D’Amédée Vidal à Jean-Gérard Guibert, portraits de responsables de la société hydroélectrique de Salles-la-Source
(Mise à jour au 14 octobre 2020)
Vous trouverez ci-dessous quelques portraits au fil du temps de responsables de la Société Hydroélectrique de la Vallée de Salles-la-Source (SHVSS) depuis 1930 : Amédée Vidal, Georges-Pierre, René puis Jean-Gérard Guibert, Etienne Bastide…. Plusieurs d’entre eux ont eu des responsabilités importantes et nationales (direction de la gendarmerie nationale, Inspection Générale d’EDF…). Ces portraits pourront à l’avenir être complétés selon les informations que pourraient nous apporter nos lecteurs…
Ces puissants responsables auraient-ils pu, à un moment ou à un autre, inciter ou faire pression sur l’État pour accepter complaisamment de soutenir durant 85 ans une entreprise dans l’illégalité ? Pourquoi et comment ces réseaux d’influences demeurent-ils aujourd’hui ?
1) Amédée Vidal
Amédée et Marie-Louise Vidal
– Il est le fondateur de la Société Hydroélectrique de la Vallée de Salles-la-Source qui porte encore aujourd’hui son nom « SHVSS – Établissements Amédée Vidal »
– Il est né le 22 juin 1864 au Rozier (Gorges du Tarn – Lozère)
– Sénateur de l’Aveyron de 1921 à 1930, Conseiller général de Peyreleau de 1897 à 1940. Il sera un temps vice-président du Conseil Général de l’Aveyron.
– En 1892, il se marie 5 juillet 1892 avec Marie-Louise Gaffier, nièce du député Edouard Gaffier (qui fut aussi bâtonnier de Rodez et président du Conseil Général), elle est la fille de Rosalie Mazars et Zéphirin Gaffier, propriétaires de la filature et des anciens moulins de Salles-la-Source. Elle en héritera au décès de sa mère, en 1900.
– Licencié en droit, Amédée Vidal s’inscrit comme avocat au barreau de Rodez. Puis il s’installe comme industriel à la filature de Salles-la-Source où il fabrique du drap. Il gère également la propriété agricole qu’il possède à Saint Laurent d’Olt.
– En 1898, il crée un comité d’initiative pour la création d’une usine électrique destinée à éclairer les localités de Salles-la-Source, Pont-les-Bains, Cougousse et Marcillac ».
– En 1906, il crée la « première usine hydroélectrique de Salles-la-Source », en contrebas de la source.
– En tant que sénateur, il est inscrit au groupe de l’union républicaine. Il est membre de la commission d’administration générale, départementale et communale. Au nom de cette commission, il est rapporteur de nombreux projets tendant à modifier l’aire géographique de certaines communes. Ainsi portera-t-il un projet de loi tendant à diviser la commune de Saint-Just-en-Chevalet (Loire) en deux communes distinctes, de Saint-Just-en-Chevalet et de La Tuillière, un autre divisera la commune de Montoir-de-Bretagne (Loire-Inférieure) en Montoir – de – Bretagne et Saint-Malo-de-Guersao. Ou encore Boissezon (Tarn) qui sera divisé en Boissezon et à Noailhac… A côté de ces grandes actions législatives, il sera également en 1923 le rapporteur d’un projet de loi sur la modification et la stabilisation de l’heure légale en France.
– Amédée et Marie-Louise Vidal auront cinq enfants dont notamment Jean, Raymonde et Marie-Henriette. Les autres décéderont en bas âge ou pour l’aîné en 1914. La plus jeune, Marie-Henriette va se marier avec Georges Pierre Guibert en 1928 (voir plus bas). Voir l’arbre de sa descendance en ligne.
– Sous la responsabilité d’Amédée Vidal est construite en 1930, sans autorisation, l’usine électrique, le barrage souterrain et la conduite forcée. L’Administration ne s’oppose pas « au sénateur » : « C’était des gens puissants auxquels il ne fallait pas toucher ».
– Ce faisant, l’usine prive le village de son eau et de sa cascade et prive les moulins d’aval d’eau régulière, notamment en période d’étiage. De fait, six sur sept fermeront et le septième continuera en utilisant l’énergie électrique. L’usine suscite dès le début des polémiques « à propos des mutilations faites au paysage et à l’utilisation abusive d’eaux publiques et courantes dans un site d’une beauté exceptionnelle »
– Il décède le 21 juin 1950. Curieusement, certaines biographies en ligne, comme sur le site du Sénat, font remonter son décès à 1930…
Acte de naissance mentionnant le décès d’Amédée Vidal
2) Georges Pierre Guibert
Château de Vareilles appartenant à la famille Guibert
– Gendre du précédent : Localement, on le nomme selon la coutume, par son deuxième prénom : c’est « Pierre Guibert » ; dans la vie publique, on le nomme par le premier : c’est « Georges Guibert ».
