QUAND ALEXIS MONTEILS NOUS FAISAIT DECOUVRIR LE SITE DE SALLES-LA-SOURCE

On doit au Ruthénois Alexis Monteils la fameuse « Description du département de l’Aveiron »,  publiée en 1844. On y trouve en quelques pages une description du site de Salles-la-Source et du site de la cascade , comparé à l’île de Calypso, décrite par Fénelon dans « Les aventures de Télémaque, fils d’Ulysse ».

A l’époque l’accès à Salles-la-Source se fait par le causse Comtal, la route traversant les gorges du Fabby ayant été creusée postérieurement.

Suit la description des sites naturels de Salles-la-Source : grotte de Bouche-Rolland et Tindoul de la  Vayssière. L’orthographe d’époque a été conservée.

« Au nord-ouest de ce vieux château, on trouve le vallon romantique de Salles, qu’on pourrait comparer à tout ce que l’Italie peut offrir de plus beau en ce genre. Sur presque tous les points, ses côtés sont coupés à pic.  Au premier abord, on recule épouvanté, après avoir aperçu, à une profondeur effrayante, de beaux vergers, des cascades, une riante prairie, comme des lieux enchantés d’où on ne peut approcher.

Mais en se détournant sur la gauche, on arrive à un côté ombragé de chênes et moins escarpé, par lequel on descend insensiblement. parvenu au bas, on se voit cerné par un rempart circulaire de rochers, qui encadrent un paysage varié par de petits coteaux, des villages, des filets d’eau, des champs, des noyerées et des vignes. Ces hautes roches, en projetant leurs ombres, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, augmentent encore l’effet de cette belle scène.

A l’extrémité méridionale de ce vallon, est un massif de pierres calcaires, sur lequel on a bâti le village de Salles. Du haut de cette élévation, se précipite un ruisseau qui se divise en deux cascades de 40 pieds de haut. Leurs eaux tombent dans deux bassins, d’où elles s’échappent pour aller fertiliser des prairies et arroser ensuite les vallons de Marcillac. Derrière ces cascades, se trouve une superbe grotte : elle forme un fer à cheval ; sa voûte s’élève en entonnoir ; son entrée, couronnée de fresnes, de figuiers sauvages, de lierre, de scolopendre, de polypodes et de plusieurs plantes sarmenteuses qui pendent en feston, est taillée en arc très-ouvert, et laisse pénétrer dans l’intérieur les reflets du soleil renvoyés par la surface des deux bassins ; sa cavité se remplit alors d’une vive clarté ; les mousses fraiches dont elle est tapissée, ressemblent à une tenture d’un vert-chatoyant, et les gouttes d’eau qui tombent de tous les points de la voûte, à des poignées de  perles jetées du haut de cette magnifique coupole.

La fraicheur des eaux, le parfum des prairies pénètrent l’air de volupté. Tous les sens sont émus à la vue de ces beaux lieux ; l’imagination y amène les objets qu’elle chérit le plus : elle y fixe leur demeure. On ne peut se lasser de contempler tant de beautés réunies ; on veut les quitter, on est obligé de les admirer encore : enfin ce n’est qu’avec peine qu’on s’arrache à ce séjour enchanté, pour remonter sur la terre.

Ah ! Si Fénelon eut vu ce beau vallon, cette belle verdure, ces belles eaux, cette belle grotte, l’île de Calypso en eut été bien plus délicieuse et ses nymphes bien plus séduisantes.

 

 Lorsque l’on vient de la grotte de Salles, celle de Solsac, qui en est éloignée d’une lieue, ne semble plus qu’une caverne. celle-ci est située sur le haut d’un coteau couvert de bois. Son entrée spacieuse, ombragée de tilleuls et de frênes, est fermée par un mur de maçonnerie où l’on a laissé qu’une petite porte. On trouve d’abord une grande cave, taillée de main d’hommes et remplie de tonneaux ; elle est séparée par un autre mur, du reste de l’excavation.

On passe ensuite dans une allée large de 40 pieds et haute de 60. Après avoir fait 100 pas, la voûte s’abaisse, et le passage obstrué par des dépôts calcaires n’a que deux pieds de haut. Cet obstacle franchi, il se présente une seconde allée qui se rétrécit de même ; enfin l’on parvient à l’endroit le plus intéressant. Ici la scène s’agrandit : l’élévation des voûtes que les lumières ne peuvent éclairer, le retentissement de la voix changée par la disposition du local en gémissemens ou en sons entrecoupés, les parois revêtus de draperies d’albâtre mélangées du noir des ombres, le calme profond, les ténèbres environnantes, la forme lugubre de masses pétrifiées ; tout épouvante l’imagination, tout inspire à l’esprit des idées funèbres : on croit être au passage de ce monde dans l’autre…..

