Un potentiel extraordinaire, un site exceptionnel
« Il vous faut prendre conscience du potentiel extraordinaire de ce site qui est exceptionnel » : c’était le message délivré par Jean Delmas, à l’issue de l’Assemblée générale de février 2011 de l’association « Ranimons la cascade ! » de Salles-la-Source.
Jean Delmas est ancien directeur des archives départementales de l’Aveyron et ancien directeur du Musée du Rouergue. Il a fait à cette occasion un exposé synthétique sur les principales richesses du site et de la commune de Salles-la-Source.
L’importance de l’eau a Salles-la-Source
En 1910, le cartulaire de Conques fait mention des « ondes ». Richard des Ondes était alors le propriétaire du château du Roc du Comte, la plus ancienne partie fortifiée du village autour de laquelle il s’est construit.
La famille des Ondes a porté dans ses armoiries l’idéogramme de la rivière.
Des moulins sont cités dans les textes anciens depuis 1259.
En 1937, les archives signalent plus de 7 moulins.
En 1424, on compte plus de 16 moulins. Le comte de Rodez n’avait pas appliqué le principe de la banalité, aussi n’y avait-il pas de limites.
Dans la matrice cadastrale de 1564, on parle de 13 moulins : à draps, à huile, un moulin à aiguiser, un martinet à poudre, où de marteaux venaient écraser le charbon de bois ou le salpêtre. C’était en effet le moment de la guerre civile entre royalistes de la ligue et calvinistes.
En 1733, Salles-la-source compte 23 moulins dont 16 pour l’agglomération !
Au début du XIXème siècle, on parle encore de 15 moulins.
Moulin de Gourjan, sur le Créneau (XIIème siècle)
Une particularite unique en Aveyron
Une particularité unique en Aveyron (et peut-être en France ?) était que tous les moulins étaient sur la même dérivation du ruisseau. sauf les moulins Droc en amont de la chaussée « Saleilles »
Une chaussée oblique (la « Chaussée Saleilles ») dirigeait l’eau vers un bief. L’eau traversait le village de chutes en chutes et était restituée en bas dans le Créneau.
La particularité de cette disposition en série était que tout travail de réparation sur un moulin obligeait à couper la vanne… mettant tout le monde au chômage.
L’eau est très calcaire : c’est elle qui d’ailleurs, à l’échelle géologique, a constitué les nappes de tuf « Saint Loup » et « Saint Paul ».
Le tuf de la même façon se déposait le long du canal de dérivation qui se rétrécissait puis s’obstruait. Il fallait alors tout arrêter et les meuniers, munis de leur pic, recreusaient chacun leur portion.
A noter que les riverains ont toujours disposé d’un droit sur l’eau pour arroser leurs cultures le dimanche.
L’eau est à l’origine de nombreux conflits. En 1770, M. Saleilles qui disposait du moulin, situé en bord de la route du haut du village, voulait créer une deuxième roue pour son moulin. La famille Solinhac, famille importante qui disposait de presque tous les moulins au Moyen Age, lui a fait un procès. Elle avait peur qu’un afflux d’eau n’emporte ses rodets. Un accord obligea Saleilles à fermer sa deuxième vanne.
Plus tard Saleilles ouvrira quand même sa deuxième vanne, provoquant des dégâts en dessous et la décision du juge de paix de 1810 l’obligera à « respecter la convention de 1779.
Les industriels contestent la décision du juge qui n’a pas à intervenir car « cela concerne l’administration » ! Cette administration va désormais intervenir et surtout lorsque se développera le grand projet industriel.
Ancien moulin Saleilles aujourd’hui démoli
Quand la volonte de progres social portait l’industrie
Ce projet est créé au début du XIXème siècle par des Saint-Simoniens : ce sont en quelque sorte, les socialistes de l’époque. Selon leur doctrine, le progrès social passe par le développement économique. Ces banquiers et élites éclairées veulent organiser le progrès.
Ainsi à Salles-la-Source, le général Jean-Joseph Tarayre achète le domaine de Billorgue : il a été conseiller de Bonaparte en Hollande et va essayer d’appliquer à Salles-la-Source les pratiques agricoles qu’il a vu là-bas.. Il y a aussi Carrère ou encore Cabrol, qui lui, s ‘intéresse au fer du Causse pour les industries métallurgiques de Decazeville.
