La valeur de la cascade n’est-elle que marchande ?
L’article ci-dessous de Marie Toussaint, juriste en droit international de l’environnement, cofondatrice de l’association Notre affaire à tous, à l’origine de la campagne l’Affaire du siècle et élue députée européenne, interroge la question de la valeur marchande des sites touristiques qui permettraient selon certains une régulation par le marché.
Cette réflexion nous rappelle la vision des inspecteurs généraux, venu des ministère, de l’Environnement et des Finances, pour étudier le statut et le devenir de la cascade de Salles-la-Source, comparant la valeur de l’eau de la cascade uniquement par sa valeur marchande, selon qu’elle soit turbinée ou valorisée en cascades pour le tourisme.
A contrario, Gabriel Droc, un des premiers défenseurs de la cascade posait aussi la question du droit de la cascade lorsqu’il écrivait, au nom du conseil Municipal, au ministre des travaux publics, le 4 octobre 1938 : « Nous n’aurions que l’embarras du choix, si nous voulions rappeler les citations qui ont fait dire à leurs auteurs que cette cascade classait notre village parmi les plus pittoresques de France. Elle a des droits comme tous les usagers. Elle a certes, par sa position en plein cours d’eau, le droit de couler qu’elle tient de sa propre définition. Qui est chargé de défendre ses droits ? Les propriétaires des fonds riverains ? Sans doute. Mais aussi monsieur le préfet, comme défenseur des beaux sites et paysages, ainsi que les sociétés de tourisme, les syndicats d’initiative etc.
Et c’est ainsi que si personne ne s’occupe des droits de la cascade, cette dernière perdra, ne serait-ce que par prescription trentenaire, le droit de couler ».
Aujourd’hui, divers juristes posent la question des droits de la nature. Récemment a été déposé au canada un texte portant sur les droits du fleuve Saint-Laurent… Alors, quel droit pour notre cascade ?
Marie Toussaint et les leçons de l’IPBES
« Selon l’IPBES, le « GIEC de la biodiversité », 74% des études actuelles visant à estimer la valeur de la #biodiversité reposent sur sa valeur marchande.
Par exemple, on calcule la « valeur » d’une rivière en fonction du nombre de poissons pêchés, de bateaux qui l’utilisent, ou de centrales nucléaires à refroidir.
C’est l’approche proposée cette semaine par la Commission, qui veut évaluer l’état des écosystèmes à partir, entre autres, des services qu’ils rendent aux entreprises, et à partir de là, évaluer les besoins de conservation…
Cela pose de nombreux problèmes.
Les calculs savants excluent de nombreux rôles joués par la nature : dans l’identité culturelle, la qualité de vie générale, pour les humains et tout le monde vivant, etc.
Surtout, elle ignore la valeur intrinsèque de la nature. L’idée, c’est de mettre en place des politiques de conservation uniquement là où la nature apporte des bénéfices économiques aux humains.
Derrière cette vision du monde, c’est le mythe du sacro-saint #marché. Plutôt que d’imposer des règles contraignantes pour que personne ne détruisent les écosystèmes, les dirigeants pensent que le marché peut réguler avec magie le rapport à la nature en mettant un prix sur tout.
L’IPBES lui-même alerte sur les limites de cette approche… Selon leur dernier rapport publié cette semaine, prendre des décisions politiques uniquement basées sur la valeur marchande donnée à la nature est non seulement inefficace, mais c’est aussi une des raisons de la crise actuelle de la biodiversité.
A l’inverse, reconnaître notre interdépendance avec le monde vivant permet à la fois de montrer que nous avons besoin de ces écosystèmes pour vivre, mais aussi que nous devons les protéger pour ce qu’ils sont en soi, et non pour les services qu’ils nous rendent.
Face à la marchandisation de la nature, nous proposons une autre approche : protéger une rivière non pas pour sa valeur marchande, mais parce qu’elle a le droit d’exister, de s’écouler, de ne pas être polluée…
Reconnaître la valeur intrinsèque de la nature, et ses droits. »
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