– Il est né en 1904. Fils d’Augustin Guibert, avoué de Rodez, originaire de Moyrazès, Augustin Guibert sera membre de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l’Aveyron depuis 1893. Il le sera encore en 1917.
– Il se marie en 1928 avec Marie-Henriette Vidal, entrant ainsi dans la famille d’Amédée Vidal.
– Le 27 février 1931, lorsque sont déposés les statuts de la « SHVSS – Etablissements Amédée Vidal » devant notaire, il entre parmi les sept associés, au côté de des beaux-parents Vidal, de leurs trois enfants et de leur second gendre, Henri Gaffier, époux de Jacqueline Valière-Vialeix. Georges Pierre Guibert est alors avoué à Rodez ».
– Ancien élève de l’école Sainte Geneviève, puis de la faculté de droit et lettres, diplômé de l’école libre de sciences politiques il deviendra docteur en droit… Il est nommé comme juge de deuxième classe au Tribunal de Première instance Mauriac dans le Cantal, en 1941, puis juge d’instruction à Albi en 1942, à Avignon en 1944, substitut à Toulouse en 1945, substitut du procureur de la République du tribunal de première instance de la Seine en 1953...
– Georges -dit Pierre- et Marie-Henriette Guibert donnent naissance à deux fils, René Guibert (voir plus bas), le 11 septembre 1929 et Bernard Guibert, le 28 octobre 1930.
– En parallèle avec sa carrière de magistrat, Georges Pierre Guibert mène aussi une carrière d’industriel et participe dès les années 30 à la gérance de la SHVSS.
– En septembre 1954, le magistrat se voit nommé conseiller technique auprès du Ministre de l’Industrie et du commerce, une place commode pour l’industriel qui se bat bec et ongles pour ne pas avoir à déposer d’autorisation pour sa microcentrale de Salles-la-Source. L’entrefilet paru dans la Dépêche du 23 septembre 1954 dévoile également le regard admiratif porté par le correspondant local sur les dirigeants de l’usine à cette époque ;
– 31 août 1956 : Georges pierre Guibert, est nommé Directeur de la Gendarmerie et de la Justice Militaire. Il le sera jusqu’au 5 septembre 1958, c’est-à-dire durant les deux dernières année de la IVème République. Son nom est notamment souvent cité dans l’affaire de l’attentat du Bazooka contre le général Salan en Algérie dans lequel sera tué le chef de bataillon Rodier. Georges Guibert, directeur de la Justice militaire, est évoqué lorsqu’il explique à sa veuve pourquoi il n’y aura pas de procès Rodier qui mettrait en cause des personnalités en vue…
– En 1958, Georges Guibert, est désigné comme « officier de la défense nationale » et nommé secrétaire général de la Sud-Aviation.
– En 1962, il est signalé comme Contrôleur Général Honoraire du Ministère de l’Air.
– En 1966, il est signalé comme Directeur des Affaires Sociales du Service Juridique de Sud-Aviation
– En 1967, Sud-Aviation fusionne avec nord-Aviation et la SEREB et devient la SNIAS (Société nationale Industrielle Aérospatiale)
– Par décret du 22 décembre 1970, Georges Guibert reçoit la légion d’honneur le 1 janvier 1971
– En 1971, à 67 ans, il est encore signalé comme secrétaire Général de la SNIAS. [La SNIAS deviendra « Aérospatiale » en mars 1978.]
– 25 mai 1987 : décès dans les Hauts de Seine à 83 ans.
– 4 avril 1994 : décès de son épouse, Marie-Henriette Guibert-Vidal
3) René Guibert
– Fils du précédent né le 11 septembre 1929
– Il sera licencié en droit et « diplômé de l’Institut des études politiques ».
– En janvier 1960, mariage avec Françoise Ribière (née le 30 avril 1937)
– [en 1957 et 1958, est signalé un « René Guibert », chef de cabinet du préfet d’Alger (bottin administratif 1958 – page 157 N° 161) En 1958, il est aussi mentionné « chef de cabinet du préfet de Paris]
– 1962-1963 : Secrétaire général de deuxième classe de la Préfecture de l’Ariège
– 20 novembre 1961 : naissance de Jean-Gérard Guibert, à Foix
– 22 octobre 1962 : naissance de Laurent Guibert, à Foix
– 1963 : il est nommé sous-préfet de la Lozère
– 1965 : sous préfet de deuxième classe d’Apt
– 5 janvier 1966 : nommé sous-préfet de Corte
– 29 avril 1970 : décès de René Guibert à 41 ans. Ses deux fils, Jean-Gérard et Laurent ont 9 et 8 ans. Le grand-père aura, semble-t-il, un rôle important dans leur éducation et les recevra pendant les vacances au château familial de Vareilles (Comps la Grandville).
