Petit catalogue de la desinformation -en parole ou par omission- par l’administration

Cette page est une version complétée et actualisée au 8 décembre de l’article paru sur ce blog le 1 décembre 2010. Elle est la suite de la présentation de la situation dans la page « Salles-la-Source : cette cascade qu’on… assassèche ! »

Petit catalogue de la désinformation

(en paroles ou par omission) par l’Administration

Aujourd’hui, comme hier, la loi est continuellement bafouée à Salles-la-Source, tant par la Société hydroélectrique qui exploite l’eau du Créneau que par l’Administration qui la soutient inconditionnellement… Ce comportement est gravement préjudiciable à la fois pour le site, pour le développement local que sa mise en valeur, à commencer par celui de la cascade, pourrait permettre au bénéfice de toute la région.

Préjudiciable aussi, tout simplement, pour la démocratie !

Afin de préciser cette affirmation, nous avons relevé quelques points qui ressortent de l’actualité la plus récente du dossier.

 

1- LE FONCIER SERAIT MAÎTRISÉ : FAUX !

La présentation du dossier de demande de renouvellement d’autorisation d’exploiter la micro centrale hydroélectrique de Salles-la-Source suppose résolu un préalable absolument incontournable : la maîtrise du foncier.

C’est loin d’être le cas.

Citons le cas le plus flagrant des époux Mathieu, propriétaires du château des Ondes. La conduite forcée de la micro centrale traverse leur propriété sur quelque 150 mètres, soit plus du dixième de la trajectoire totale. Ils ont exigé la production par le concessionnaire d’un document attestant de son droit de passage. Il a fait répondre par son avocat, qui a sans doute réagi en toute bonne foi, que ce tronçon de la conduite forcée était apparent et que par conséquent devait s’appliquer les dispositions d’acquisition de servitude pour trente ans d’usage.  Or le tronçon en question est enterré, c’est un fait incontestable que chacun peut vérifier sur place. Par conséquent, ces dispositions trentenaires ne s’appliquent pas.

Le gérant de la micro centrale, M.GUIBERT, se contente de dire, en pièce n°12 du dossier qu’il a déposé,  que « le service instructeur détient tous les actes ». Ce n’est pas au service instructeur de prouver quoi que ce soit  mais bien à celui qui présente le dossier, et à lui seul,  de le faire.

Sommé une nouvelle fois de produire une autorisation, le gérant de la micro centrale s’est contenté de répondre qu’il existait à la Conservation des Hypothèques. Les recherches menées dans ce Service par un avocat sont restées vaines.

Les époux Mathieu ont sommé la Société concessionnaire de retirer la conduite forcée de leur propriété.

Pas d’autorisation non plus des propriétaires privés ou de la commune concernés par l’augmentation de servitude liée à un remplacement de la conduite forcée de 700 mm par une conduite de 900 mm.  Les travaux envisagés sont prévus sur des terrains privés ou des voies communales.

 

2- INATTAQUABLES, LES DROITS D’EAU : FAUX !

La Société concessionnaire de la micro centrale s’abrite derrière les droits d’eau qu’elle a acquis au début du siècle dernier. La réalité juridique de cette prétention reste complètement à élucider.

On observera à ce sujet qu’en date du 11 janvier 1946 le Conseil d’État avait rejeté un pourvoi de la Société Hydroélectrique estimant que : « l’eau de source perd son caractère dès qu’elle sort du lit d’origine et devient eau publique et courante… Les usines fondées en titre ont été détruites et remplacées par la conduite forcée… »

En d’autres termes, les juges avaient estimé que les droits d’eau des moulins et scieries remontant à la féodalité et rachetés par la Société hydroélectrique ne pouvaient être déplacés et additionnés pour créer la micro centrale.

On ne voit pas pourquoi des juges n’arriveraient pas aux mêmes conclusions aujourd’hui !

L’existence du décret de 1980 qui accorde la concession à la Société hydroélectrique ne prouve absolument rien à ce sujet. Sinon qu’il peut être suspecté d’être gravement entaché d’illégalité du fait qu’il faisait référence à des droits fondés en titre, au mépris de la décision du Conseil d’État mentionnée ci-dessus ! Mais on n’est pas à une entorse de la loi près dans l’histoire de cette micro centrale !

