Questions-réponses au sujet de l’usine électrique de Salles-la-Source

(Article mis à jour le 29 mai 2016)

Dans un article précédent, « Ranimons la cascade ! » a résumé ses positions vis-à-vis du choix, décisif pour le territoire et les générations futures, qu’auront à faire prochainement les élus entre :

– une remise en service de l’installation par une collectivité locale ou un nouvel exploitant privé, en « conciliant développement du tourisme et production d’hydroélectricité »,

– ou bien la remise en état et la valorisation du site de Salles-la-Source en lui rendant ses cascades et son éclat.

À partir des questions qui nous sont le plus souvent posées, cet article complémentaire vise à éclairer avec précision la compréhension du dossier. Nous sommes bien conscients qu’il exige un minimum de temps et d’efforts pour comprendre la complexité des différents points à prendre en compte avant de se prononcer. Mais il paraît difficile de décider de manière éclairée si l’on a pas fait la démarche de bien connaître l’ensemble des installations, des ruisseaux et des cascades de Salles-la-Source, sans avoir appris à distinguer les kW et les kWh, les litres/seconde et les m3/h, sans entrer un minimum dans le droit civil et le droit administratif, le code de l’environnement et celui de l’énergie, sans connaître les tarifs de vente de l’électricité, savoir ce qu’est un CODOA, ni s’en référer à un minimum de notions de comptabilité et de gestion d’entreprise.

Sans prétendre faire un tour complet de la question – un dossier de 300 pages n’y suffirait pas – ce document a pour ambition d’aider à une prise de décision fondée et à éclairer les personnes intéressées ou concernées par cette décision. Pour la commodité de notre explication donc, nous procédons par un jeu de questions-réponses (les questions étant celles-là même qui nous sont constamment posées).

Que pensez-vous du rapport, remis au terme de leur mission, par les inspecteurs du ministère de l’environnement et de l’Économie et des Finances ?

Ce rapport nous inspire déjà une grande satisfaction puisque les compétences et le travail de notre association y sont reconnus. Il y est dit textuellement que « Ranimons la cascade ! » « au terme d’un travail acharné de compilation de sources a mis en évidence certaines incohérences du dossier et surtout réussi à alerter l’opinion », ce qui revient aussi à reconnaître le poids de l’opinion publique dans les décisions qui vont être prises. Le même rapport souligne que « C’est incontestablement à son obstination que l’on devra la remise à plat d’un dossier mal parti dès l’origine ». Par ailleurs, la mission interministérielle remet les clés du futur dans les mains des habitants et c’est un grand pas en avant, à condition de se saisir de l’opportunité.

En même temps, ce rapport suscite une grande déception de notre part. Bon nombre d’observations ou d’objections que nous avions émises n’ont pas été prises en compte. Elles auraient mis à mal l’hypothèse, que les inspecteurs ont privilégiée dès le début de leur mission, d’une poursuite de l’exploitation sous une autre forme par une collectivité.

À nous maintenant de porter dans le débat ces éléments essentiels qui ont été passés sous silence. Nous n’avons pas d’autre objectif que l’intérêt général. Notre compétence, notre légitimité pour nous exprimer sont celles-là même que nous a reconnues la mission. Elles sont le fruit de six années d’un travail acharné, approfondi tous azimuts. Nous avons démontré l’illégalité totale de la situation antérieure. Aujourd’hui, il est de notre devoir d’expliquer pourquoi laisser se poursuivre l’exploitation de la microcentrale serait une lourde erreur économique en même temps qu’un désastre tant pour le patrimoine que pour l’environnement. Nous voulons donner aux élus nos raisons de ne pas engager la collectivité dans un pari qui pourrait a priori paraître séduisant mais qui s’avère en fait plus qu’hasardeux. Ses conséquences risqueraient d’être amères pour les contribuables.

Sur un plan juridique, quelles sont vos principales objections ?

C’est un peu technique comme tout ce qui concerne le droit. Mais c’est bien en approfondissant les différents aspects juridiques du dossier, avec l’aide d’experts, que nous avons pu faire céder l’État. Voici quelques exemples (quelques-uns seulement) des difficultés qui attendent l’État comme tout éventuel repreneur :

1/ un barrage illégal : concernant l’installation hydroélectrique, la mission interministérielle s’est complètement trompée dans sa description des deux barrages. Un plan daté de 1931 représentant ce barrage correspond exactement à celui décrit dans le décret de concession du 30 mars 1980 (barrage de type poids, de 3,50 m de haut). Le deuxième barrage, un mur en béton de 5 m de haut et d’aspect récent est absent du cahier des charges de la concession ! Illégal, il ne pourra revenir à l’État en fin de concession si l’on ne veut pas que perdure une situation d’illégalité. En effet, l’État ne peut récupérer légalement dans son domaine public que les installations « concédées ».

2/ illégaux aussi d’autres barrages secondaires condamnant le ruisseau de la Gorge au Loup : il en est de même pour les barrages latéraux dans la retenue construits sans autorisation pour colmater des fuites vers les autres émergences (Trou Marite notamment) cités dans le rapport des ingénieurs Jean et Brugidou du 5 septembre 1934 : « Par des petits barrages on s’est efforcé de supprimer toutes les pertes d’eau » : de nombreux témoignages oraux tendent à indiquer que, postérieurement à la construction illégale de l’usine, le ruisseau de la Gorge au Loup coulait encore une grande partie de l’année, alimentant les deux cascades de la Vayssière et du trou de l’Arnus.

Soit dit en passant : expertiser puis supprimer ces barrages qui ne font pas partie de la concession permettrait une alimentation plus régulière du ruisseau de la Gorge au Loup, zone humide d’intérêt écologique remarquable.

3/ un dossier de fin de concession qui n’aboutit pas depuis plus de dix ans.

Alors que la concession est échue depuis le 31 décembre 2005, le dossier de fin de concession qui devait être bouclé au plus tard en 2002 ne l’est toujours pas… Un dossier inachevé a été déposé en 2008. « Ranimons la cascade ! » a pu l’obtenir au prix d’un recours devant le tribunal Administratif. Rien n’est dit sur l’existence du barrage illégal, sur la propriété des barrages souterrains, et sur de nombreux points qui restent en suspens.

Alors même que le préfet annonce qu’il faudra plusieurs mois pour boucler ce dossier de fin de concession, on presse la commune et la communauté de communes de se prononcer avant le 30 juin, sans qu’elles aient en leur possession les informations importantes qui devraient être données en préalable à ce choix…

Un dossier de fin de concession dûment établi doit en effet faire connaître la situation précise, en surface et en souterrain, de tous les ouvrages qui font fonctionner l’installation, les parcelles qui appartenaient au concessionnaire et qui ont été remises à l’Etat le 31 décembre 2005, les parcelles grevées d’une servitude au bénéfice de l’Etat, l’incidence sur l’environnement (sécurité publique notamment) des installations souterraines et de la conduite forcée, la description détaillée de tous les ouvrages, avec les calculs justificatifs de la résistance et de la stabilité des barrages, les ouvrages à supprimer pour rétablir la libre circulation des eaux, au cas où l’exploitation serait abandonnée… On en est encore très loin.