4) Jean-Gérard Guibert
Jean-Gérard Guibert (2010)
– Il naît en 1961. Il perd son père à 9 ans et est élevé par sa mère, François née Ribière. (et son grand-père Georges Guibert). Il vit à Puteaux dans les Hauts-de-seine (en 1999, rue Henri Sellier ; en juin 2006, rue Montaigne ; en 2008, avenue du général de Gaulle)
– Il a créé une auto-école située proche de son domicile (Wilson Auto-école). Elle a été radiée du registre du commerce en 1985. Puis l’entreprise est nommée « SARL contact » (sous la même enseigne « Auto-école Wilson ») et est radiée en 2001
– Le 1 juin 1984, il crée l’entreprise « Guibert Jean Gérard Laurent », immatriculée le 31 mai 1985, société en nom personnel de « conseil aux entreprises ».
– Il est aussi gérant de la société « Source Aveyronnaise d’Investissement » (SAI) qui mène une « activité de holding ».
– Vers 1997 : fin de l’indivision Vidal-Vialeix-Gaffier-Guibert. Jean-Gérard Guibert hérite avec son frère Laurent de la micro-centrale (chacun possède la moitié des parts mais Jean-Gérard Guibert gère. Aucun dividende n’est jamais redistribué puisque officiellement, l’entreprise ne rapporte rien) . A cette époque il rachèterait la part de Pierre Bastide, fils d’Étienne Bastide.
– En 2012, il serait aussi déclaré « juriste hydraulicien chez FED, SATP et SOVATRA, entreprises de travaux publics situées à Mandres les roses (94).
Emplacement de l’ancienne auto-école Guibert à Puteaux. Elle n’existe plus.
Entre temps, l’« avenue du président Wilson » est devenue « avenue du général de Gaulle »
5) Etienne Bastide
– Présent dès la création de la Société hydroélectrique de Salles-la-Source, Étienne Bastide, polytechnicien et ingénieur en électricité, entre dans le capital de la SHVSS qu’il va longtemps de fait diriger.
– Il est le fils de Pierre BASTIDE qui lui-même prit la suite de son père Étienne en 1904 à la quincaillerie Bastide, rue du bal à Rodez, et fut par la suite Président de la CCI de Rodez (il l’est en 1933 )
– Il est le frère de Henriette Bastide qui épousa Pierre BLANC dont elle eut six enfants dont Michel BLANC qui assurera la direction de la quincaillerie, Henri BLANC qui devint administrateur judiciaire et Jacques BLANC, médecin neuropsychiatre, élu conseiller général de la Canourgue de 1970 à 1988, député UMP de la Lozère en 1973 jusqu’à 2001 puis sénateur de la Lozère de 2001 jusqu’à 2011 et président de la Région Languedoc Roussillon de 1986 à 2004. Il a quatre enfants dont Jean-François Blanc, administrateur judiciaire qui intervient dans le redressement de la SHVSS en 2006-2008.
– Il sera lycéen à Rodez, puis au lycée saint-Louis à Paris, fit Polytechnique (1923) et SUPELEC, il est alors domicilié (étudiant) 5 rue d’Armagnac à Rodez
– Description physique : « Cheveux châtains – Front découvert – Nez rond – Yeux châtains – Visage ovale – Taille 162 »
– 15 septembre 1930 : mariage avec Marie-Thérèse Cabaniols
– En 1933, il publie, avec Ernest Brémond, un « essai de tarification de l’énergie électrique dans une distribution rurale ». En 1933 également, est analysé au congrès de Mulhouse du syndicat professionnel des producteurs et distributeurs d’énergie électrique, un rapport de Étienne Bastide et Ernest Brémond.
– Il contribue à créer plusieurs sociétés à Rodez dont la société hydroélectrique de l’Argence et la SHVSS dont il sera longtemps directeur. Il crée en 1933 « Lumière et Force » ou SOLFUR, (SOciété Lumière et Force Urbaine et Rurale), avec Ernest James et Adrien Druilhe. Il en fut PDG. Son siège est originellement situé à Rodez ; Elle a appartenu au groupe SOFILIA-SOLFUR, lui même appartenant au groupe Wendel. « La SOLFUR alimenta plusieurs régions aveyronnaise sous la direction d’Etienne Bastide ». Il crée aussi la compagnie du Bourbonnais et du Carmaussin.
