Le préfet qui se réclamait du dialogue…

 

Le nouveau préfet de l’Aveyron, Jean-Luc Combes, a pris ses fonctions le 13 octobre 2014. Il s’est réclamé dans la presse comme « privilégiant le dialogue » (La Dépêche – 14 octobre 2014),  « homme de dialogue » (Journal de Millau – 14 octobre 2014). Dans Centre-Presse du 14 octobre également, il déclarait : « Je ne peux pas concevoir autre chose que la voie du dialogue,  j’aime bien aller sur le terrain et aller à la rencontre des gens. Rien ne vaut le contact direct ».

C’est dire si « Ranimons la cascade ! »  qui lui avait adressé, dès le 10 octobre 2014, une lettre de prise de contact sollicitant un rendez-vous, afin qu’elle soit sur son bureau le jour de sa prise de fonction, était plein d’espoir…

Las, cette lettre n’a reçu a ce jour aucune réponse. Par contre le nouveau préfet n’a pas perdu de temps pour signer les deux mémoires en réplique, les 16 et 17 octobre 2014,  qu’ils nous a adressés. Ces deux mémoires concernent le recours en annulation de l’arrêté du 10 décembre 2012 et le recours contre la décision implicite de rejet de la mise en demeure du préfet (en ce temps là, Cécile Pozzo di Borgo) du 2 juillet 2013. Voici quel était le contenu de lettre restée sans réponse. Elle est un bon résumé de la situation :

lettre-prefet-jean-luc-comb

Lire la lettre sous pdf

« Monsieur le Préfet,

Nommé Préfet de l’Aveyron, vous allez être mené à examiner la demande de renouvellement d’autorisation d’exploiter de la Société Hydroélectrique de la Vallée de Salles-la-Source, au sujet duquel plusieurs recours en justice sont pendants.

Par une conduite forcée de 850 m, détournant l’eau depuis un lac sous-terrain situé à l’intérieur de la falaise, celle-ci prive depuis bien longtemps la commune d’une de ses principales ressources, ses ruisseaux et cascades, dont en particulier la « grande cascade », joyau naturel de grande valeur à laquelle ses habitants sont extrêmement attachés et qui est l’identité de ce village en même temps qu’un fantastique levier de développement sur ce territoire touristique et préservé entre Rodez et Conques.

Il est à noter que cette exploitation se fait pour une quantité minime d’énergie produite, équivalente à une demi-éolienne, et un revenu annuel déclaré par l’exploitant à peu près nul.

Ce dossier d’autorisation a fait l’objet depuis l’enquête publique de juin 2010 de nombreuses protestations tant des habitants que de personnalités du monde culturel et politique et d’une médiatisation intense, jusqu’ici sans résultat tangible.

Au cours de ces démarches, les services de l’État ont été peu collaboratifs, refusant à plusieurs reprises, et malgré plusieurs avis de la CADA qui nous étaient favorables, de nous communiquer des pièces importantes du dossier.

Aussi notre association « Ranimons la cascade ! » a-t-elle dû engager contre la Préfecture de l’Aveyron (et la DREAL de Midi-Pyrénées) plusieurs recours devant le Tribunal Administratif.

En ce qui concerne le « dossier de fin de concession » (rappelons que celle-ci, signée en 1980 est achevée depuis le 31 décembre 2005 !), malgré d’innombrables promesses, l’État refuse toujours de nous le communiquer et cela nous a conduits à déposer un recours en annulation le 4 juin 2013.

L’exploitant par ailleurs se refuse à présenter les titres de servitude à un habitant de Salles-la-Source sur une des parcelles traversée par la conduite forcée, celui-ci gagnant un procès en première instance qui a condamné le pétitionnaire à démonter la conduite forcée.

Face à cette décision de Justice (depuis deux ans en attente d’un jugement en appel…), Madame Pozzo di Borgo, qui vous a précédé, a pris un « arrêté de sursis à statuer », le 10 décembre 2012, contre lequel nous avons dû également déposer un recours, le 24 juillet 2013, sans que vos services n’aient encore répondu à notre requête.

Enfin nous avons mis en demeure en juillet 2013 la préfecture de suspendre l’exploitation de l’usine électrique hydroélectrique, par un dossier fort argumenté, et sans réponse de sa part, avons attaqué cette décision au Tribunal Administratif le 4 novembre 2013, sans réponse non plus depuis lors à notre requête.

Nous avons par ailleurs signalé à plusieurs reprises à la Préfecture et aux services fiscaux la situation des comptes déposés au tribunal de Commerce de cette entreprise qui laissent apparaître d’innombrables erreurs -pour ne pas dire de fraudes- répétées d’années en années, et qui jettent le trouble sur l’attitude de l’État face à cette entreprise au curieux comportement, sans parler d’une absence de capacité financière incompatible avec la responsabilité d’un tel projet. Devant cette inertie des services de l’État, un signalement a été fait au Procureur de la République en septembre 2013 et une enquête est en cours.