A en croire certains experts, la remise à plat juridique relève quasiment de la « mission impossible ». On voit mal des collectivités locales s’embarquer dans un nouveau projet sans une clarification juridique préalable sur tous ces points. Il est fortement prévisible, compte tenu du contexte embrouillé et hyper complexe de la situation actuelle, qu’une nouvelle autorisation sera à nouveau entachée de soupçons d’illégalité et, à ce titre, objet de recours devant des tribunaux.

Qu’en est-il de l’état de la conduite forcée ?

Elle date de 85 ans et est à bout de souffle. Elle a explosé au niveau de la cascade une première fois en 1971. Elle est présentée comme « constituée de tronçons de tôle roulée de 12 mètres assemblés par des brides boulonnées avec joints de plomb ». Ce point a-t-il vraiment été vérifié ? En effet, des riverains de l’installation font état de réparations, dans la partie inférieure de cette conduite, à la soudure à l’arc laquelle a fait fondre le plomb avec pour effet une accélération de la corrosion. Une épaisseur de rouille conséquente a également été observée.

En 2010, des travaux ont été effectués pour reboucher des trous sur la conduite dans sa partie souterraine. Elle est pourtant en acier d’un centimètre d’épaisseur ! Elle fuyait en plusieurs points dans le chemin de la Crouzie… Les inspecteurs affirment sans preuve, pour s’être juste livrés à des constats visuels dans la partie aérienne, que la conduite forcée peut encore durer 25 à 30 ans. Peut-on se contenter de simples affirmations ? A fortiori lorsqu’on a compris que l’État a, financièrement déjà, intérêt à se débarrasser de l’installation vieillissante qui lui revient en fin de concession… Une expertise serait un préalable indispensable à toute décision.

La sécurité doit primer sur toute autre raison. Les riverains ne pardonneraient pas à la collectivité publique, alors même qu’elle a été dûment été informée des risques, les conséquences qu’entraîneraient une nouvelle rupture de la conduite. Et pour ce qui concerne de possibles travaux de réparation, souvenons-nous que nous sommes, sur une bonne part du trajet de la conduite forcée, en zone « rouge », donc à risques.

Pourtant, donc, les inspecteurs affirment que cette conduite devrait pouvoir tenir encore 20 ans…

La dernière expertise date de 1972. En 2010, la DREAL disait qu’il n’y avait pas à s’inquiéter puisqu’on allait remplacer prochainement la conduite forcée. Maintenant, on nous dit qu’elle peut encore durer et que ça ne vaudrait pas le coup financièrement de la changer. On est donc condamnés à attendre la rupture et cela ne peut pas faire un projet d’avenir.

Irait-on donner à un candidat à la construction un permis de construire dans une zone inondable en lui affirmant que sa maison pourra tenir au moins 20 ans ? En cas de problème, qui serait responsable ?

Vous dite que le « débit réservé » n’est pas appliqué et qu’il s’agit en fait d’un « débit restitué ». Qu’est-ce que ça signifie ?

Selon l’article L.214-18 du code de l’environnement, un « débit réservé » s’impose à tout ouvrage transversal dans le lit d’un cours d’eau. Ce barrage doit laisser dans le cours d’eau, immédiatement à l’aval, un débit minimal de 10 % du débit moyen du cours d’eau.

Ce débit réservé ne doit pas être confondu avec le « débit restitué » qui est appliqué depuis décembre 2012 à Salles-la-Source où le système en place laisse passer, à partir d’un piquage de la conduite forcée, 70 l/s à 100 mètres en aval du barrage.

Mais alors, pourquoi la loi n’est-elle pas appliquée ?

Ce n’est pas à nous qu’il faut le demander ! D’une part, ce n’est pas le premier et seul passe-droit dont l’ancien exploitant a bénéficié. Cela n’a pas été la moindre surprise pour nous de découvrir, à travers ce dossier, à quel point certains privilégiés peuvent se dispenser de respecter la loi alors même que l’Administration peut se montrer tatillonne jusqu’à l’excès avec le citoyen ordinaire. On peut penser que la collectivité qui reprendrait le barrage ne bénéficierait pas des mêmes « largesses ». Mais elle se heurterait à la difficulté technique, voire à l’impossibilité, si l’on veut maintenir un accès facile au barrage, de se mettre en conformité…

Pour dire les choses autrement, en construisant le barrage sous terre, l’usinier a fait le choix de tarir définitivement la source qui coulait au siècle dernier à l’état naturel. Ainsi Salles-la-Source n’a plus de source ! Le lit du ruisseau débute là où l’usinier relâche l’eau à partir de la conduite forcée, selon son bon vouloir ou selon des règlements d’eau plus ou moins appliqués.

Souvenons-nous que nos anciens avaient insisté après la Révolution pour que notre village et notre commune gardent leur nouveau nom de « Salles-la-Source », lequel avait été substitué à celui de Salles-Comtaux. La source est au cœur de l’identité du village. L’application de la loi sur le débit réservé permettrait de remettre en eau la véritable source du Créneau. Certes, nous ne sommes plus là dans une argumentation juridique ou économique stricto sensu. Mais il est des notions qu’il est bon de ne pas perdre de vue.

La construction de l’usine, certes illégale, n’a-t-elle pas permis que Salles-la-Source soit un des premiers villages électrifiés de l’Aveyron ?

Effectivement, Salles-la-Source peut s’enorgueillir d’avoir été un précurseur en la matière . Il est néanmoins dommage que le projet de microcentrale soit né dès le départ sans concertation, ni autorisation réglementaire. Il en est résulté toutes ces dérives qu’on observe au fil des ans, et notamment au cours des vingt dernières années. A l’époque l’énergie produite était conséquente et pouvait permettre de faire tourner la filature. Aujourd’hui, nos besoins en énergie ont évolué et la quantité produite par la microcentrale est infime : elle représente 1/10 000ème de l’énergie hydroélectrique produite en Aveyron, ou encore l’équivalent en kWh de la production d’1/3 d’éolienne (ne pas confondre la puissance maximum d’une installation et la quantité d’énergie réellement produite).

L’ancien exploitant peut-il attaquer en Justice le refus d’autorisation qu’a annoncé le Préfet, suite au rapport de la mission interministérielle ?

Il n’est pas impossible qu’il le fasse, encouragé par les décisions les Tribunaux qui viennent, à trois reprises, de lui donner raison… en s’appuyant sur les anciennes positions de l’État lequel, alors, soutenait l’exploitant. Il paraît sage, en tout cas, de ne pas minimiser cette hypothèse. Que se passerait-il dans ce cas de figure ? Si l’installation est démantelée rapidement, il n’y a plus de retour en arrière possible ; à l’État de se débrouiller, comme de juste, pour les dédommagements financiers qui pourraient lui être réclamés. Mais si l’installation demeure en l’état…

La cascade coule parfois à flots. N’y a-t-il pas, quand même, moyen de combiner une belle cascade avec un turbinage à certains moments ?