En tout état de cause, le public a le droit d’être informé sur les droits d’eau que M.Guibert prétend posséder mais qu’il se garde de préciser. Sur quels moulins qui tournaient en 1789 portent-ils ? Le gérant de la micro centrale ignore-t-il ce qu’il affirme, notamment sur les chiffres qu’il annonce ? Tout porte à croire qu’il refuse d’informer le public.

Comment l’Administration peut-elle prétendre instruire ce dossier alors qu’un point aussi important reste en suspens ?…

 

3 – LES 59,3 % DE L’ÉTAT : QUID ?

Le décret du 17 mars 1980 qui accorde à la Société hydroélectrique la concession de la chute de Salles-la-Source stipule, dans son article 2 : « Les terrains, immeubles, ouvrages et matériels utilisés indivisément pour l’aménagement de la production, tant de la puissance brute fondée en titre (530 kW), que de la puissance brute concédée (770 kW), seront considérés comme dépendances immobilières de la concession dans la proportion de 40,7 p. 100 pour la puissance brute (530 kW) fondée en titre et de 59,3 p. 100 pour la puissance brute concédée (770 kW), la part indivise de 59,3 p. 100 devant faire gratuitement retour à l’État en fin de concession. »

Depuis cinq ans, donc, que la concession est arrivée à terme, l’État est propriétaire de 59,3 pour cent des installations de la micro centrale. De cela, il n’est jamais question, dans aucun document. C’est absolument contraire à la transparence. Nous n’osons en tout état de cause pas imaginer que l’Administration s’apprête à faire cadeau, aux frais des contribuables, de la part de la micro centrale qui appartient à la collectivité publique.

Nous n’avons pas non plus entendu parler d’un quelconque loyer que paierait le concessionnaire à l’État depuis cinq ans alors même qu’il continue à turbiner l’eau du Créneau.

Mieux : le gérant, considérant que la concession n’est pas renouvelée, s’estime exonéré de la redevance de 15 000 euros qu’il doit à la commune de Salles-la-Source. Sa dette se monte à ce jour à 75 000 euros ; c’est autant que les contribuables de Salles-la-Source doivent sortir de leur poche.

L’Administration s’obstine néanmoins à faire preuve à l’égard du même concessionnaire d’une mansuétude sans limites. Elle a même toléré qu’il mette cinq ans à présenter une demande d’autorisation d’exploiter un minimum présentable… du moins à ses yeux. Car aux nôtres, on est à des années lumière de l’orthodoxie.

 

4 – SÉCURITÉ : NÉANT

Salles-la-Source est en zone karstique sensible, avec tous les risques liés aux aléas du sous-sol et à l’instabilité des falaises. Beaucoup des terrains situés au pied de ces falaises ont été classés assez récemment en zone rouge.

En 1928 , le barrage souterrain a été construit sans la moindre étude. On ignore totalement quelles sont les perturbations des circulations souterraines induites par cet ouvrage, les mises en charge de siphons qu’elles peuvent provoquer, les éventuelles fragilisations de la falaise qui peuvent en résulter.

Par ailleurs, les installations de la micro centrale sont vétustes. La rupture de la conduite forcée en 1971 a entraîné un geyser dont les villageois se souviennent encore.

Une rupture de la conduite dans sa traversée de la route départementale provoquerait un jet d’eau équivalent à la moitié de celui de Genève.

En dépit de ces risques bien réels, la question de la sécurité n’est qu’à peine effleurée dans le dossier.

Ajoutons à ce constat que le tracé de la conduite forcé a été établi en 1940. Il n’a pas été revu depuis la réfection de cette même conduite en 1972. De ce fait, la trajectoire est approximative sur plusieurs tronçons.

Quelles mesures sont prévues en cas de bris des installations ? Pour un contrôle systématique par des organismes indépendants ? En réparation d’éventuels dommages ?

Des contrôles ou audits sur tous ces points s’imposent.

 

5 – ENQUÊTE PUBLIQUE : MASCARADE

Les manipulations caractérisées sont déjà dans l’enquête publique. Le commissaire-enquêteur trouve moyen de classer à la rubrique des avis favorables sans réserve des lettres qui subordonnent l’attribution d’exploiter à de nombreuses réserves draconiennes, notamment en ce qui concerne le débit de la cascade.

