On vend la cascade Salles-la-Source : le texte !

Le 21 août a eu lieu la « vente aux enchères » de la cascade de Salles-la-Source (voir articles précédents). Pour ceux qui n’ont pas pu profiter de cet exceptionnel moment de conviviatité et d’humour qui a soudé les habitants de Salles-la-Source autour d’un bien commun exceptionnel à protéger, nous mettons en ligne ci-dessous le texte de la saynète imaginée par Yves Garric :

 

LES PERSONNAGES, par ordre d’entrée en scène

–          Aimable Pandénas, le garde-champêtre

–          Achille Picamartel (prononcer à l’occitane : « Picomortel », commissaire-pisseur

–          Sylvain Clouscanouzé, expert en hydro-géologie

–          Marcel Glaniol, habitant de Salles-la-Source

–          Ernest Laroumègue, habitant de Salles-la-Source

–          Jeannette Pélaprat, de Rodez

–          Arsène Dupain, limonadier à Espalion

–          Charlotte Lagarbure, de l’Office de Tourisme de Gavarnie

–          Ursule Picvert, personnage flou

–          La Muse

–          Le Chanteur

–          Ronald Waterploof, directeur délégué de la Gastro Goldwyn Mayer

–          Le président

–          Baptiste ou Virginie, dans les dix ans ; habitant de Salles-la-Source

 

Vente enchères cascade

Une journée inoubliable à Salles-la-Source

 

 

PANDÉNAS, LE GARDE-CHAMPÊTRE, après des roulements de tambour

Un peu de silence siôuplaît ! La vente aux enchères pupliques de la cascade de Salles-la-Source, elle va commencer ! Môssieur Achille Picamartel, commissaire-pisseur ici présent, a été espréssément désigné par arrêté municipal du 32 février 2010 pour conduire cette vente. Môssieur le Commissaire-Pisseur, vous avez la parole.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR, sur un ton très compassé

Merci, merci, Monsieur le garde-champêtre. Mesdames et Messieurs, j’ai bien l’honneur de vous saluer.

Sans plus tarder, nous allons procéder à la vente de cette cascade. Mais, au préalable, il me paraîtrait utile de vous la présenter. A cet effet, je me suis assuré les services de Monsieur Sylvain Clouscanouzé, professeur honoraire d’hydro- géologie à l’Université de Toulouse-Les Trois-Cocus. Monsieur Clouscanouzé, voulez-vous avoir l’obligeance de nous faire profiter de votre érudition ? Voulez-vous nous présenter cette cascade ?

 

SYLVAIN CLOUSCANOUZÉ

La cascade de Salles-la-Source, comme son nom semblerait l’indiquer, coule à… (temps d’hésitation, consultation de notes)… à… Salles-la-Source. Elle est constituée pour une part de… (temps d’hésitation, consultation de notes)… de… d’eau, et d’autre part de… de roche. L’eau tombe la plupart du temps (mime à l’appui) de haut en bas et, beaucoup plus rarement, de bas en haut.

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE, après un sifflement d’admiration

Formidaple ! Impressionnant ! On voit bien que Môssieur a fait de hautes études… (A Sylvain Clouscanouzé )Je suis prêt à parier une barrique de Marcillac que vous avez au moins le BEPC…

 

SYLVAIN CLOUSCANOUZÉ, flatté, poursuivant

La mission d’exploration de cette cascade que j’ai eu l’honneur de conduire dans les années 1990 a mis en évidence un phénomène assez peu commun qui pourrait – peut-être – expliquer que l’eau tombe ainsi de cette falaise : il s’agit de la loi de la gravité.

 

MARCEL GLANIOL, dans l’assistance

Oui, c’est grave !

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE

Monsieur Marcel Glaniol, silence, je vous prie ! Ne me forcez pas à vous dresser procès-verbal pour délit de plagiat. N’interrompez pas par des interruptions que je qualifierai d’intempestives, et j’oserai même ajouter inopportunes pour ne pas dire qu’elles tombent mal, l’esposé de Môssieur l’Espert ! (A Sylvain Clouscanouzé) Continuez, Môssieur l’Espert, je vous en prie.