Il y a lieu, pour répondre à cette question, de comprendre un peu mieux le régime hydraulique du Créneau et de prendre en compte quelques notions sur les débits.

Les relevés sur le Créneau, validés par l’Administration, faisaient état lors de l’enquête publique de 2010 d’un débit moyen du Créneau de 700 l/s avec des variations considérables allant de 70 l/s au plus sec de l’été et 10 à 12 m3/s en périodes de grosses crues. Plus prudents, les inspecteurs de la mission indiquent un débit moyen de l’ordre de 600 l/s, preuve d’une approche approximative de la réalité, laquelle doit inciter à une certaine circonspection lors des choix qui seront faits. Les inspecteurs avancent même que ce débit moyen devrait passer à 500 l/s vers 2050, compte tenu du réchauffement climatique.

Tout ça, c’est des chiffres, mais comment savoir à quoi ils correspondent ?

Le « pissadou » que nous avons actuellement, hors des périodes pluvieuses, correspond à 70 l/s. Ce serait beaucoup pour un ruisseau mais pour alimenter un site monumental comme celui-ci, c’est très peu. Cela signifie aussi que 90 % de l’eau est alors possiblement détournée. Les inspecteurs proposent de nous accorder 50 à 60 l/s de plus, ce qui veut dire, pour un débit de 700 l/s, turbiner 80 % de l’eau et en laisser 20 % pour les cascades. Mais les choses sont en fait plus compliquées que cela…

Une courbe, dite des « débits classés », peut aider à le comprendre.

Les courbes ci-dessous indiquent le nombre moyen de jours par an où l’on peut observer tel et tel type de débit. La courbe bleue correspond aux chiffres donnés lors de l’enquête publique (2006-2010) ; celle en rouge correspond aux données de la mission d’inspection inter-ministérielle (2010-2014).

Bien entendu il s’agit de moyennes, les années successives étant souvent fort différentes l’une de l’autre.

courbe des débits classés graphique

Comment interpréter ce graphique ?

Les 70 l/s en vert en bas correspondent au débit obligatoire, de par la loi, dont nous avons enfin obtenu l’application.

Ce qui est en orange correspond au petit surplus que nous accordent les inspecteurs, suite à notre action.

Ce qui est en gris serait turbiné en continu. Ce qui est en blanc serait turbiné par éclusées (remplissage du barrage durant quelques heures puis turbinage pendant 1h30).

Ce qui est en violet ne peut pas être turbiné car se situant au-delà de la capacité d’absorption de la conduite forcée ; le graphique s’arrête à 4 000 l/s mais dans la réalité il peut monter à 12 000 l/s.

A gauche, on trouve une période d’un tiers de l’année où le débit moyen du Créneau ne sera pas supérieur aux 120 à 130 litres qui, nous dit-on, seraient maintenus à la cascade. Cela correspond plutôt à la période estivale, encore qu’on connaisse parfois des périodes pluvieuses en été.

Au centre, une période qui correspond environ à 200 jours par an où la cascade pourrait être belle. Mais si l’on turbine, elle conserve un petit débit comme en été. Cela correspond plutôt au périodes de printemps et d’automne.

Enfin à droite, on a environ 50 jours par an durant lesquels il y a « surverse » du barrage, c’est-à-dire que le débit moyen de la rivière souterraine est supérieur à celui que peut absorber la conduite forcée. Ce sont les périodes où la cascade est la plus somptueuse. Elles correspondent plutôt aux périodes d’hiver ou à des épisode très pluvieux de printemps et d’automne.

En somme, l’extrême irrégularité des débits tout au long de l’année fait que l’eau est difficile à valoriser : quand il y en a beaucoup et que cela ne dérangerait pas, on ne peut en turbiner qu’une infime partie ; quand il y en a peu, on assèche la cascade !

Mais 120 ou 130 litres/seconde, n’est-ce pas assez ? Les inspecteurs disent que « la question du débit qui rend belle la cascade est « éminemment subjective »…

Il n’est que de voir le nombre de gens qui s’arrêtent quand la cascade donne toute sa puissance pour comprendre que c’est là qu’elle a, et de loin, l’impact le plus fort. Les photos des dépliants des offices de tourisme ne s’y trompent pas, ni les auteurs de cartes postales, ni les journalistes qui demandent une photo pour illustrer un article…

« Ranimons la cascade ! » a d’ailleurs collecté sur le site de sa pétition en ligne plus de 350 témoignages et commentaires de visiteurs enthousiastes qui vont dans ce sens.

Ne peut-on pas turbiner la nuit ?

La rentabilité de l’installation est liée au prix de vente de l’électricité. Or ce prix est extrêmement variable et dépend de l’heure et de la saison. Dès que le débit faiblit, et en hiver où l’on a davantage besoin d’électricité, il devient beaucoup plus intéressant de turbiner en « heures de pointe », le matin ou le soir. Hors de ces horaires, la nuit, l’électricité se vend jusqu’à cinq fois moins cher…

Les inspecteurs disent qu’à l’époque des meuniers, il y avait une grande partie de l’eau qui était détournée de la cascade ?

Effectivement, une partie de l’eau servait à alimenter une douzaine de moulins en série du haut au bas du village, le long notamment d’une dérivation qui partait du haut du village, près du pont (soit de la « Chaussée Saleilles », du nom des « moulins de Saleilles » qu’elle alimentait en premier et qui sont encore aujourd’hui visibles au-dessus de la cascade) jusqu’au niveau de la cascade de La Crouzie, tout en bas du village.

Mais rappelons-nous que l’écoulement de l’eau se faisait à ces époques à l’air libre et à la vue de tous, le long de micro-chutes et de cascatelles, et non à l’intérieur d’une conduite forcée comme aujourd’hui.

Inversement, ne pourrait-on pas améliorer le résultat financier en ne turbinant que le matin ou le soir ?

C’est impossible, au vu de la trop faible capacité de la retenue d’eau. Dès qu’il y a un peu d’eau au-dessus du minimum, le barrage qui, selon les estimations, a une capacité d’environ 5000 m3, est plein en quelques heures. Exemple : avec 400 litres/s au-dessus du « débit réservé », cela correspond à un débit de 1440 m3 par heure, ce qui signifie que la retenue est pleine en 3 ou 4 heures…

L’excès d’eau de la cascade ne peut-il pas être source de gêne pour les riverains ?

La cascade peut être gênante pour le voisinage lorsqu’elle coule à très fort débit, de l’ordre de plusieurs m3/s, et qu’elle éclabousse sur la route. Mais dans ce cas, la partie absorbée par la conduite forcée est insignifiante. Par exemple lorsque le débit est de 10 m3 par seconde, seul 10 % peuvent être absorbés et il est probable que le riverain ne perçoive pas la différence…

Une autre piste est proposée par les inspecteurs de la mission, dans le cas où l’on supprimerait le barrage souterrain : celle de rétablir la connexion ancienne qui existait entre le Créneau et la source du Trou Marite, à l’origine du ruisseau de la Gorge du Loup. Celle-ci existait jusque vers la fin du XIXème siècle. Ajoutons qu’on pourrait supprimer tout ce qui, dans la grotte, obstrue artificiellement le passage de l’eau vers le second ruisseau.

