Un enjeu de morale publique et de démocratie

Intervention de Bernard Gauvain, président de « Ranimons la cascade ! », lors du rassemblement de Rodez, à l’issue de la marche des indignés de la cascade, de Salles-la-Source à Rodez :

 

« Merci à tous qui nous avez rejoints pour cette « marche des indignés de la cascade » de Salles-la-Source à Rodez, ce 18 juin 2011.

Le 18 juin, c’est le premier anniversaire de la constitution de notre collectif devenu association.

Il y a un an, nous avons décidé collectivement que le bon sens et la loi devaient enfin régner à Salles-la-source, que notre patrimoine ne serait pas une nouvelle fois bradé et que le passé ne se reproduirait pas.

Salles-la-Source, est la seule commune a avoir gardé son nom révolutionnaire. Salles-Comtaux était la demeure des Comtes de Rodez. Elle leur doit ses châteaux et ses églises qui font une partie de sa beauté. Mais cette commune n’a pas accepté que certains puisent piller inconsidérément, un bien précieux, l’eau, qui appartient à tous. Pour cela Salles-Comtaux est devenu Salles-la-Source. Sachons nous en souvenir !

Il y a un an, nous nous retrouvions donc avec une centaine de personnes pour découvrir, à notre grande stupeur, le dossier d’enquête publique concernant la nouvelle autorisation qui serait donnée à la petite usine hydroélectrique de Salles-la-Source :

On nous proposait tout bonnement de doubler la conduite forcée qui prélève l’eau de manière souterraine, dans une grotte du Causse comtal et de ne laisser aux habitants et touristes que le strict minimum imposé par la loi !

Oublié le site touristique et inscrit au Patrimoine,

Oublié l’environnement, les milieux humides protégés, les deux ruisseaux et les nombreuses cascades, pour la plupart définitivement asséchées par l’usine électrique,

Oubliées le ruisseau en aval, la gestion de l’eau par éclusées les variations de débit à tout moment sur le Créneau, avec toutes les conséquences sur la pisciculture,

Oublié que construite illégalement en 1930, cette usine n’a cessé de susciter la colère de ses habitants et que 50 ans de lutte ont été nécessaires pour obtenir une régulation partielle de la situation ;

Oublié que nous avons changé d’époque et que notre regard sur ce site et nos mentalités ont changé.

Oublié le développement touristique de la commune et de la région,

Oublié les innombrables procès qu’ont tous perdu soit le propriétaire, soit l’administration qui l’a toujours soutenu au-delà du raisonnable.

Oublié le comportement inacceptable de l’héritier, M. JG Guibert qui depuis 1998, ne respecte rien et prélève de plus en plus d’eau au point que la cascade s’est retrouvée de plus en plus souvent asséchée.

Oublié que tenu par son contrat de concession de faire une demande de renouvellement s’il veut pouvoir continuer à turbiner après 2005, celui-ci n’a rien fait et que la concession aurait donc dû logiquement, comme le prévoit la loi, s’arrêter le 31 décembre 2005. 

Si l’administration est parfois amnésique, les habitants de Salles-la-Source et tous ceux qui aiment ce site et ces cascades eux n’ont rien oublié.

Le 18 juin 2010, nous nous sommes mis en marche,

Depuis un an,

Nous nous sommes approprié le dossier

Nous avons protesté, pétitionné et argumenté, bâti d’innombrables dossiers, en nous appuyant sur des textes de loi pourtant clairs,

Nous avons manifesté, à de multiples de reprises, et mobilisé la presse et les élus,

Nous avons élargi nos soutiens alertés par de nombreuses personnalités qui nous ont dit que l’enjeu de ce dossier dépassait de loin Salles-la-Source,

Nous avons utilisé la pédagogie, l’humour, la persuasion,

Nous avons été transparents, et fait connaître à tous, nos arguments afin que nul n’ignore,

Nous avons pointé du doigt de nombreuses erreurs, lacunes, contradictions, de nombreuses omissions, et de nombreux obstacles juridiques…

Le commissaire enquêteur nous a ainsi cordialement reçu, nous a dit tout l’intérêt de ces remarques et nous a engagé à les rédiger et à lui remettre. Il ne faisait pas de doute qu’avec pareille unanimité contre le projet, il ne pourrait pas passer. Mais le commissaire a néanmoins donné un « avis favorable » !

