« Reviscolem la cascada ! » : un article dans « Gardarem lo larzac »

Le journal trimestriel « Gardarem Lo Larzac » vient de publier dans son numéro du premier trimestre 21014, un article sur la lutte  menée depuis plus de trois ans et demi par « Ranimons la cascade ! ». Nos amis du sud-Aveyron,  les paysans du Larzac, qui nous ont dès le départ apporté leur soutien, donnent ainsi un nouveau coup de projecteur sur notre combat.

L’article est sous-titré : « mobilisé pour défendre son site, le village découvre fraudes et mensonges d’état ». Il est un bon résumé pour ceux qui découvrent notre lutte :

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Salles-la-Source : « Reviscolem la cascada* ! »

Mobilisé pour défende son site, le village découvre fraudes et mensonges d’État

C’est avec un étonnement émerveillé que le visiteur découvre pour la première fois le site de Salles-la-Source au détour d’un virage, sur la route de Conques, à une quinzaine de kilomètres de Rodez. Il s’étage, avec le village du même nom, sur trois terrasses au flanc du Causse Comtal. Sa richesse géologique est rehaussée par des églises, des châteaux du Moyen Âge.

De la falaise du causse-ci jaillissent – ou plutôt jaillissaient – plusieurs cascades, entre les maisons. « C’est un des plus beaux sites de France ! », s’était écrié, en le découvrant, le géographe Elisée Reclus.

Dans les années 1930, un industriel local a détourné l’eau des ruisseaux et cascades pour installer – en toute illégalité – une conduite forcée et une micro-centrale hydroélectrique apportant la manne de quelques kilowatts à son entreprise mais faisant perdre au village ce qui faisait sa fierté. Une association s’était alors mobilisée pour tenter de faire revenir l’usine dans la légalité et rendre au site son éclat.

Durant cinquante ans, un combat juridique s’était instauré contre l’État. L’Administration faisait  preuve dans cette affaire de la plus totale collusion avec l’entreprise, s’opposant par tous les moyens aux citoyens qui réclamaient leurs droits.  L’affaire s’était enfin conclue en 1980 par un compromis : un décret de concession pour 25 ans… et un débit minimum pour la cascade, hélas, dans les faits, trop rarement respecté.

Mais une fois la concession achevée, le 31 décembre 2005, l’usine électrique qui devait revenir à l’État a continué à turbiner et à faire des affaires, la préfecture à fermer les yeux…et les citoyens et élus locaux à être ignorés.

En juin 2010, à la surprise générale, une enquête publique est ouverte. Le projet validé par la Police de l’eau doit permettre à l’entreprise non seulement de continuer à exploiter, mais de doubler la capacité de la conduite forcée… sans tenir compte ni des intérêts touristiques de la commune, ni a fortiori de la volonté de ses habitants !

De mois en mois, la Préfecture recule

Un collectif se crée qui deviendra rapidement association : « Ranimons la cascade ! ». Il appelle à la mobilisation générale. Sans peine, car la frustration est grande de voir sans cesse la célèbre source tarie, d’autant plus que le gérant qui vit en région parisienne multiplie des recours en justice contre tous et montre peu d’intérêt pour le village. Le registre d’enquête fait le constat d’une opposition unanime au projet. Les arguments sont nombreux et pointent de très nombreuses entorses juridiques aux lois sur l’eau. Le commissaire enquêteur donne malgré tout un avis favorable. Et très vite, on nous annonce que le dossier ne pose pas de problème et sera réglé en quelques mois.

Trois ans et demi plus tard, il ne l’est toujours pas. C’était sans compter en effet sur la jeune association qui mobilise à en perdre le souffle. Elle agglomère rapidement des compétences en ingénierie, hydraulique, droit administratif, journalisme… et s’initie au fonctionnement de l’Administration, grâce à l’aide précieuse d’anciens hauts fonctionnaires, indignés du comportement de la Préfecture sur ce dossier: « En 40 ans de la carrière à la DDE, dira l’un d’eux, je n’ai jamais vu un dossier traité de la sorte ! ».

« Ranimons la cascade ! » est présente sur tous les fronts et ne manque pas de créativité : manifestations, marches, médias, théâtre et humour… De mois en mois, elle parvient à faire reculer une préfecture pourtant sûre d’elle-même. Des élus de tout l’échiquier politique nous rejoignent, ainsi que des personnalités scientifiques ou du monde artistique. Près de 300 articles de presse ont déjà paru, localement essentiellement, mais également sur quelques médias à audience nationale (reportage sur TF 1).  Un site Internet bien fréquenté, une messagerie  qui ne chôme pas permettent d’entretenir le feu sacré chez les 220 adhérents et les nombreux sympathisants.

Un bras de fer s’engage alors dans la durée. Étudiant le dossier, l’association découvre, avec un effarement grandissant, des fraudes de plus en plus importantes, des mensonges au plus haut niveau, des irrégularités sans fin, des jeux d’argent moins que clairs et conteste des passe-droits qu’on croirait d’une autre époque. Travaillant sur les bilans de la société à l’aide d’un ancien cadre de banque, elle met au jour des fraudes ahurissantes… et sans se lasser, les dénonce face à une Administration étrangement silencieuse et comme prise, par esprit de corps et par obéissance, dans une sorte de « spirale du mensonge ».

Faire advenir la démocratie

Utilisant notre droit à la communication de l’information, nous interpellons infatigablement l’Administration qui promet sans fin des réponses…qui ne viennent jamais. Nous avons saisis par cinq fois la CADA qui nous donne quasiment toujours raison. Mais deux recours devant les Tribunaux administratifs doivent être lancés par notre avocat pour obtenir les documents que l’on nous refuse. L’État est une première fois condamné en septembre 2013 mais refuse toujours de nous fournir les documents demandés… Deux autre recours sont également engagés qui attaquent le fond du dossier.

Dans le même temps l’exploitant est condamné deux autres  fois pour refus de payer sa redevance municipale et  pour défaut de servitude de passage sur une parcelle. Mais il multiplie les procédures en appel qui lui font gagner du temps et semble bénéficier de soutiens en haut lieu.

Patiemment, l’association alerte l’opinion en multipliant les soirées de réflexion et d’animation. Dernièrement la veuve du juge Borrel, dont l’assassinat à Djibouti a longtemps été maquillé en suicide,  est venue éclairer l’association sur les méandres de la « raison d’État » et l’importance de tels combats locaux pour faire advenir la démocratie.

« Mais pourquoi vous opposez-vous aux énergies douces ? » nous dit-on parfois. Nous en sommes de fait pour la plupart  de chauds partisans. Mais nous découvrons aussi que les énergies dites « propres » peuvent parfois devenir le prétexte à un saccage du patrimoine, à une course au profit,  ou encore à des pratiques peu scrupuleuses.

Le combat est donc aujourd’hui dans sa phase judiciaire. Celle-ci peut en effet durer encore plusieurs années. L’association poursuit la mobilisation afin de collecter de l’argent pour les procès et continue à dénoncer la fraude. Avec persévérance et détermination. Des qualités, semble-t-il, nécessaires pour faire sortir au grand jour les affaires…

Bernard Gauvain, Président de « Ranimons la cascade ! »

* En occitan : « ranimons la cascade ! »


 

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