De la sorte, on rééquilibrerait l’eau entre une rivière, le Créneau, où l’on a parfois trop d’eau et une autre, la Gorge du Loup, qui est une zone humide injustement sacrifiée et asséchée une grande partie de l’année. On rétablirait de la sorte non seulement la source du Trou Marite mais également la cascade de la Vayssière et celle du Trou de l’Arnus qui, jadis, coulait une bonne partie de l’année dans le cirque sauvage et remarquable, mais mal entretenu, qui se trouve en contrebas de la départementale, à droite quand on vient de Marcillac.

plan-des-cascades-de-salles-la-source-1977

Que de sources et de cascades dans un seul village !

Déjà, à elle seule, la « Grande cascade » qui jaillit entre des maisons au centre du village, avec sa grotte en fond, les rideaux de végétation qui l’encadrent, et sa vasque est unique en France. Mais tout aussi exceptionnel est le réseau hydrogéologique tant souterrain – relié au Tindoul de la Vayssière – qu’à l’air libre dont elle dépend. Il peut se comparer à celui de Padirac. Il comporte un delta souterrain relié à 7 sources (que le spéléologue Martel avait recensées) qui alimentent 5 cascades (en comptant le trop-plein de la Gorge du Loup qui coule quelques jours dans l’année). Voilà qui est peu commun ! La cascade la plus basse, celle de la Crouzie, peu connue mais magnifique, collecte toutes les eaux des deux ruisseaux dans un cadre naturel sauvage… Sous la cascade, taillée dans le roc, une cavité naturelle permettait jadis au promeneur de traverser vers la vallée du Fabby. Ce site remarquable aussi pourrait être un élément de la mise en valeur de l’ensemble du site.

Ce réseau unique se situe de surcroît dans un site pittoresque (inscrit au patrimoine national), étagé sur trois terrasses principales et cinq niveaux sur lesquelles sont implantés les quatre « quartiers » du village, avec leurs trois églises et leurs quatre châteaux. Sans oublier le musée départemental du Rouergue ou les caves de Saint-Laurent.

Cerise sur le gâteau : cet ensemble exceptionnel se situe sur l’axe Rodez-Conques en plein essor. C’est dire assez le potentiel qui s’offre à une communauté de communes qui a fait du tourisme un de ses axes principaux de développement économique. Les inspecteurs de la mission interministérielle n’écrivent-ils pas dans leur rapport : « le village ancien de Salles-la-Source apparaît aujourd’hui comme un potentiel sous-exploité et qui pourrait l’être rapidement ».

Si, dans la poursuite de l’exploitation de la microcentrale, il y a de l’argent à gagner pour la collectivité, pourquoi s’en priver ?

La question est la suivante : peut-on avoir à la fois le beurre (de l’eau à la cascade) et l’argent du beurre (le bénéfice du turbinage) ? Et un développement maîtrisé du tourisme ne permettrait-il pas à long terme de bien plus substantielles rentrées financières ?

Première remarque : les chiffres sur lesquels on travaille sont très imprécis. L’État refuse encore aujourd’hui de communiquer les chiffres de la production de la microcentrale, malgré l’avis favorable que nous avons obtenu de la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) en 2013 pour que ces chiffres nous soient fournis ! Le préfet nous demande de nous adresser à EDF qui ne répond pas. Les inspecteurs eux-mêmes ont dû « reconstituer des chiffres » pour estimer ce que pouvait être la production. Les chiffres avancés sont donc réellement sujets à caution. Cette opacité et cette volonté de dissimulation, aujourd’hui encore donc, invitent à la prudence et, a minima, ne rien décider sans exiger les vrais chiffres de la production.

Ainsi, on lit dans le rapport que, de 2010 à 2012, et alors que l’installation turbinait à 100 % de sa puissance, soit 1150 kW, son chiffre d’affaires moyen déclaré sur 3 ans était de 174 000 €/an. Et quelques lignes plus loin, il est affirmé que l’usine, produisant avec une puissance de 620 kW, devrait désormais procurer à l’entreprise un revenu de… 298 000 € !

Dans le nouveau cadre qu’ils proposent (débit plus important à la cascade, moins d’éclusées…), les inspecteurs affirment que le revenu va augmenter ! Par quel tour de passe-passe parviennent-ils à « turbiner moins pour gagner plus » ?

Ils proposent de développer le turbinage en heures de pointe, mais, on l’a vu, ce dernier n’est possible qu’une faible partie du temps. C’était, d’ailleurs, déjà le cas avec l’exploitant précédent.

Le chiffre avancé est d’un minimum de 205 000 € nécessaires pour atteindre le « point d’équilibre » en maintenant un petit débit à la cascade et une redevance à la Municipalité. Si ce chiffre est surestimé, l’exploitation deviendrait alors largement déficitaire…

NB : on observera que, sur une période de 8 ans (2005-2012), ce chiffe n’a été dépassé que 3 fois et atteint une seule fois, avec une moyenne de 196 000 € (voir comptes de résultat de la SHVSS).

Pourquoi ne vous en êtes-vous pas expliqué avec eux ?

Durant les trois mois de l’inspection, nous n’avons eu, et encore en insistant, que deux plages de trois heures pour rencontrer les inspecteurs. Durant ces entrevues, ils ont catégoriquement refusé d’aborder les aspects juridiques du dossier. Ils ne nous ont pas invités lors de la restitution de leur travail, qu’ils ont faite exclusivement devant les élus. Et cela, alors même qu’un des premiers objectifs de la mission était de rétablir la confiance de la population vis-à-vis de l’État, de rétablir le dialogue avec lui. Il y a tout lieu de s’étonner qu’on ait ainsi cherché à nous écarter quand, de par ailleurs, on loue dans le rapport notre très bonne connaissance du dossier qui a permis de le remettre à plat… Notre présence était-elle si dérangeante ? Est-ce de cette façon qu’on entend construire l’avenir dans un partenariat avec les forces vives et les associations ?

Qu’en serait-il des coûts de fonctionnements ?

Dans le paragraphe sur le calcul des charges, il est exprimé que « les prévisions budgétaires et les documents déposés au greffe ne montrent pas une grande rigueur dans leur construction, et ne peuvent pas facilement être utilisés, qu’il s’agisse des comptes d’exploitation ou du bilan ». C’est vraiment un euphémisme, s’agissant de compte truffés d’erreurs et de fraudes évidentes qui font l’objet depuis trois ans d’une enquête du SRPJ de Toulouse – enquête qui, curieusement, n’aboutit pas.