Dès lors, depuis un an tout s’est déroulé comme si quoi qu’il arrive et quoi qu’on dise, l’exploitation hydroélectrique, pourtant de très faible importance, devait à tout prix être autorisée et qu’aucun argument ne trouvait grâce aux yeux de l’administration…

Cette haute administration a refusé notre participation dans toutes les commissions, qui à défaut d’être démocratiques, auraient pu éclairer la préfète quand à sa décision ;

C’est facile d’obtenir un vote favorable lorsque l’administration a 1/3 des voix, a nommé un certain nombre de membre de la commission et que ceux qui connaissent bien le dossier sont exclus de la salle !

Je ne vous refais pas toute l’histoire du dossier car deux heures ne suffiraient pas et nous avons largement communiqué dans la presse et tout est en ligne sur notre site Internet, à la vue de tous.

Nous avons donné tout notre temps depuis un an, nos jours et nos nuits, pour tenter de nous faire entendre.

Nous habitants n’avons pas été attendus, ni vous qui nous soutenez nombreux de Rodez, du Vallon et même de divers coins du département et de tous ceux qui nous suivent un peu partout en France… 

Pourquoi, Madame la préfète, refusez de nous recevoir depuis un an ?

Pourquoi cette parodie de démocratie qui déconsidère l’État et tous ceux qui y font honnêtement leur boulot ?

Pourquoi une telle opacité sur ce dossier ?

Et je dis ce qui va suivre en pesant bien tous mes mots :

Pourquoi tant de mensonges ? Pourquoi une telle manipulation des faits ?

Pour quels intérêts puissants ?

Pourquoi cette absence de concertation ?

Pourquoi cette autorisation d’exploiter, incompréhensible, par « délais glissant » depuis 6 ans et demi dans des conditions que personne ne connaît, ni ne contrôle ?

Pourquoi cette priorité absolue pour un chef d’entreprise, de la région parisienne, au comportement indigne et hautain, qui fait des procès… et les perd et se retrouve en redressement judiciaire, ne paye pas ses factures, ne paye aucune redevance à la commune et ne respecte pas ses contrats ?

Pourquoi une telle débauche de moyens mis par l’administration au service d’une entreprise privée ?

Non, développer les les énergies propres ne veut pas dire qu’on peut désormais tout détruire surtout quand on le justifie par des moyens qui ne le sont pas.

Pour toutes ces raisons, nous sommes indignés.

En ce 18 juin, en effet, comment ne pas pensez au « indignez-vous » de Stéphane Hessel et des anciens grands résistants qui nous disent : ce n’est pas tant de commémorer un glorieux passé que nous avons besoin aujourd’hui, mais de nous indigner contre tous les pouvoirs injustes et contre toutes entorses à la démocratie. Ceci vaut d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée. 

Et vous élus de plusieurs bords et sensibilités qui nous savez soutenu et nous soutenez aujourd’hui,

N’avez-vous pas l’impression que l’administration vous ignore également ?

Que votre parole n’est pas non plus entendue.

Nous en appelons une nouvelle fois à vous pour qu’enfin la raison et le droit reviennent et que cet absurde projet soit enfin arrêté.

Vous l’avez compris : plus qu’un enjeu de patrimoine : et il est énorme !

Plus qu’un enjeu d’environnement : et il est considérable !

Plus qu’un enjeu de développement local : et il est fondamental !

C’est bien un enjeu de morale publique et de démocratie pour lequel nous sommes mobilisés aujourd’hui pour la cascade – les cascades !- de Salles-la-Source !

Merci à tous ! »

Bernard Gauvain
Préfecture de Rodez
18 juin 2011

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