 

 

SYLVAIN CLOUSCANOUZÉ

Poursuivant nos investigations, nous avons conclu à l’existence de tout un réseau hydrographique souterrain à l’origine de la rivière qui alimente cette cascade. Selon toute probabilité, ce réseau souterrain se situerait en majeure partie sous terre…

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE

Ce que c’est, tout de même, que l’instruction !…

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR PICAMARTEL

(Impatienté, au garde-champêtre) Mon brave, n’interrompez pas ainsi Monsieur l’expert, toutes les trois secondes. Sinon, nous n’arriverons jamais au bout de cette vente aux enchères. (A Sylvain Clouscanouzé) Je vous en prie, cher Monsieur, voulez-vous poursuivre et indiquer à l’honorable assistance parmi laquelle se trouve des acheteurs putatifs…

 

ERNEST LAROUMÈGUE, dans l’assistance, l’interrompant

C’est ça : maintenant il nous insulte !

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE

Silence ! Ou je fais, subséquemment, évacuer la salle !

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR, après un haussement d’épaules, poursuivant,

toujours à l’adresse de Sylvain Clouscanouzé

… voulez-vous, dis-je expliquer à l’assistance parmi laquelle se trouvent sûrement des acheteurs putatifs en quoi elle est vraiment intéressante, cette belle cascade de Salles-la-Source qui va être proposée aux enchères dans quelques minutes…

 

SYLVAIN CLOUSCANOUZÉ, reprenant

Oh… il ne me sera pas nécessaire de vous infliger un long exposé. Il me suffira de vous préciser encore ce point que plusieurs années d’observations patientes et minutieuses m’ont permis de mettre en lumière d’une manière quasi certaine : plus il pleut sur le Causse Comtal, là, derrière nous, plus cette cascade coule…

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE

Incroyaple !

 

SYLVAIN CLOUSCANOUZÉ

Et il y a plus étonnant encore, mais il nous faudra plusieurs campagnes d’exploration encore pour le vérifier : moins il pleut sur le Causse Comtal, moins la cascade coule…

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE

Jamais, jamais j’aurais imaginé une chose pareille !

 

SYLVAIN CLOUSCANOUZÉ, montrant à l’assistance un volumineux rapport

Je vous ai donné là l’essentiel du rapport de trois cents pages que j’ai eu l’honneur de communiquer au Ministère de l’Environnement et des Cascades réunis, ainsi qu’à l’Académie des Sciences, sur cette cascade de Salles-la-Source. J’espère que ces quelques éléments vous auront convaincus du caractère exceptionnel – et je dirai même plus : très rare – de la magnifique, spendide, merveilleuse cascade de  Salles-la-Source. Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre aimable attention. Monsieur le commissaire-pisseur, ça fera deux mille euros plus les frais. Je vous ferai passer la facture.

LE COMMISSAIRE-PISSEUR PICAMARTEL

(A Clouscanouzé) Monsieur l’Expert, nous vous remercions vivement pour cette contribution aussi érudite que nécessaire. (A l’assistance) Après cette brillante démonstration, j’espère que vous êtes tous convaincus  de la valeur de cette cascade et que vous saurez le prouver, dans un instant, par la générosité de vos enchères.

Mais avant de procéder à la vente, je vais demander à Monsieur Aimable Pandénas, le dévoué garde-champêtre de Salles-la-Source dont nous avons tous déjà eu l’occasion d’apprécier l’efficacité, de vous expliquer les modalités de cette vente aux enchères telles qu’elles ont été fixées par l’Autorité.

