Nous vous prions respectueusement, monsieur le Préfet, de bien vouloir ramener le sieur Vidal Amédée au respect de nos droits

L’Histoire semble bégayer à Salles-la-Source. Depuis 1933, les habitants tentent, face à une société hydroélectrique qui les bafoue, de faire reconnaître leurs droits sur le ruisseau et sur la cascade. Ils s’opposent pour cela à un Etat qui semble ici fonctionner plutôt selon les principes de la « République du Copinage » que ceux du Droit…

Les deux courriers présentés ci-dessous nous ramènent à cette époque, où dès la construction en toute illégalité de l’usine, les protestations commencent.  Et l’Etat tergiverse, fait semblant d’entendre mais minimise les critiques, utilise les éléments de droit qui l’arrangent…  et n’agit pas.

De ce long  combat, naîtra l’Association pour la Défense du Site de Salles-la-Source qui mena la lutte âprement après guerre notamment jusqu’à la signature de la concession en 1980. C’est désormais « Ranimons la cascade ! » qui a repris le flambeau en 2010.

Mais 80 ans plus tard, les choses ont-elles vraiment changé ? Il semble que non. L’Administration retombe allègrement dans les ornières du passé, se refuse à reconnaître ses erreurs et ne supporte pas la contestation. Notre association est toutefois absolument déterminée à mettre fin définitivement aux dégâts causés sur le site par une entreprise qui le défigure…

Mais revenons en 1933…

Dans ces courriers, est notamment évoqué le « lavoir centenaire », situé dans le haut du village, proche du Créneau, et qui avait été détruit en une nuit au moment des travaux de construction de l’installation.

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Le célèbre quatrain d’Adrien Couffignal, affiché près de la cascade, est resté dans la mémoire collective…

Le 1 décembre 1933, Cyprien Ferrand et Adrien Couffignal, habitants de Salles-la-Source et riverains du Créneau, s’adressaient en ces termes au préfet de l’Aveyron, à propose des dommages subis par « le sieur Vidal. Il s’agit d’Amédée Vidal, sénateur et…dirigeant de la toute nouvelle Société Hydroélectrique de la Vallée de Salles-la-Source (encore appelée de nos jours « SHVSS -Etablissement Amédée Vidal »).

« Monsieur le Préfet,

Nous soussignés Cyprien Ferrand et Adrien Couffignal, demeurant à Salles-la-Source, protestons contre le sieur vidal Amédée qui, en établissant un lavoir dans le ruisseau de Salles-la-Source, a complétement asséché ce dernier sur un parcours de 25 mètres, nous privant sur le dit parcours de nos droits de riveraineté.

La loi donnant à tout propriétaire riverain la faculté d’utiliser les eaux du ruisseau sur toute la longueur qui borde sa propriété, nous nous trouvons de ce fait, lésés dans nos droits.

Le sieur Vidal, n’ayant fait aucune enquête de commodo et incommodo, l’autorisation que lui a octroyé le Conseil Municipal, ne devrait-elle pas, du fait de cette carence, être frappée d’annulation ?

Si vous en jugez ainsi, nous vous prions respectueusement, monsieur le Préfet, de bien vouloir ramener le sieur Vidal Amédée au respect de nos droits en l’obligeant à remettre le ruisseau dans son état primitif.

Confiant en votre haute intervention, nous vous prions d’agréer, monsieur le Préfet, avec nos remerciements, l’assurance de nos sentiments les plus respectueux.

                                                    Signés : COUFFIGNAL, FERRAND Adrien »

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Persévérants dans la lutte, et conforté par une décision ministérielle de 1939 qui reconnaît enfin l’illégalité de l’installation hydroélectrique, les mêmes Cyprien Ferrand et Adrien Couffignal écrivent à nouveau au préfet pour tenter une nouvelle fois de faire reconnaître leurs droits. Cette fois-ci, ils accompagnent leur courrier d’une pétition signée par 180 habitants du village…

« Monsieur le Préfet,

Par une pétition du 1er décembre 1933, nous vous avons signalé que les travaux exécutés par le sieur Vidal sur le ruisseau de la source, à Salles-la-Source, avaient nécessité la démolition d’un lavoir communal plusieurs fois centenaire et avaient eu pour effet d’assécher complètement le lit du ruisseau, sauf en temps de crue.

Cette pétition portait donc sur deux ordres de réclamation :

1° – Abandon de propriété communale sans enquête préalable,

2° – Privation de nos droits, comme riverains, à l’usage de l’eau.

Vous avez bien voulu répondre à cette lettre de réclamation par lettre du 23 décembre 1933. Sur le premier point, vous nous avez fait remarquer que les travaux concernant le lavoir avaient fait l’objet d’une délibération du Conseil Municipal en date du 6 mars 1932, mais vous ne nous avez donné aucune justification au sujet de l’enquête préalable à toute cession communale.

Sur le deuxième point, vous nous avez purement et simplement renvoyé devant l’autorité judiciaire.

Or monsieur le Ministre des Travaux Publics, par une décision du 3 mai 1939, vient de frapper d’illégalité tous les travaux exécutés sans autorisation par le sieur Vidal. Cette décision renforce donc notre thèse au sujet du lavoir.

En ce qui concerne le deuxième point, nous croyons devoir faire observer que si les tribunaux judiciaires sont compétents pour faire réparer le préjudice porté jusqu’à ce jour, ils ne le sont pas pour la faire cesser. Il appartient en effet à l’autorité administrative d’émettre des règlements d’eau, conformément à la loi du 16 octobre 1919 et non à l’autorité judiciaire.

En résumé, nous vous demandons de bien vouloir, à la lumière de la décision ministérielle du 3 mai 1939, reconsidérer notre pétition du 3 décembre 1933, à laquelle il convient d’ailleurs de joindre une autre pétition sur le même objet et signée de cent quatre-vingt protestataires.

Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’hommage de notre profond respect. »

                                           FERRAND       A. COUFFIGNAL

 

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