Au cours de ces années, nous avons aussi vu apparaître, en 2012, une mystérieuse convention secrète, signée en catimini, entre l’État et l’exploitant en 2006, modifiant les clauses de la fin de la concession et conservée jusque là dans le plus grand secret.

Nous avons vu apparaître une lettre d’intention de poursuivre l’exploitation, datée du 31 décembre 1998, en totale contradiction avec plusieurs courriers préfectoraux indiquant que cette demande n’avait jamais eu lieu et « curieusement » sans la moindre preuve d’arrivée de ce courrier au ministère dans les délais légaux si ce n’est une réponse de mars 1999 dont, « curieusement » également, le Ministère ne possède plus l’original…

L’État a toujours défendu, à contre-courant de toute jurisprudence, que l’installation « entièrement nouvelle »  de 1932 disposait de Droits Fondés en Titre – donc d’avant la Révolution Française, se refusant à dénoncer d’incroyables passe-droits qui lui avaient été accordés dans le passé.

L’exploitant multiplie les procès contre la commune pour ne pas payer de redevance ni de taxe d’occupation du domaine public, privant les habitants de Salles-la-Source d’importantes ressources financières auxquelles ils auraient droit. Pour ce faire, il s’appuie habilement sur les revirements de position de l’Administration.

En effet, le Ministère reconnaît aujourd’hui l’illégalité du « délai glissant » au nom duquel l’État a pourtant permis à l’entreprise de turbiner depuis la fin de la concession en 2005. Car nous sommes ici dans le cas bien particulier des anciennes concessions qui, du fait de leur faible importance, sont aujourd’hui soumises au régime de l’autorisation depuis la loi de juillet 1980.

Signalons en outre que la nouvelle Municipalité de Salles-la-Source, élue en mars 2014, a pris clairement position contre ce projet, lui préférant le développement et la mise en valeur du patrimoine historique, hydrogéologique, environnemental et paysager du site de Salles-la-Source.

Précisons également que la visite de contrôle obligatoire de sécurité du barrage sous-terrain n’a toujours pas eu lieu dans les conditions légales prévues, et ce depuis le 31 décembre 2012, et rappelons qu’en cas de rupture de celui-ci ou de tout autre problème concernant la sécurité, sur lesquels nous avons à de multiples reprises alerté la Préfecture, le Préfet aura une responsabilité toute particulière en ce domaine.

Ajoutons encore que l’obligation de débit réservé au niveau du barrage souterrain, obligatoire depuis le 1er janvier 2014, n’est toujours pas appliquée…

Vous l’aurez compris, nous menons et mènerons jusqu’à son terme le combat pour préserver ce patrimoine exceptionnel auquel nous sommes particulièrement attachés et dans ce but, veillerons à ce que la loi dont vous êtes le garant soit appliquée à Salles-la-Source.

C’est bien sur vous et vous seul, nouveau Préfet de l’Aveyron, ainsi que le Ministère nous l’a récemment confirmé, que repose désormais l’avenir de ce site et la responsabilité de ce dossier que vos prédécesseurs n’ont pas pu trancher.

Dans l’attitude de dialogue que nous avons toujours souhaitée avec l’Administration, et qui n’est cependant pas incompatible avec la dénonciation des incroyables injustices que nous subissons, nous sollicitons un rendez-vous pour vous rencontrer et vous éclairer sur ce dossier sur lequel nous travaillons de manière permanente depuis juin 2010, aidés de multiples personnes compétentes.

Dans l’espoir d’une réponse positive, je vous prie de croire, monsieur le Préfet, à l’assurance de ma considérations distinguée.

Pour le conseil d’Administration,

le président,

Bernard Gauvain.

Copie pour information à M. Hubert Ferry-Wilczeck, Directeur de la DREAL Midi-Pyrénées »

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Jean-Luc Combes, préfet de l’Aveyron depuis le 13 octobre 2014

3 Responses to Le préfet qui se réclamait du dialogue…

  1. […] Le préfet qui se réclamait du dialogue…  (1 décembre 2014) […]

  2. MATHIEU dit :

    l’Administration dans sa totalité au ordres de gérant de la SHVSS pour, à défaut d’étouffer l’affaire, la faire trainer le plus longtemps possible ! Est ce pour cela que nous payons des impôts ?
    Même la Justice semble s’y mettre, cela fait maintenant deux ans et demi que l’ jugement en appel est en attente auprès de la Cour d’appel de Montpellier.
    C’est pas croyable, cette famille doit avoir des dossiers compromettants remontant à l’après guerre, ce n’est pas possible autrement !

    • Informons sans relâche, médiatisons, expliquons. Mettons à profit ce temps que nous « accorde » l’Administration pour convaincre toujours plus largement. La démocratie n’est jamais gagnée et il dépend de chacun de nous de la faire vivre… Transparency International a calculé qu’il y en moyenne 9 ans et demi entre les faits reconnus délictueux et la condamnation de l’Etat par la Justice.

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