Faute de chiffres exacts, les charges sont donc « estimées » à 198 000 € par an, sans qu’on nous donne de marge d’erreur. Ce budget prévisionnel, particulièrement hasardeux, s’appuie sur les chiffres faux (donc inutilisables !) du compte de résultat de la SHVSS ; sur des données de production que les inspecteurs disent ne pas avoir réussi à obtenir ; sur des reconstitutions de débit à partir desquelles a été établie une rentabilité « de fiabilité moyenne ». Le chiffre inclut les frais de personnel et d’entretien courant, l’amortissement des immobilisations, la rémunération des fonds propres, les investissement obligatoires en contrepartie de l’obligation d’achat par l’État et les taxes diverses, fixes et variables, à la commune et à la communauté de communes.

Les prévisions budgétaires s’appuient sur un tarif de vente de l’électricité particulièrement avantageux jusqu’en 2027 (obligation d’achat), selon une formule contractuelle qui avait été proposée à la SHVSS en 2012 moyennant des investissements obligatoires de modernisation qui n’ont pas été réalisés dans les délais légaux. Des travaux pour 400 000 € devaient être effectués sur 8 ans, dont 60 % à réaliser impérativement dans les 4 ans.

Ces prévisions ne prennent pas en compte le provisionnement du démantèlement de l’installation lorsque la conduite forcée sera arrivée à son terme. Il n’est plus envisagé de remplacer cette conduite. Les gros problèmes de sécurité ou industriels qui, vu l’âge de l’installation, peuvent à tout moment surgir ne sont pas davantage envisagés sur le plan budgétaire.

Il y a bien une aide de l’Etat pour la « petite hydroélectricité »…

Et elle est effectivement prise en compte dans le budget prévisionnel. Elle pose néanmoins problème. Pour faire simple : on subventionne les énergies renouvelables en garantissant un prix double de celui du marché afin d’encourager les projets novateurs (ce qui amène d’ailleurs à se demander si un modèle économique de 1931 est très novateur). Cette aide et les contrats HR 97 (car signés pour 15 ans en 1997) ont été exceptionnellement renouvelés en 2012 et la Société électrique de Salles-la-Source en a bénéficié (bien que menacée par un sursis à statuer). L’entreprise a de ce fait obtenu un CODOA, Certificat Ouvrant Droit à l’Obligation d’Achat.

En contrepartie de ce CODOA, il y a une exigence d’investissement pour l’exploitant qui était de 750 € par kW de puissance, soit pour la SHVSS environ 400 000 € pour les 530 kW qui étaient, à cette époque, « autorisés ». 60 % de ces investissements doivent impérativement être réalisés dans les 4 ans, c’est-à-dire avant le 17 décembre 2016. Or les travaux ne sont pas commencés et la Société Hydroélectrique ne sera pas autorisée à continuer l’exploitation… Le CODOA et le contrat HR97 qui va avec devraient logiquement être annulés.

Admettons que, l’Administration fermant à nouveau les yeux sur cette irrégularité, ce contrat puisse être transmis au successeur avec l’accord de l’actuel gérant. Le voudra-t-il ? On imagine les difficultés qui attendent le repreneur pour tenter de maintenir un prix avantageux qui n’est, rappelons-le, garanti que jusqu’à 2027

Quant aux nouvelles conditions prévues à compter de 2016, on parle maintenant de 2500 €/kW d’investissement à effectuer impérativement dans un délai de 4 ans…

Mais l’exploitant ne gagnait-il donc pas d’argent ?

S’il s’accrochait tant à son usine, c’est que, sans nul doute, elle lui rapportait ! Rappelons-nous quand même qu’il a été en redressement judiciaire de 2006 à 2008, suite à un procès perdu.

Mais s’il gagnait de l’argent, c’est parce qu’il bénéficiait d’une installation dont il avait hérité, parce qu’il ne provisionnait pas les nécessaires travaux, qu’il refusait de payer une redevance, qu’il turbinait au-delà de la puissance autorisée sans être contrôlé par la Police de l’eau, qu’il dissimulait ses revenus pour ne pas payer d’impôts sans que les services fiscaux paraissent s’en inquiéter, qu’il ne prenait pas en compte la sécurité, et sans doute qu’il payait son ouvrier permanent au lance-pierre… Peut-on imaginer qu’une collectivité locale se permette de travailler de cette façon-là ?

Une redevance communale, ce n’est pas négligeable !

Ramenons les choses à leur juste proportion : le budget communal de Salles-la-Source est de 2,5 millions d’euros. Les 10 à 15 000 euros espérés (mais non garantis) par an valent-ils la destruction du site ? Ne peut-on trouver des ressources autrement ? La perte récente des procès menés contre elle par la SHVSS (200 000 euros de redevance viennent d’être annulés par le Tribunal Administratif de toulouse) est sur ce point très inquiétante.

Mais ne faut-il pas développer les énergies renouvelables ?

Bien sûr, mais sans enfreindre les lois qui protègent les cours d’eau et la biodiversité, et sans détruire le patrimoine. La finalité de ces énergies est de produire plus proprement pour protéger notre environnement, non pas de le détruire ! Une question similaire se pose pour les éoliennes et il faut avoir une cohérence de vision sur notre territoire.

Dans leur très grande majorité, les projets hydroélectriques sont bien acceptés et permettent de concilier la production et l’environnement. Mais chaque projet doit être examiné au cas par cas, sans lecture idéologique, et en fonction de ses enjeux propres.

Ici, on a une structure d’une très grande complexité, avec un site extraordinaire à protéger, une conduite forcée sous pression qui passe entre ou sous des maisons et un barrage souterrain dans une falaise en haut d’un village avec, donc, des questions de sécurité importantes, une production énergétique dérisoire et un résultat économique qui est loin d’être garanti. Plusieurs experts nous l’ont dit : si c’était aujourd’hui, personne ne se lancerait dans un projet similaire ou ne l’autoriserait au cœur d’un village et d’un site inscrit !

L’usine permettrait-elle de créer ou maintenir des emplois ?

Tout est automatisé. Le travail sur place se réduit à la surveillance. Celle-ci est assurée actuellement par un retraité logé sur place qui est d’astreinte 7 jours sur 7 (sans être rémunéré, si l’on se fie aux comptes de la SHVSS !). Les tâches de gestion, de suivi administratif, celles qui demandent des compétences en ingénierie hydroélectrique, sont le plus souvent menées à distance.

Au niveau emploi, l’impact est nul, ou quasi nul.

A l’inverse, un projet de développement raisonné du site permettrait, au fil des ans, de créer des emplois non seulement à Salles-la-Source mais sur toute la périphérie. Il ne nous appartient pas à nous aujourd’hui, association qui a déjà eu tant à faire avec ce dossier de la microcentrale, de dresser un catalogue précis de ce qui peut être fait. Mais il ne faut pas beaucoup d’imagination pour voir comment les potentialités du site peuvent se traduire en retombées économiques : depuis les commerces ou ateliers qui peuvent ouvrir jusqu’aux capacités d’accueil (gîtes, chambres d’hôtes) qui tireront bénéfice d’une fréquentation touristique accrue… Il n’est pas un visiteur de Salles-la-Source un peu au fait du développement local qui ne soit saisi par les potentialités du village, surpris par son état de léthargie actuel.

