Face à la fraude, EDF et ERDF-ENEDIS dans le rôle de Ponce Pilate
» EDF aurait-elle une conception de l' »éthique et de la déontologie » qui consisterait surtout à protéger ses décideurs plutôt que de faire sortir au grand jour les fraudes avérées dont elle aurait connaissance et d’en tirer toutes les conséquences ? «
Cet article vise à montrer le peu d’intérêt pour dénoncer la fraude tant d’EDF que d’ERDF devenu récemment ENEDIS (le nom change mais la morale change-t-elle ?) :
Depuis 1932, la Société hydroélectrique de Salles-la-Source a pu produire et vendre illégalement de l’électricité, sans sérieuse opposition de l’Administration, ainsi qu’a pu le démontrer l’association « Ranimons la cascade ! »
L’arrêt définitif de l’installation le 26 août 2016 devrait permettre de dresser le bilan de ces ventes illégales et de connaître le montant de l’électricité produite illégalement et achetée par EDF et ERDF/ENEDIS.
C’est la raison pour laquelle depuis 2014, « Ranimons la cascade ! » interpelle ces deux entreprises pour connaître la vérité sur cette affaire. Or l’une comme l’autre refusent obstinément de divulguer ces chiffres se réfugiant pour cela derrière « l’obligation de confidentialité » et le « secret économique et commercial ».
Ce faisant, elles montrent que les lois sont davantage destinées à protéger le fraudeur qu’à éclairer le citoyen. Elle créent également un doute certain sur la moralité de ces entreprise plus enclines à protéger la fraude qu’à faire sortir celle-ci au grand jour. Leur complicité se manifesterait-elle ainsi ?
Pour EDF, comme pour ERDF-ENEDIS, il semble bien que l’électricité n’ait pas d’odeur…
EDF et ERDF-ENEDIS s’assoient sur l’avis de la CADA
Dans un avis rendu le 6 juin 2013, la CADA avait estimé que les documents suivants étaient légalement communicables à l’association « ranimons la cascade ! »(points 3 à 5) :
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Tous documents qui attestent que, depuis le 04/08/2006, le débit maximum dérivé, autorisé par la convention de 2006 est bien strictement respecté par l’ exploitant.
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Copie de tous les relevés mensuels ou trimestriels de production transmis à vos services
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Copie de tous les éléments de contrôle effectués en application de l’article 47 du décret de concession.
On se rappelle que le Préfet avait soutenu ne pas être en capacité d’obtenir d’EDF ces documents (voir : « EDF, un Etat dans l’Etat ? » ; cet article montrait comment, si EDF se comporte comme un « Etat dans l’Etat », l’Etat lui-même donne toutes les apparences d’être aussi le complice objectif des multiples fraudes de la SHVSS).
« Ranimons la cascade ! » a interpelé à nouveau ERDF/ENEDIS, le 4 août 2016, et l’a informé des éléments du rapport de la mission d’inspection inter-ministérielle pointant l’inaction de cette entreprise face à la vente illégale d’électricité et aux « fraudes au CODOA ».
ENEDIS a répondu le 23 août 2016, par la voix de Hervé Simonnot, directeur territorial en jouant les Ponce-Pilate et se lavant les mains. L’entreprise refuse à nouveau de communiquer les chiffres de la production de l’entreprise pourtant définitivement stoppée. Elle prétend que ces informations sont « commercialement sensibles » et renvoie pour obtenir cette information vers EDF Obligation d’Achat..
Même vision pour EDF Obligation d’Achat, la « partie » d’EDF qui achète l’électricité d’origine renouvelable produite dans le cadre de « l’obligation d’achat » rémunérée avec les deniers des consommateurs. L’entreprise a été interpelée par « Ranimons la cascade ! » par courrier du 6 mai 2016.
Dans un message électronique en réponse du 23 mai 2015, sous la plume de Stéphanie Marty, chargée de mission, ERDF-ENEDIS répond : « Nous préparons ces relevés et les communiquerons dès que possible ».
Sans nouvelle réponse, EDF est relancé le 7 juillet 2016 et nous adresse cette fois-ci le 11 juillet 2016 une fin de non-recevoir en, s’appuyant également sur l’obligation de confidentialité ainsi que sur le trop commode « secret économique et commercial » qui, comme on l’a vu dans cette affaire est une aubaine pour le fraudeur et … pour l’acheteur.
Le 4 août 2016, « Ranimons la cascade ! » écrit à nouveau à EDF-OA avec de nouveaux arguments pour convaincre EDF de cesser de dissimuler les vrais chiffres de la production. Un nouveau refus d’EDF ne ferait que renforcer l’impression qu’EDF a « une part non négligeable de responsabilités dans cette affaire ».
Par un courrier du 16 septembre 2016, EDF par la voix de Yann le Mouel, ré-itère son refus au motif que le préfet n’a nullement notifié cette demande à EDF et au motif (toujours lui et quoi qu’en dise la CADA !) du secret économique et commercial.