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE, après des roulements de tambour, lisant le

document qu’il tient à la main

« Avisseû à la population… Par décision pour une fois unanime des habitants de Salles-la-Source désireux de se faire un peu de pognon pour aménager un terrain de quilles derrière la salle des fêtes, repeindre le local du 3ème âge et se taper une bonne bouffe un de ces quatre, la cascade de cette localité sera vendue aux enchères pupliques ce jour, samedi 21 août de l’an de grâce 2010 du règne de Sa Majesté Nicolas Bing Bling, empereur de toutes les Sarkozies. Mise à prix : un euro.Tout le monde peut (et je me permettrai personnellement d’ajouter : doit) enchérir. Le lot sera attribué au plus offrant. Mais pour éviter que cette cascade à laquelle la population locale est viscéralement attachée ne tombe entre les mains d’un acquéreur qui en ferait un usage inopportun, l’enchérisseur dernier disant sera tenu de venir séance tenante auprès de Monsieur le commissaire-pisseur expliquer pupliquement le projet qu’il a pour cette cascade. L’assistance décidera si elle peut ou non lui être attribuée. »

Voilà. C’est tout. Que le plus rupin gagne. Môssieur Achille Picamartel, Môssieur le commissaire-pisseur, à vous de jouer.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR, donnant un grand coup de son marteau

Je déclare donc ouvertes les enchères pour la vente de la cascade de Salles-la-Source. Mise à prix donc : un euro. Pour un euro, qui veut acheter la cascade de Salles-la-Source ?

 

On peut supposer que, à partir de là, les enchères vont spontanément fuser dans le public. Sinon, des comparses désignés à l’avance s’en chargeront. Le commissaire-pisseur gèrera ces offres. Après un temps (qui ne doit pas être trop long) intervient l’enchère de Jeannette Pélaprat.

 

JEANNETTE PÉLAPRAT

Quinze mille euros !

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Nous avons ici une enchère à quinze mille euros… Qui dit mieux ? (Sans laisser le temps d’une autre enchère ou faisant la sourde oreille à tout autre enchérisseur) Personne ? (Un léger temps) Non, vraiment personne ? (Un léger temps) Une fois ! Deux fois ! Trois fois ! (Coup de marteau) Donc, Madame, voulez-vous venir nous expliquer ce que vous comptez faire de cette cascade ?

 

Jeannette Pélaprat s’avance jusqu’aux côtés du commissaire-pisseur.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Madame, voulez-vous vous présenter et nous exposer votre projet pour cette cascade ?

 

JEANNETTE PÉLAPRAT

Je m’appelle Jeannette Pélaprat et je demeure à Rodez. C’est bien simple : je vais mettre cette cascade sous un chapiteau en plastique et je ferai payer cinq euros pour la visiter.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Je vais donc demander à l’assistance si elle donne son accord pour ce projet : la mise sous cloche de la cascade de Salles-la-Source aux fins d’exploitation commerciale. Ceux qui sont pour, veuillez lever la main… (Un temps) Maintenant ceux qui sont contre…

 

Des huées, au besoin provoquées par les comparses, accueillent cette proposition d’achat.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Je suis désolé, madame Pélaprat, mais votre proposition est rejetée. Nous reprenons donc les enchères à partir de la proposition qui a précédé celle de cette dame. Qui propose plus de trois mille euros (ou un autre chiffre, selon la situation) ?

 

Diverses enchères se succèdent, éventuellement faites ou provoquées par les comparses, jusqu’à celle d’Arsène Dupain.

 

ARSÈNE DUPAIN, depuis l’assistance

Cinquante mille euros !

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Cinquante mille euros ici. Qui dit mieux ? (Même façon de procéder que précédemment) Une fois ! Deux fois ! Trois fois ! (Coup de marteau) Bien, alors, Monsieur ? Quel est votre projet pour cette cascade ?