De plus, dans son rapport, le même commissaire-enquêteur se déclare noir sur blanc incompétent en matière de débit alors que ce point est au cœur du dossier. La charte de déontologie des commissaires-enquêteurs stipule que le commissaire-enquêteur doit être compétent dans le domaine pour lequel il est pressenti, faute de quoi il doit se désister.

Cette ouverture d’une enquête publique sur une demande d’autorisation portait, non pas sur un renouvellement à l’identique, mais sur une usine plus puissante.

En fait, il s’est agi en fait d’un dosier qui sortait quelque peu de l’ordinaire et dont le commissaire-enquêteur n’a, semble-t-il, pas mesuré la complexité avant de s’engager auprès du Président du Tribunal Administratif pour la conduite de l’enquête.

Les citoyens, de plus en plus sensibles aux atteintes multiples du patrimoine naturel et du cadre de vie causées, en particulier, par l’essor des équipements industriels, aspirent à être informés afin de pouvoir s’exprimer et participer aux décisions qui les concernent. C’est à cet objectif que s’est efforcé de répondre le législateur à travers l’enquête publique.  Cette procédure vise à la fois à informer le public et à recueillir ses appréciations, suggestions et contre-propositions, afin de permettre à l’autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires pour prendre sa décision en connaissance de cause.

Or, à quoi assistons-nous dans ce dossier ?

De toutes les observations présentées en cours d’enquête (380 signatures ont été dénombrées par le commissaire-enquêteur), aucune n’est favorable sans réserve au projet tel qu’il a été présenté à l’enquête.

L’avis de M.Geniès Imbert (un homme d’affaires qui s’est porté caution pour le concessionnaire) a été donné hors enquête.

Quelques appréciations du commissaire-enquêteur dans ses conclusions ont attiré notre attention et mériteraient une réponse :

–    « Mais si l’intérêt général…doit primer sur l’intérêt privé, un compromis peut et doit être établi entre les deux parties : Commune et Société Hydroélectrique » ;

–    « Mais le Commissaire-enquêteur n’étant pas un spécialiste en la matière ne peut avancer des chiffres sur les différents débits souvent mis en cause, laissant le soin aux services spécialisés départementaux de les fixer, conformément au Code de l’environnement » ;

–    « Considérant que les débits réservés en amont de l’usine et le débit minimum à instaurer en aval de l’usine proposés par le pétitionnaire, doivent obtenir l’aval des services compétents en lien avec la municipalité » ;

–    « Considérant que le mémoire en réponse du pétitionnaire ne répond paspleinement à toutes les questions et préoccupations…. ».

Le public qui s’est manifesté aussi massivement attend maintenant de l’Administration une réponse à toutes ces questions.

 

6 – DIALOGUE : NIVEAU ZÉRO !

Comme il fallait bien, tout de même, avoir l’air de prendre en compte les observations des citoyens, incomparablement plus nombreux, qui étaient intervenus pour demander la préservation de la cascade et du site, le commissaire-enquêteur avait retenu une de leurs suggestions dans son rapport : la tenue d’une table ronde largement ouverte à toutes les parties prenantes. L’Association « Ranimons la cascade ! » a eu, le 28 septembre dernier, la surprise de recevoir de M. Guibert, le concessionnaire, un courrier invitant son président à une table ronde dans les locaux de la micro centrale le 1er octobre. Nous avons répondu, par retour du courrier, qu’étant tous des bénévoles à l’association, il ne nous était pas possible de répondre ainsi à une convocation unilatéralement décidée. Qu’en outre c’était aux Pouvoirs publics ou aux élus d’organiser cette table ronde élargie telle que nous la concevions.

On pourrait sourire d’un tel culot qu’on aurait pu croire inspiré par une bonne dose de naïveté.

Mais voici qu’aujourd’hui le Service « Eau et bio diversité » de la Direction départementale des territoires de l’Aveyron qui pilote le dossier considère que la table ronde préconisée par le commissaire-enquêteur a bien eu lieu et que c’est tant pis pour nous qui n’y avons pas participé.

Une fois de plus, nous dénonçons un coup monté indigne de l’Administration censée, au premier chef, faire respecter la démocratie à travers la loi.

Le commissaire-enquêteur s’est adressé à l’Administration et non à M.GUIBERT en remettant ses conclusions. Nous pensons que c’est à l’Administration qu’il appartient d’organiser la réunion de compromis entre les divers partenaires, sous l’autorité d’une personne indépendante et en un lieu qui ne soit pas propriété de la Société hydraulique, mais bien un lieu public. Nous considérons que la table ronde n’a pas encore eu lieu et que la réserve du commissaire-enquêteur n’a par été levée.