Considérations pécuniaires à part, il ne faut pas négliger non plus le bien-vivre des habitants du lieu, leur bonheur d’être dans ce site exceptionnel qui aura enfin été reconquis, et leur fierté de le partager.

En quelque sorte, reprendre la main ?

Depuis 85 ans la Municipalité et les habitants sont dépossédés de leur cadre de vie et de leurs cascades, de leur utilisation, par un deal crapuleux entre l’Administration et l’exploitant. Il en est découlé un certain fatalisme : « on ne peut rien faire ». Une fois la première concession accordée, en 1962, après trente ans de totale illégalité, la Municipalité n’a plus eu son mot à dire. Les choses se sont passées exclusivement entre l’État et l’exploitant. C’est ce qui se passera à nouveau si la Municipalité confie la production à un nouvel entrepreneur. Il ne manquera pas de négocier, voire d’exiger, en permanence une redevance plus basse, moins d’eau pour la cascade, au motif prévisible qu’il ne parviendra pas à boucler son budget , parce qu’il voudra gagner plus. C’est une nouvelle ère de conflits qui s’ouvrira à Salles-la-Source !

En revanche, si l’installation est supprimée, la municipalité et les habitants pourront disposer librement de leur patrimoine, choisir comment le mettre en valeur. Salles-la-Source pourra cesser d’être un village-dortoir assommé par des décisions qui ne sont pas les siennes et devenir un village-projet autour duquel les habitants de la commune comprendront qu’ils ont intérêt à se rassembler.

Il a été évoqué une société d’économie mixte avec un exploitant et des collectivités locales…

Nous avons suffisamment évoqué les risques encourus par tout repreneur, quel qu’il soit, tant du point de vue juridique qu’économique. Ajoutons-y les besoins en compétences de haut niveau en ingénierie de l’hydroélectricité et de l’environnement pour la partie technique… Et en droit administratif dans la perspective des procès qui ne vont pas manquer. Une collectivité a-t-elle les moyens de se lancer dans une pareille aventure ? Les élus peuvent-ils s’engager à un suivi aussi lourd, ont-ils le droit moral de le laisser en héritage durant plusieurs décennies à ceux qui vont leur succéder ?

Il va donc falloir choisir…

Entre la valorisation du site et l’exploitation de la microcentrale, clairement et nettement, il va falloir se déterminer. Concilier les deux n’est techniquement pas possible. Et juridiquement, c’est plus que risqué. Nous en avons, faits concrets à l’appui, la conviction totale.

Le choix qui va être fait doit être cohérent avec la vision d’ensemble qu’ont de leur territoire et de son développement les habitants et les élus à qui ils ont fait confiance pour les représenter. L’occasion se présente d’un défi commun enthousiasmant.

Ceux qui feraient le choix d’arrêter l’usine deviendraient des héros courageux dont l’action sera saluée par les générations futures. Ils seraient salués comme « ceux qui ont sauvé le site et rendu à Salles-la-Source la cascade qui en est le cœur ».

Espérons tout de même que « Ranimons la cascade ! » restera un peu aussi dans l’histoire locale même si, à titre individuel, ceux qui ont contribué à son action ne demandent rien d’autre que la satisfaction de voir la Grande Cascade recouvrer cette liberté qu’on n’aurait jamais dû oser lui prendre.

Quelle était jusque-là la position de la commune ?

Dans le passé, la Municipalité a souvent souhaité concilier cascade abondante et production d’électricité, sans cacher son souhait de continuer à percevoir une redevance… Dans la réalité, il n’a jamais été possible de tout concilier, la cascade en faisant le plus souvent les frais. En ce qui concerne la redevance, la société hydroélectrique la conteste systématiquement et jusqu’ici gagne tous ses procès… Qui peut garantir qu’un nouvel exploitant n’en fera pas de même ?

En 1980, une convention a été signée avec l’engagement de la Société Hydroélectrique d’alimenter la cascade avec un débit de 200l/s « de Pâques à la Toussaint » avec un système de pompage qui réalimente en permanence la cascade. C’est à cette condition que le Ministère de la culture et les Bâtiments de France ont autorisé le projet qui devait « concilier énergie électrique, tourisme et redevance ». Dans la réalité, dès la concession signée, la société est revenue sur ses engagements et a demandé à ce que leur soit substituée une somme d’argent forfaitaire. Plus tard, elle a mis la municipalité au tribunal pour tenter de faire annuler la redevance… L’Histoire bégaye.

En juillet 2010, lors de l’enquête publique, la Municipalité a affirmé : « la cascade est un bien symbolique qui appartient à la commune et à ses habitants. Elle fait partie de notre patrimoine. L’usine occasionne un préjudice touristique indéniable. Que soit mis en place un débit compatible avec l’activité touristique du site ».

Le 15 mars 2013, Robert Caule, maire, écrivait au premier ministre :

« L’exploitation de cette microcentrale, dans ce site exceptionnel, inscrit au patrimoine national, dénature considérablement un lieu de toute beauté, unique en France, emblème de cette commune et potentiel levier de développement local et auquel l’ensemble des Aveyronnais est particulièrement attaché ».

Et aujourd’hui ?

Lors des élections de 2014, l’équipe aujourd’hui en place a inscrit parmi ses engagements de campagne celui-ci :

«  L’exploitation telle qu’elle est actuellement ne correspond pas à notre vision de la valorisation du site. Nous exigerons la production par l’exploitant de tous les documents prouvant la conformité des installations du barrage à l’unité de production. Si ce n’était le cas, l’autorisation de passage dans le domaine public serait immédiatement remise en cause.  Nous considérons l’association « Ranimons la cascade ! » comme partenaire privilégié pour le traitement du dossier concernant l’exploitation de la chute. Elle sera associée aux réflexions sur l’avenir et l’aménagement du village de même que toutes les personnes intéressées par le projet. Oui, nous sommes favorables à la mise en place d’un projet ambitieux de valorisation du site »

Le 28 juin 2014, Jean-Louis Alibert a publiquement affiché sa position :

« Je suis là pour exprimer mon soutien et celui de mon conseil municipal à l’association « Ranimons la cascade ! » que je remercie d’avoir créé cette occasion de porter une nouvelle fois devant le public aveyronnais le mécontentement des habitants de Salles-la-Source et les difficultés causées par l’exploitation de la chute. L’installation est vétuste et sûrement détériorée. Aujourd’hui nous voulons potentialiser et développer notre Vallon sur ses atouts et le site de Salles-la-Source est un atout-maître de notre territoire. Nous voulons offrir aux visiteurs une cascade, des torrents et des gourgues vivants, naturels et pas intermittents, pilotés par un industriel lointain qui ne voit que son intérêt personnel. D’autant que la production électrique de cette microcentrale n’est en rien déterminante dans le paysage énergétique aveyronnais. « Cette exploitation n’est en rien conforme à l’idée que nous nous faisons du développement touristique de Salles-la-Source ».

