprit de clocher, trouvent un projet commun, s’attachent à la développer et redonnent ainsi à tous ce que, par analogie avec le droit des société, j’appellerai l’affectio communalis

René Andrieu

 

(image 305)

One Response to Salles-la-Source-village, de la campagne à la banlieue

  1. Mogini dit :

    Bonjour . Je me présente comme petit fils de droc Laurent …. J espère que vous allez faire revivre ce très beau village ou j ai passe toute mes vacances scolaire avec mes grand parent . Merci à vous . Courage et encore merci pour eu … MOGINI martial

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