 

ARSÈNE DUPAIN, maintenant aux côtés du commissaire-pisseur

Je me présente : Arsène Dupain, limonadier à Espalion. Je vais mettre l’eau de cette cascade en bouteilles après l’avoir rendue potable. L’eau va devenir de plus en plus rare. Et, dans notre business, il nous faut d’ores et déjà penser à faire des réserves.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Monsieur veut embouteiller l’eau de la cascade. Qui est pour ?…  Les contre ?…  (Après un temps de huées comme pour la précédente proposition.) Projet refusé. Monsieur Dupain, vous pouvez disposer. Nous reprenons les  enchères à quarante mille euros…

 

Diverses enchères jusqu’à celle de Charles Lagarbure.

 

CHARLOTTE LAGARBURE

Soixante-dix mille euros !

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Et soixante-dix mille euros ici. Une fois ! Deux fois ! Trois fois ! (Coup de marteau) Madame veut-il avoir l’amabilité de venir jusqu’ici.

 

CHARLOTTE LAGARBURE, aux côtés du commissaire-pisseur

Charles Lagarbure. Je représente l’Office de tourisme de Gavarnie-Gerde dans les Hautes-Pyrénées. Nous rachetons toutes les cascades qui se présentent sur le marché. Nous avons l’intention de créer un circuit touristique des grandes cascades de France. Et même du monde entier. Ce n’est pas trahir un secret puisque, récemment, toute la presse s’en est fait écho : nous sommes  actuellement en pourparler pour racheter les chutes du Niagara.

 

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Qui est d’accord pour cette vente ?… Qui n’est pas d’accord ?…. Madame Lagarbure, votre projet est sûrement intéressant mais les habitants de Salles-la-Source ne semblent guère disposés à céder leur cascade à Gavarnie. Reprenons à soixante-cinq mille euros…

 

Diverses enchères jusqu’à celle de Ursule Picvert.

 

URSULE PICVERT

Cent mille euros !

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

On nous propose cent mille euros ici. Une fois ! Deux fois ! Trois fois ! (Coup de marteau) Si ce Monsieur veut bien s’avancer…

 

URSULE PICVERT

Ursule Picvert. J’ai l’intention de détourner l’eau de cette cascade sur une micro centrale élecrique pour vendre du courant à EDF.

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE, qui explose de rire

Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! Il veut détourner l’eau de cette cascade… hi ! hi ! hi !… sur une micro centrale… hi !hi !hi !… pour faire du courant électrique… hi !hi ! hi ! hi !

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR, lui-même gagné par le fou-rire

Hi ! Hi ! Hi ! Une idée pareille, où c’est qu’il va la chercher ! ! Hi ! Hi ! Hi ! Détourner l’eau de cette… hi ! hi ! hi !… cascade… hi ! hi ! hi !… sur une… hi ! hi ! hi !… micro centrale… hi !hi !hi ! hi !… pour faire du courant électrique… hi ! hi ! hi !… Ça, il fallait vraiment y penser !

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE

On prend l’eau de la cascade… On la détourne…. Et on appelle ça encore une cascade… Hi ! Hi ! Hi ! Celle-là, elle est bien bonne ! Il faudra que je la raconte ! Hi ! Hi ! Hi !

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Hi ! Hi ! Hi ! On détourne l’eau de la cascade… hi ! hi ! hi !… et on dit toujours que c’est une cascade ! Hi ! Hi ! Hi ! (À Ursule Picvert) Je vois que Monsieur a le sens de la plaisanterie. (Au public) Je vous demande d’applaudir Monsieur Picvert qui a décidément beaucoup de talent pour ce petit intermède humoristique.

Applaudissements du public, les comparses faisant la claque.

LE COMMISSAIRE-PISSEUR, redevenant subitement sérieux

Nous reprenons les enchères à quatre-vingt dix mille euros…

Diverses enchères jusqu’à celle de La Muse.

 

LA MUSE

Cent mille euros !

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Cent mille euros proposés par cette dame. Une fois ! Deux fois ! Trois fois ! (Coup de marteau)Que Madame veuille bien avoir l’obligeance de venir nous expliquer l’usage qu’elle entend faire de cette cascade.