Ensuite, on entre dans une galerie longue de 10 pas, qui conduit à une vaste salle à peu près semblable à la première. Les cristallisations y sont plus variées : il y en a de figurées en jeux d’orgues, dont chaque tuyeau frappé avec une clef donne un son différent. Les eaux empêchent de pénétrer au delà de cet endroit. La partie de cette grotte, qu’on peut parcourir, forme un coude assez ouvert ; elle a 300 pieds d’une extrémité à l’autre. S’il était permis de hasarder des conjectures sur les causes de cette excavation, on pourrait dire qu’elle est le réservoir d’une source qui a tari, ou dont les eaux se sont dirigées vers d’autres points : la terre glèse qui en recouvre le fond et les parois, les pierres roulées et les bancs de gravier qu’on y rencontre, enfin la grande quantité d’eau qui, après des pluies abondantes y afflue de toute part sembleraient confirmer cette opinion.

Ce qu’il y a de sûr, c’est que ce souterrain a été habité. On remarque dans la première cave, des trous de boulin, creusés pour recevoir des poutres ; on y a trouvé des arme antiques, et les anciens titres font mention d’un fort qui défendait son entrée. D’ailleurs son nom de Bouche-Roland fait présumer qu’elle servit de retraite à ce Roland, qui à la tête de ces compagnies de brigands, désola le Rouergue au XIVème siècle. Ainsi dans ces temps désastreux, cette immense cavité que la nature avait sans doute destinée à fertiliser les campagnes, fut changée en un repaire de brigands, qui vomissaient sur elles le ravage, la désolation et la mort.

 Si, après être sorti de Solsac, on va du côté du sud-est, on rencontre tout-à-coup l’épouvantable abyme, appelé dans le langage pittoresque du paye, le Tindoul. Cette grande crevasse, qui a 141 pieds de profondeur, est située sur le penchant d’un tertre : les terres des environs sont assez unies et ne présentent aucun bouleversement. Son ouverture, presque triangulaire a trois-cent-quatre-vingt-quatorze pieds ;  ses côtés sont coupés à pic : dans les fentes des rochers croissent, vers l’orifice, des chênes, des cerisiers et des frênes, qui malgré leur position, s’élèvent perpendiculairement à l’horizon.

En penchant le corps pour voir le fond, l’effroi vous saisit et on court risque d’éprouver des tournoiements de tête ; il est plus prudent d’y regarder couché à plat ventre (1). Il est vraisemblable que cette vaste fissure a pour cause l’effondrement des couches inférieures : rien ne pourrait appuyer la conjecture qu’elle a été taillée de main d’homme. »

(1) : la veille du jour où j’allais voir le Tindoul, il y était tombé une jument qui ne me paraissait pas plus grande qu’une pouliche d’un mois.

Amans-Alexis Monteils

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Publié en 1699, le roman de Fénélon des aventures de Télémaque, qui sert de référence à Monteils pour décrire la grotte de la cascade de Salles-la-Source, fut très populaire jusqu’au début du XXème siècle.

Description de la grotte de Calypso dans le roman de Fénelon :

« On arriva à la porte de la grotte de Calypso, où Télémaque fut surpris de voir, avec une apparence de simplicité rustique, des objets propres à charmer les yeux. Il est vrai qu’on n’y voyait ni or, ni argent, ni marbre, ni colonnes, ni tableaux, ni statues : mais cette grotte était taillée dans le roc, en voûte pleine de rocailles et de coquilles ; elle était tapissée d’une jeune vigne qui étendait ses branches souples également de tous côtés. Les doux zéphyrs conservaient en ce lieu, malgré les ardeurs du soleil, une délicieuse fraîcheur: des fontaines, coulant avec un doux murmure sur des prés semés d’amarantes et de violettes, formaient en divers lieux des bains aussi purs et aussi clairs que le cristal : mille fleurs naissantes émaillaient les tapis verts dont la grotte était environnée. Là on trouvait un bois de ces arbres touffus qui portent des pommes d’or, et dont la fleur, qui se renouvelle dans toutes les saisons, répand le plus doux de tous les parfums; ce bois semblait couronner ces belles prairies, et formait une nuit que les rayons du soleil ne pouvaient percer. Là on n’entendait jamais que le chant des oiseaux ou le bruit d’un ruisseau, qui, se précipitant du haut d’un rocher, tomba à gros bouillons pleins d’écume, et s’enfuyait au travers de la prairie.

La grotte de la déesse était sur le penchant d’une colline. De là on découvrait la mer, quelquefois claire et unie comme une glace, quelquefois follement irritée contre les rochers, où elle se brisait en gémissant, et élevant ses vagues comme des montagnes. D’un autre côté, on voyait une rivière où se formaient des îles bordées de tilleuls fleuris et de hauts peupliers qui portaient leurs têtes superbes jusque dans les nues. Les divers canaux qui formaient ces îles semblaient se jouer dans la campagne: les uns roulaient leurs eaux claires avec rapidité; d’autres avaient une eau paisible et dormante; d’autres, par de longs détours, revenaient sur leurs pas, comme pour remonter vers leur source, et semblaient ne pouvoir quitter ces bords enchantés. On apercevait de loin des collines et des montagnes qui se perdaient dans les nues, et dont la figure bizarre formait un horizon à souhait pour le plaisir des yeux. Les montagnes voisines étaient couvertes de pampre vert qui pendait en festons : le raisin, plus éclatant que la pourpre, ne pouvait se cacher sous les feuilles, et la vigne était accablée sous son fruit. Le figuier, l’olivier, le grenadier, et tous les autres arbres couvraient la campagne, et en faisaient un grand jardin. »

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