Une position confirmée dans le bulletin municipal de juin 2015 : « Nous saisirons ces opportunités pour défendre et valoriser la richesse exceptionnelle de notre patrimoine naturel et historique, en protégeant notre cascade et en repoussant les projets industriels que l’on veut nous imposer, en sauvant le paysage du causse Comtal, en améliorant notre accueil et notre attractivité touristique. »

Quelle est la position de l’Office du tourisme ?

La dernière position connue est une motion votée en juin 2010 durant l’enquête publique par l’Office du tourisme de Marcillac et adressée à la préfète de l’Aveyron :

« L’Office de Tourisme Causse et Vallon de Marcillac « considère que Salles-la-source est une des portes d’entrée majeure de notre espace touristique qui, sur cet axe de circulation, s’affirme comme le trait d’union nécessaire entre Rodez et Conques. La cascade du Village de Salles-la-Source pose le décor emblématique d’un territoire où la nature est encore sauvegardée, raconte le travail de l’eau, de la pierre et des hommes. Les paysages du Vallon, la géologie, la présence de pierres mégalithes les plus nombreuses en France, le patrimoine bâti, les sites protégés, les églises classées et la culture identitaire de la vigne sont tous les témoins et ambassadeurs d’une économie touristique sur laquelle les acteurs publics et privés investissent actuellement. Madame la Préfète, puisque l’eau, c’est la vie, merci de prendre en compte cette motion de soutien à la Cascade de Salles-la-source afin que le visiteur venu d’ailleurs puisse lui aussi profiter pleinement de nos sites touristiques dans les meilleures conditions ».

Depuis 2013, les Offices du tourisme de Marcillac et Conques ont fusionné. Le nouvel Office du Tourisme est présidé par Jean-Louis Alibert, maire de Salles-la-Source. L’OT a mis en place une politique de développement touristique pour notre territoire. Elle s’appuie sur l’ensemble des richesses touristiques du territoire : villages de caractères, monuments, paysages…. Elle s’est en outre engagée dans deux démarches de labellisation, deux perspectives ambitieuses pour structurer et qualifier l’offre, deux outils pour fédérer, mobiliser et mettre un coup de projecteur sur notre destination touristique :démarche de labellisation « Grand Site de France », démarche de labellisation en cours « Vignobles et Découverte », dans une démarche de « développement durable ». Ces deux démarches visent à valoriser l’ensemble des richesses de tout le territoire.

Que dit la Communauté de communes ?

Elle sera prochainement amenée à se positionner. Outre la position claire de l’Office du tourisme qui en est une émanation, la dernière déclaration connue est signée de Jacques Hourdequin, alors président, en date du 28 novembre 2011, avant la fusion. Il écrivait alors au préfet :

« La valeur patrimoniale et l’intérêt de ce site sont des atouts exceptionnels pour le développement économique de notre communauté de communes. Entre Rodez et Conques, le bourg de Salles-la-Source, village classé dont la cascade est le site majeur, est la porte du vallon.
La communauté de communes apporte son soutien sans faille aux actions de défense du site menées par la mairie et l’association « sauvons la cascade ».

Qu’en disent les conseillers départementaux ?

Stéphane Mazars a exprimé plusieurs fois son soutien à « Ranimons la cascade ! ». Anne Gaben-Toutant a pris, à plusieurs reprises, position. Lors de l’enquête publique, elle se disait « préoccupée par l’écoulement insuffisant de la cascade tout au long de l’année pour pérenniser et valoriser ce site touristique remarquable. Nous devons exiger du concessionnaire quel qu’il soit un débit plein régime de Pâques à la Toussaint avec d’éventuelles variations saisonnières le reste de l’année ».

Dans la Dépêche du Midi du 21 octobre 2011, elle déclarait : « Je crois qu’il faut tout simplement s’interroger sur le devenir de la cascade et l’utilité de cette installation hydroélectrique qui ne rapporte pas grand chose ». Le 27 octobre 2011, elle interpelle la préfète en séance publique au conseil général : « La défense de la Cascade de Salles la Source suscite un intérêt et un soutien qui dépassent largement les limites de la commune et du canton. J’en veux pour preuve l’intervention de mon collègue qui reprend des arguments que vous connaissez bien et les nombreux soutiens à l’échelle locale – conseil municipal, communauté de communes, Office du Tourisme, acteurs économiques – et plus largement, les présidents du Conseil Général et du Conseil Régional, des conseillers généraux, des conseillers régionaux, des sénateurs et, cet été, le député de l’arrondissement ».

Après son (avant-dernière) élection, elle déclare à nouveau : « Les habitants de Salles-la-Source, du canton de Marcillac, les élus locaux, les responsables de l’office du tourisme et du syndicat des vignerons du Vallon, le président du conseil général ont unanimement souligné l’intérêt patrimonial du site de Salles-la-Source, porte d’entrée du Vallon entre Rodez et Conques. Tous demandent que la cascade continue à couler tout au long de l’année. La cascade est notre bien commun qui mérite toute notre vigilance et notre intérêt. Je me suis bagarrée depuis le début pour la cascade et contre l’autorisation d’exploiter et je vous apporte le soutien des habitants du Vallon, qui viennent de me réélire. Pour des raisons de sécurité et pour des raisons de tourisme : on pourra mener des projets à partir de ce patrimoine ».

Quel est le sentiment commun de toutes ces personnalité extérieures si diverses que vous avez réussi à fédérer autour de Salles-la-Source et sa cascade ?

Que Salles-la-Source représente en soi une occasion unique ! C’est bien ce qui ressort très fort et unanimement de tous les soutiens d’élus, socioprofessionnels et personnalités de tous bords qui nous ont exprimé leur soutien. Pour ne citer que quelques réactions ou prises de position :

André Valadier : « Les visiteurs sont impressionnés quand, tout à coup, ils aperçoivent, à la verticale, un village et une cascade : les éléments concrets parlent d’eux-mêmes et un jour ou l’autre votre combat aboutira. Plus je découvre ce combat, plus je vois des points communs avec le nôtre, l’importance que représente le patrimoine : celui de l’Aubrac, que l’on considérait comme sans avenir,  est devenu le principal moteur de son économie. Le site de Salles-la-Source est « frappant », pour qui le découvre à la sortie d’un virage, avec un élément d’esthétique visuelle hors du commun, auquel on ne peut être insensible. Il y a beaucoup de belles cascades en Aveyron, mais aucune n’est comme celle-ci située en plein cœur d’un village ».

Claude Nuridsany et Marie Pérennou, cinéastes, réalisateurs de « Microcosmos » : « Le plus beau et le plus célèbre ornement de Salles-la-Source, sa cascade, est depuis des décennies soustrait au regard de ses habitants et de ses visiteurs par suite de l’exploitation hydroélectrique ».