A eux tous ils créent la société qui va ouvrir l’usine de salles-la-Source… au détriment des anciens moulins. En 1830, Tarayre veut répandre les idées de la révolution par la persuasion… et la Presse : ils créent une papèterie. Cette papèterie se veut la pointe des techniques, à rouleaux et « à papier en continu ». On peut encore trouver aux archives de rodez de nombreux documents administratifs dont le papier a été fabriqué à Salles-la-Source. Ils portent en filigrane une coquille avec l’inscription « Rodez » ou « J. Guillemin ».
Les industriels créent aussi aussi une minoterie ainsi qu’un moulin à huile « à la Hollandaise » pour valoriser les noix du Causse. Ces usine utilisent l’énergie de la chute d’eau et à de grandes roues verticales (alors que jusque là, seules les roues horizontales ou rodets étaient en usage). On en voit encore une trace sur le mur du musée, du côté de la cascade.
Louis Tarayre (fils de jean-Joseph) lâche et cède l’usine à son gendre Jules Guillemin qui la revendra en 1838 à Henry Carcenac, qui a déjà une filature au Monastère et a créé la première banque de Rodez : il va se retrouver propriétaire de l’ensemble. C’est également lui qui a fait construire l’Hospice (grand bâtiment en U qui est le long de la départementale) afin que son personnel puisse recevoir soins et abri pour leurs vieux jours.
Les temps changent
Mais la technique évolue et l’usine à papier est vite dépassée. La minoterie est un échec car les anciens moulins avaient su garer leur clientèle locale. Carcenac organise l’ensemble en filature. Le bâtiment actuel du Musée du Rouergue a été construit en 1840 par Étienne Boissonade, architecte départemental, qui a également réalisé la maison d’arrêt d’Espalion ou les palais de Justice de Rodez et Millau.
Entre temps, les descendants des industriels ont créent le barrage et l’usine hydroélectrique, dans les conditions que l’on sait… ce qui permit au départ d’améliorer l’alimentation de l’usine. Mais celle-ci après ses heures de gloire périclite et fermera finalement définitivement en 1959. Les bâtiments, propriété de l’usine hydroélectrique sont laissés à l’abandon, les toitures les ouvrants et quelques planchers sont délabrés ; des dépendances menacent de tomber en ruine.
Le Maire de l’époque cherchait les solutions pour sauver l’édifice, d’autres personnalités locales proposaient de l’abattre et de réaliser une grande place centrale pour y organiser les bals du 1er mai très renommés à l’époque comme d’ailleurs le feu d’artifice de la St Loup ( autour du 1er septembre)
Il contacte Marc Censi qui propose alors à Jean Delmas le site pour réaliser le grand musée départemental du Rouergue en recherche d’un lieu pour abriter ses collection. L’affaire est bouclée en moins de 24 heures : le magnifique bâtiment est sauvé et l’ancienne filature trouve une nouvelle vie. Les temps ont changé et l’industrie fait désormais place à la culture et au tourisme…
Musée du Rouergue (extérieur)
Le patrimoine exceptionnel de Salles-la-Source
Au final, la commune de Salles-la-Source dispose d’un patrimoine exceptionnel, tant naturel qu’historique. Sans pouvoir tout citer, rappelons :
- Les diverses cascades du village, sans oublier celle de la Roque,
- La grotte de Bouche-Rolland,
- Les mines de fer
- Les dolmens dont la commune serait la plus riche d’Europe,
- La grande draille Quercy-Aubrac qui traverse le Causse,
- La grande monastique de la Planque à Pont-les-Bains, rattachée à l’abbaye de Bonneval,
- Les thermes de Pont-les-bains; les églises et château,
- les caves de Saint-Laurent, qui comme les cascades sont liées aux effondrements des falaises et au tuf,
- le mobilier des églises dont les deux Christs romans de St Austremoine et de l’église Saint-Paul au bourg (il n’y en a que quatre en Aveyron…),
- enfin le musée du Rouergue, conservatoire de la mémoire départementale aveyronnaise.
Oui, il vous faut prendre conscience de cet extraordinaire capital et du potentiel de ce site exceptionnel !
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