 

LA MUSE

C’est pour aller avec une chanson. J’achète la jolie cascade de Salles-la-Source pour aller avec cette si belle chanson.

(Elle chante a capela « L’eau vive » de Guy Béart. Et puis, une fois qu’elle achanté)

Il y a plein de chansons qui peuvent aller avec une cascade… Tenez, écoutez encore…

UN CHANTEUR

… vient alors interpréter en occitan « Jol pont de Mirabèl ».  Quand il a fini :

 

LA MUSE

C’était juste pour le plaisir de chanter et faire chanter devant la cascade de Salles-la-Source. Comme je n’ai pas le premier sou, je vous la laisse. Salut ! Prenez-en soin.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

On peut les applaudir quand même, nos chanteurs.

(Après les applaudissements) Reprenons donc les enchères à quatre vingt dix mille euros.

Diverses enchères jusqu’à celle deRonald Waterploof.

 

RONALD WATERPLOOF

Cent millions d’euros !

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE

Cent millions d’euros ! Macarel de puta !

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR, qui manque défaillir

Heu… je voudrais être sûr d’avoir bien entendu… Commbien proposez-vous, Monsieur, pour cette cascade ?

 

RONALD WATERPLOOF

Cent millions d’euros ! Soixante dix millions de dollars si vous préférez !

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE

Aco ne fa ben tot un modòl ! (Ça en fait bien un tas !)

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Une fois ! Deux fois ! Trois fois ! (Coup de marteau. Par-devers lui) Té pardi, quand j’aurai pris mes quinze pour cent là-dessus, j’aurais plus besoin d’aller faire le zouave ailleurs, avec mon marteau ! (A Ronald Waterproof) Eh bien Monsieur, si vraiment votre offre est sérieuse, veuillez venir nous expliquer votre projet pour cette cascade. Nous ne doutons pas qu’à ce prix il soit mirobolant.

 

RONALD WATERPLOOF, aux côtés du commissaire-pisseur

(Saluant le public) Hello ! Je suis Ronald Waterploof, directeur délégué de la Gastro Goldwyn Mayer. Nous avons décidé de déménager la cascade de Salles-la-Source dans nos studios d’Hollywood. Elle servira de décor naturel pour le tournage de certains de nos films. Nous pouvons aussi racheter tout le village. Et aussi les habitants de Salles-la-Source s’ils sont O.K, Pourquoi pas ?

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Eh bien mais voici un projet extrêmement séduisant, qui mérite d’être examiné avec attention…(Huées du public) Non, vous ne trouvez pas ?

 

ERNEST LAROUMÈGUE, dans l’assistance

Guignol, va ! Commissaire-pisseur de mes deux ! Vendu !

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Euh… qui est pour ? (Concert de huées) Les contre, levez la main… Euh, Monsieur Waterplouf, votre projet tombe à l’eau… si j’ose m’exprimer ainsi. (Par-devers lui) Et par la même occasion, ma jolie commission aussi. Une affaire comme celle-là, je n’en retrouverai pas une autre sous mon marteau de toute ma carrière. (A l’assistance) On reprend les enchères à… à combien, pour trouver quelqu’un qui ait enfin l’heur de vous plaire ! On ne va pas y passer la nuit, quand même ! Allez, hop… c’est reparti à cent mille euros… Et maintenant, faudrait pas que ça traîne… Bon, cent vingt mille euros ici… qui dit mieux ?

 

Diverses enchères jusqu’à ce que se fasse  entendre un brouhaha à l’autre bout de l’assistance. Le président de la République en personne fend la foule, précédé par des laquais porteurs de bâtons qui font s’écarter les gens aux cris de « Place ! Place, manants ! », « Allons, bande de peuple ! Espèce de foule ! Vulgus pécus, laissez passer notre valeureux Président ! », « Place, place, à Nicolas Sarko Ier, Empereur de toutes les Sarkozies ; roi de tous les Sarkoziens ! ». Le Président s’avance jusqu’au premier rang, monte au côté du commissaire-pisseur.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR, s’inclinant profondément devant le nouveau venu

Mon Président, quel honneur !