Yves Censi, député de l’Aveyron : « Si je suis réélu, ce projet ne se fera pas »

 

Christian Teyssèdre, maire de Rodez : « Il y a des combats dans la vie qu’il faut mener et vous, au niveau de votre association, vous menez le bon combat. A Rodez, nous allons être reçus le mois prochain « grand site » au niveau de Midi-Pyrénées. Conques y est déjà. La cascade de Salles-la-Source fait partie du même grand site : Rodez-Conques-Salles-la-Source. La ville de Rodez est pleinement avec vous ».

Bernard Burguière, ancien conseiller général de Conques et ancien président du Comité départemental du Tourisme : « Le Musée du Rouergue, à Salles-la-Source, avec ses collections de vieux outils, ses présentations de vieux métiers et sa charpente à la Philibert Delorme, est un des fleurons de nos musées. Il est proche de la cascade et nous souhaitons, au Conseil Général,  le mettre en avant. Pour cela, il faut que la cascade coule ! Et maintenant que Conques et Marcillac sont unis dans la même communauté de communes et sont unis au niveau du tourisme, la cascade doit couler à flot ! »

Des associations de protection de l’environnement : les Amis de la Terre de Midi-Pyrénées, le Comité Causse Comtal et la Fédération des Grands Causses ont apporté leur soutien.

Marc Censi, ancien Maire de Rodez, ancien président du Conseil Régional Midi-Pyrénées, résident de Salles-la-Source : « Je suis très choqué qu’on puisse mettre en balance avec la moitié d’une éolienne cet extraordinaire patrimoine de Salles-la-Source qui draine un flot de touristes entre Rodez et Conques et représente un potentiel extraordinaire pour toute la commune et pour toute la vallée. On n’est plus à l’époque industrielle et le tourisme peut devenir une ressource très importante. Le site de Salles-la-Source est un des joyaux de notre département. Je ne comprends pas que des hauts fonctionnaires, responsables et conscients, ayant de l’expérience, ne soient pas sensibles à cette énorme disproportion. Je vous souhaite un succès total et pour moi un succès total, ce n’est pas 400 litres par seconde, c’est la disparition pure et simple de l’usine hydroélectrique »

Jean-Louis Chauzy, président du Conseil Economique, Social et Environnemental de Midi-Pyrénées : «   La cascade de Salles-la-Source appartient au patrimoine de tous les Ruthénois. C’est une raison pour tenir bon, faire changer la décision de l’Etat pour qu’elle coule autant que la pluviométrie le permet. Elle fait partie du bien public. Salles-la-Source est un atout formidable pour les habitants de Rodez et au-delà. C’est un facteur de notoriété et d’attractivité. Il faut tenir, résister et gagner forcément ».

Christian Bernad, président de l’Association pour l’aménagement de la Vallée du Lot : « Il est indéniable que cette cascade est un des fleurons du tourisme aveyronnais. C’est un péché de ne pas la voir couler. Le Code Civil dit bien qu’il y a des choses comme l’air ou l’eau qui n’appartiennent à personne et dont l’usage appartient à tous. La cascade de Salles-la-Source est mythique. Il faut non seulement préserver ce mythe, mais lui permettre l’élan dont il est capable au service de l’économie de notre région. »

Jean Delmas, ancien directeur du Service des Archives Départementales, a, à plusieurs reprises, mis son érudition au service de « Ranimons la cascade ! ». Lors d’une de ses conférences, il a souligné cette conjonction exceptionnelle de la géologie et de l’histoire des hommes qui fait de Salles-la-Source un site au potentiel exceptionnel.

Martin Malvy, ancien président du Conseil Régional de Midi-Pyrénées : « sur le plan industriel, la puissance prévisionnelle de la centrale est de 770 kW de puissance brute concédée pour une puissance hydroélectrique en Midi-Pyrénées de 5 600 MW et une puissance totale de 2 900 MW en Aveyron. Cette centrale représente moins de 0,1% de la puissance départementale, ce qui peut en effet justifier que l’association demande la fin pure et simple de l’exploitation. »

Jean-Claude Luche, sénateur, ancien président du Conseil Départemental : « Je suis depuis le début avec attention le dossier de la cascade de Salles-la-Source. La cascade de Salles-la-Source fait partie de notre patrimoine départemental. Sa fonction ne doit pas être dénaturée. Elle représente un véritable patrimoine exceptionnel. Aussi sachez combien je soutiens ce dossier »

Le conseil d’administration du Centre de vacances de Pont les Bains : « Le Conseil d’Administration de  l’association Rouergue Vacances Loisirs (RVL), sise à Pont-les-Bains, sur la commune de Salles-la-Source, a décidé à l’unanimité d’apporter son soutien à l’association « Ranimons la cascade » de Salles-la-Source. L’association est convaincue que la cascade est intimement liée à la beauté du village et à sa valeur touristique. »

Quel est votre plus grand espoir aujourd’hui ?

Notre mouvement a fait la preuve, dans la durée, de la solidité de nos convictions, de la volonté que nous avions de « ranimer la cascade ». Durant six années, nous n’avons pas ménagé notre peine, notre temps ni notre argent pour parvenir à ce but. Nous y avons sacrifié une bonne part de nos loisirs. Nous avons fédéré des forces et mobilisé des élus par-delà notre village dans toute la commune, la communauté de communes et bien au-delà. Nous avons obtenu d’innombrables soutiens et encouragements à ne rien lâcher. Nous avons surmonté les tensions entre nous : nous sommes très différents tant sociologiquement que du point de vue idéologique, nous représentons à nous tous tout le panel politique. D’avoir su organiser le dialogue entre nous en ne nous souciant que de l’intérêt public n’est pas la moindre de nos satisfactions. À la faveur de notre longue lutte, nous avons offert au village et à la commune de belles animations dans la bonne humeur. Nous avons fait la preuve de nos capacités aussi à « ranimer » le village. Nous avons apporté à Salles-la-Source une couverture de presse exceptionnelle, qu’elle soit départementale, régionale ou nationale. Nous avons fait la preuve qu’ensemble, on peut tout. Nous avons fait reconnaître à l’État ses erreurs, ce qu’on nous disait impossible. Nous avons une telle connaissance du dossier que nous nous pensons des interlocuteurs légitimes. Dans cet objectif, nous sommes prêts à continuer à apporter notre enthousiasme et nos compétences aux collectivités.

Nous sommes devant l’opportunité historique de tourner la page d’un passé douloureux et de refermer les plaies, d’aller de l’avant en construisant un projet collectif dont tout le monde soit fier. Il serait impensable que nous ne sachions pas saisir cette chance. C’est aux élus qui ont été démocratiquement désignés pour nous représenter que va incomber la tâche de prendre la décision qui engagera aussi définitivement notre collectivité. Nous ne doutons pas qu’ils le feront sereinement, en conscience, avec le seul souci de l’intérêt général.

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Voulons-nous encore d’une cascade au rabais ?

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