(D’après un dessin de Garnotte)
L’ETHIQUE douteuse d’EDF
Au vu de cette attitude, « Ranimons la cascade ! » a également tenté de saisir à nouveau la commission Ethique et déontologie d’EDF (la première fois, en 2014, elle n’a reçu aucune réponse). Celle-ci a ouvert un dossier le 10 août 2016 sous le numéro 1217. La Charte éthique d’EDF engage en effet (parmi d’autres engagements) l’entreprise à « lutter contre la fraude ».
Pauline Sergent, « chargée d’affaire » à la commission a informé dans sa réponse qu’elle a transmis le dossier au « responsable Ethique et Conformité de la DOAAT et au délégué éthique d’ENEDIS ».
L’association lui a ensuite précisé qu’elle avait une première fois et sans succès saisi la commission Ethique le 15 septembre 2014 (par lettre avec accusé de réception) et lui explicite ses interrogations :
– y a-t-il eu vente illégale d’électricité après la concession qui s’est achevée le 31 décembre 2005 ? (au delà de prétendus droits fondés en titre…)
– Y a-t-il eu dépassement de la production d’électricité autorisée durant cette période et jusqu’à aujourd’hui ? (au delà des 114 dépassements pointés par les inspecteurs en 2014)
– Le tarif d’achat de l’électricité lié à l’obligation d’achat étant lié à un plan d’investissement dont 60% doit être réalisé dans les quatre premières années, que se passera-t-il si les travaux ne sont pas réalisés, ce qui semble devoir être le cas puisque l’autorisation ne sera pas donnée par le préfet ?
S’il y a eu vente illégale d’électricité, elle aura dans ce cas permis -et permet encore- de payer de bons avocats dans les nombreux recours menés par la Société Hydroélectrique de Salles-la-Source. D’où notre attention sur tous ces points.
Par mail du 23 septembre 2016, la commission Ethique se contente de répéter les propos de Yann le Mouel du 16 septembre sur l’incommunicabilité des chiffres de la production et se dispense de répondre aux autres questions. Elle dit avoir entendu toutes les parties (sauf « Ranimons la cascade ! ») et clôt le dossier.
Par courrier du 4 octobre 2016, « Ranimons la cascade ! » s’en est étonné et a notamment écrit à la commission « Ethique »:
« Apparemment répondre de ces fraudes avérées, financées avec de l’argent public semble moins grave à vos yeux que le fait de révéler publiquement les véritables chiffres de la production d’une entreprise dont les arrêtés préfectoraux de fermeture définitive sont désormais signés.
Au final, nous nous demandons si EDF n’a pas une part de responsabilité plus importante dans cette affaire que nous ne le pensions, ce qui la pousserait à refuser de manière obstinée de communiquer des relevés à statut de documents administratifs et à dissimuler des chiffres en se retranchant derrière la « confidentialité » et le « secret économique et commercial ».
EDF aurait-elle une conception de l' »éthique et de la déontologie » qui consisterait surtout à protéger ses décideurs plutôt que de faire sortir au grand jour les fraudes avérées dont elle aurait connaissance et d’en tirer toutes les conséquences ?
Votre réponse crée au sein de notre association un doute sérieux sur ce point ».
Qu’a donc EDF à se reprocher pour s’opposer si obstinément, et sous tous les prétextes, à la communication des relevés qui ne sont que des documents administratifs, comme la loi le lui impose ?
Si certains documents sont concernés par le secret commercial, il n’est que de biffer les éléments concernés. Du moins saurions nous si ces documents existent vraiment.
Et d’ailleurs quel secret commercial pour une entreprise qui s’est vue interdire de produire du fait de son incapacité à gérer sa demande d’autorisation et au vu de nombreuses fraudes constatées ?
Quand à ERDF devenu ENEDIS, le changement permet de se refaire une image à bon compte mais, comme vous l’écrivez, la morale change-t-elle ?
Le décret de 1980 a été pris pour répondre, non pas à une demande de la SHVSS pour être autorisée à exploiter, mais à une demande de la SHVSS pour régulariser, par voie de concession en vue d’exploiter, la situation administrative de ses installations.
Ne pas confondre « autorisation d’exploiter » et « régularisation de la situation administrative en vue d’exploiter », comme cela a été fait, aussi bien par la SHVSS que par l’administration, depuis le 28 août 1973, date de la demande formulée par la SHVSS.
Le décret de concession, en son article 1, approuve seulement, comme dans toute concession, une convention et un cahier des charges. Par la convention, la SHSS s’est engagée à se conformer aux conditions du cahier des charges.
Le problème est de savoir si la SHVSS a bien respecté ses engagements pour régulariser sa situation aussitôt que le décret du 17 mars 1980 lui a permis de le faire.
Il s’avère que, ni la SHVSS, ni l’administration, n’ont prouvé que cela a été fait depuis le 17 mars 1980. Ce qui signifie que la régularisation administrative de la centrale, victime du fiasco dénoncé par la mission interministérielle, n’a pas été effectuée. La micro-centrale a ainsi fonctionné sans autorisation, donc illégalement, situation admise par tous les responsables, y compris par EDF.
Dans le dossier de cette affaire, on peut trouver des pièces qui font état de la production d’énergie de la centrale sans qu’il soit fait état d’un quelconque « secret économique et commercial ». C’était avant les accusations formulées par RLC.