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE, se mettant au garde à vous

Avisseû  à la population ! Présentez armes !

 

LE PRÉSIDENT

Repos ! Pas de chichi,  pas de gnagna. Je glande ici incognito. Et je voudrais pas perdre de temps. Faut encore que je passe au ministère des Finances, à celui de l’Intérieur, aux Affaires Etrangères, à l’Agriculture et  à l’Education… Si je fais pas le boulot à la place de tous ces incapables, qui le fera, je vous le demande.

Bon, alors… votre cascade, je vous en offre deux cent mille euros. C’est pour offrir à Carla. Une cascade de diamants, ça devrait faire plus bling bling qu’une rivière de diamants. Allez, commissaire-pisseur, marché conclu. Topez-là. On vous enverra le chèque. Vous me faites livrer la cascade à l’Élysée.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR, frappant un grand coup de son marteau

Adjugé !

 

Huées dans l’assistance.

 

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE

Heu… monsieur le commissaire-pisseur… subséquemment… j’aimerais vous rappeler un point du règlement…

 

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Bon, bon, ça va… (Par-devers lui) Et en plus ils vont me faire mal voir de l’Élysée. Ah ! Tu parles d’une journée ! (À l’assistance) Bon, qui est pour refiler la cascade au Président ? (Après un temps occupé par un concert de huées, au président) Vous en faites pas, Monsieur le Président, je vous en trouverai une autre, de cascade. Une plus plus belle. Avec plein de diamants bling bling à sertir dessus.

Le Président repart en rage.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Bon… Puisque cent millions d’euros, ça vous laisse de marbre, puisque le Président en personne venant enchérir, ça vous indiffère, compte tenu que je n’ai pas l’intention d’y être encore à la Saint Glinglin, on remet les compteurs à zéro. On repart à un euro. Pour un euro … qui achète la cascade de Salles-la-Source ?

 

BAPTISTE (ou VIRGINIE), un enfant

Moi !

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Toi ? Mais tu es tout jeune… La loi ne nous autorise pas à accepter les enchères d’un mineur…

 

LE GARDE-CHAMPÊTRE

Subséquemment, en effet… le règlement…

 

BAPTISTE (ou VIRGINIE), qui est monté(e) aux côtés du commissaire-pisseur

Oh dites, votre règlement… la cascade ne l’a pas attendu pour couler. Et, mineurs ou pas mineurs, qu’est-ce que nous sommes tous à côté d’elle qui pousse sa chanson ici depuis des millions d’années. Je vous propose un euro pour cette cascade. Je les ai dans ma trirelire. Je peux aller vous les chercher tout de suite si vous voulez.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Admettons.. Et qu’est-ce que tu comptes en faire, mon petit (ma petite) de cette cascade ?

 

BAPTISTE (ou VIRGINIE)

Rien ! Juste l’offrir aux habitants du village de Salles-la-Source. Et à tous les visiteurs qui aiment les merveilles de la nature. La laisser couler en paix. Lui donner sa liberté. Ecouter sa chanson qui varie selon les jours et les saisons. Cette chanson tantôt douce comme un soir d’été, tantôt vive comme l’eau du printemps qui bouillonne sous le causse. Une cascade, ça n’est pas fait pour servir à autre chose qu’à rêver.

 

LE COMMISSAIRE-PISSEUR

Qui est d’accord avec cette proposition ? La cascade de Salles-la-Source attribuée pour un euro à ce jeune homme (cette jeune fille)… (Après un temps de cris d’approbations et d’applaudissements de l’assistance) Une fois ! Deux fois ! Trois fois ! (Coup de marteau final)Adjugé !

 

vente cascade

La population de Salles-la-Source unanime défend « sa cascade »

 

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