– En 1945, il a un poste de direction à la Société Sorgue et Tarn à Saint-Affrique.
– Après la nationalisation de l’électricité en 1946, il dût revendre ses sociétés à EDF (sauf Salles-la-Source, trop petite pour être nationalisée)
– Il devint chef de subdivision électrique (chef de file puis chef de centre) à St Affrique (car le centre était alors à St Affrique). Puis le centre passe à Rodez vers 1962-1963.
– En 1947, il écrit un article dans le revue du Rouergue (N° 2 ) : « restriction et production d’électricité » : la France manque d’électricité. Plus tard il y écrit sur les barrages de l’Aveyron ( Nord Aveyron et Lévézou…)
– En 1948, on le voit quelques temps au Rotary club de Rodez (Club de chefs d’entreprise) qui vient de se fonder.
– Il est président du club de foot ruthénois en1952-1953.
– En 1954, dans la revue Femina, il se montre un fervent partisan de l’hydroélectricté qui va remplacer le charbon en s’appuyant sur les neuf usines que possède l’Aveyron qui produisent 1 500 MW,
– Il a été président de la Chambre de Commerce de Rodez (cité en 1953 et 1954…), président honoraire en 1967.
– En 1958, il est présenté comme « directeur général d’EDF »
– En 1967, il est inspecteur général à EDF et rapporteur général du comité d’expansion économique de l’Aveyron. [En 1967, « en présence de Paul Ehrmanm, secrétaire général de l’EDF, Etienne Bastide, inspecteur général,et les autorités régionales universitaires et le préfet de l’Aveyron ont inauguré le vendredi 2 juin l’école des métiers de l’électricité de France de Saint-Affrique » (revue générale du froid – vol 58)]
– Il fut également maire adjoint de Rodez de 1939 à 1945, conseiller général de Bozouls de 1967 à 1979 et maire de Rodelle de 1971 à 1989 (il gère aussi une propriété agricole à la Goudalie)
– En 1969 : « Une fois par an le conseil général entend le long rapport d’Étienne Bastide sur les actions du comité de Liaison et de Productivité et sur la situation économique de l’Aveyron en général
– Vers 1969, il prend sa retraite et devient « inspecteur général honoraire EDF »
– Pendant un temps, il a présidé le syndicat d’électrification rural de l’Aveyron, le SIEDA.
– Toujours gérant de la SHVSS, il vit 3b rue Louis Lacombe à Rodez. En 1972 il signe un accord avec la mairie de Salles-la-Source, puis signe en 1982 et 1984 deux avenants à cet accord. Il suit de près la mise en place de la concession dont le décret sera signé en 1980.
Jacques Blanc, neveu d’Étienne Bastide
et président de la région Languedoc-Roussillon jusqu’à 2004
Quatre-vingt cinq ans après sa création, et toujours dans l’inégalité, la Société Hydroélectrique de Salles-la-Source continue à turbiner malgré d’innombrables irrégularités et de multiples fraudes avérées à tous les niveaux. L’Histoire peut-elle éclairer le passé ? Quel réseau peut bien encore aujourd’hui inciter l’Etat à cautionner de telles pratiques et soutenir ses actuels responsables ?
Autre portrait de Amédée Vidal, fondateur de la Société Hydroélectrique
Plusieurs se rappellent à Salles-la-Source que Pierre Guibert, quand il était avocat général à Toulouse à la fin de la guerre avait senti le vent tourner et s’était « racheté une conduite » par des jugements très sévères avec les anciens collabos. On le surnommait à l’époque « Guibert aux mains rouges ». Ce ralliement à De Gaulle, même tardif, lui valut plus tard une belle promotion. Il semble qu’après son épisode à la direction de la gendarmerie nationale, certains aient voulu l’écarter du pouvoir où il aurait bien pris un quelconque Ministère et que son poste à l’aérospatiale n’ait été qu’une voie de garage honorifique…
Nous avons collecté de nombreux témoignages allant dans ce sens. Mais il nous faudrait retrouver des documents d’archives ou autres qui l’attestent.
[…] et une partialité évidentes de la part de la commission préfectorale, où curieusement siège Etienne Bastide, directeur de la société, qui est donc là juge et partie ! On sent d’ailleurs dans […]
[…] Les notables aveyronnais à la tête de la SHVSS (Société Hydroélectrique de Salles-la-Source) de 1930 aux années 1980 ont déjà été évoquées dans un article (D’Amédée Vidal à Jean-Gérard Guibert, portraits de responsables de la société hydroélectriq…). […]