 

7 – LE CONSEIL GÉNÉRAL : OUBLIÉ

L’article R 214-75 du Code de l’environnement précise, s’agissant d’une demande d’autorisation pour une usine hydroélectrique :

« Dès l’ouverture de l’enquête (…) ; le préfet sollicite l’avis du conseil général, qui doit faire connaître cet avis dans un délai de deux mois à dater de la communication du dossier. Lorsque les ouvrages à autoriser sont situés, en partie ou en totalité, dans un site classé ou inscrit, un parc national (…), ou modifient un tel site, le préfet sursoit à statuer jusqu’à ce que l’autorité compétente se soit prononcée. »

Le conseil général n’ayant pas répondu dans un délai de deux mois est, en vertu de cette disposition, considéré comme favorable au projet… Voilà la manière expéditive dont l’Administration traite jusqu’à l’assemblée départementale. Il semblerait que le service des routes de celle-ci n’ait été interrogé que sur le passage de la conduite forcée sur une voie départementale et qu’à aucun moment elle n’ait été priée de s’exprimer sur le fond du dossier. En tout état de cause, plusieurs conseillers généraux, dont Anne Gaben-Toutant, conseillère générale du canton de Marcillac, Pierre-Marie Blanquet, vice-président de l’assemblée départementale, ou Bernard Burguière, président de la Commission tourisme    du Conseil général ont suffisamment dit publiquement leur très grande réserve, voire, en ce qui concerne Mme Gaben-Toutant, leur ferme opposition. Pour sa part, Jean-Claude Luche, président du Conseil Général, a écrit dans le dossier d’enquête publique : « Je soutiens ce dossier et reste très attentif quant à la possibilité du maintien d’un débit significatif de la chute de Salles la Source, qui est pour le département de l’Aveyron un site très touristique. »

 

8 – LA COMMISSION DES SITES : POUR LA FORME

« Lorsque les ouvrages à autoriser sont situés, en partie ou en totalité, dans un site classé ou inscrit, un parc national (…), ou modifient un tel site, le préfet sursoit à statuer jusqu’à ce que l’autorité compétente se soit prononcée. », dit aussi L’article R 214-75 du Code de l’environnement.

Que penser de la manière dont a été traitée la Commission départementale des sites réunie à la va vite au dernier moment à la demande de l’architecte des Bâtiments de France (il y a tout de même des hauts fonctionnaires dignes de respect) pour s’entendre dire qu’on ne lui demandait pas son avis. Au dire d’un vétéran de cette commission, il s’agit là d’une véritable première !

A quoi bon la promesse d’une nouvelle réunion de cette Commission des sites une fois que la décision aura été prise, sinon pour servir un peu plus de leurre à cette parodie de consultation digne de la Grèce des colonels ou des Pays de l’Est avant la chute du rideau de fer ?

Ajoutons que Madame la Préfète, au vu du sérieux de nos arguments, a donné l’assurance à notre maire et à notre conseillère générale que rien ne serait fait sans une étude approfondie de ce dossier, sans une concertation préalable et une table ronde organisée avant la tenue du CODERST (le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques). Qu’en est-il de cette promesse ?

 

IL NOUS RESTE LA PAROLE … ET LA JUSTICE

La liste pourrait encore être longue. Nous nous bornerons à ces éléments.

Nous ne nous faisons plus aucune illusion sur l’écho que nous pourrons trouver auprès de l’Administration dans le département de l’Aveyron.

Maintenant, il nous reste la parole ? Et la faculté, dont nous ne manquerons pas d’user, d’avoir recours à la Justice.

Pour voir couler la cascade de Salles-la-Source, il faudra sans doute patienter encore. A moins que le « quatrième pouvoir » et l’opinion publique…

 

 

2 Responses to Petit catalogue de la desinformation -en parole ou par omission- par l’administration

  1. […] « Petit catalogue de la désinformation – en parole ou par omission de l’Admi… […]

  2. […] Dès 2010, au vu de l’attitude inadmissible de l’Administration, « Ranimons la cascade ! » publiait le « Petit catalogue de la désinformation -en parole ou par omission- de l’Administration » […]

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