Feu-vert des juges toulousains au pillage de Salles-la-Source

Sous ce titre, « Ranimons la cascade » communique :

« Si rien ne vient démentir la toute récente décision que viennent de rendre les juges du Tribunal Administratif de Toulouse, la Société Hydroélectrique va pouvoir in aeternum rester à Salles-la-Source. Et continuer tranquillement à détourner à son profit l’eau de la cascade, comme elle a commencé à le faire dans les années 1930 sans la moindre autorisation, au mépris de plusieurs meuniers locaux.

En vertu de droits d’eau fantômes

Cette fois, c’est l’État qui avait le privilège de l’un des innombrables procès intenté par M. Guibert, le gérant de la Société hydroélectrique. Il attaquait l’arrêté de fermeture de la microcentrale pris par la préfecture en août 2016.
Ce 9 avril, les juges toulousains ont donné raison au préfet et à l’État sur leur refus d’autoriser la Société hydroélectrique à exploiter une nouvelle usine dotée d’une conduite forcée de plus gros diamètre qui accroîtrait sa capacité.
En revanche, ils reconnaissent à cette même Société le droit de continuer à turbiner 400 litres/secondes, soit une puissance de 530 KW. Et cela en vertu de prétendus droits d’eaux qu’elle aurait acquis. Les juges s’appuient là-dessus sur une décision du Conseil d’État de 1972. Peu leur importe d’y aller voir de plus près et de constater sur quel énorme « malentendu » reposait cette décision. Les « droits fondés en titre » sont effet des droits d’usage de l’eau exclusivement réservés aux installations gardées en état de marche depuis la Révolution.
Or à Salles-la-Source, curieusement, une installation qualifiée « d’entièrement nouvelle » par le Conseil d’État en 1946, a pu mystérieusement en bénéficier, devenant ainsi la seule installation de France construite au XXème siècle et bénéficiant de droits antérieurs à la Révolution Française !

D’inexplicables privilèges 

Cette décision n’est pas seulement révoltante. Elle ne témoigne pas simplement du plus parfait mépris pour le long travail de la Mission interministérielle qui avait été spécialement dépêchée sur place en 2015. Son rapport final concluait sans la moindre équivoque au « fiasco administratif depuis l’origine » et pointait la somme des irrégularités commises par la Société hydroélectrique. Ce n’est pas seulement injuste vis-à-vis des efforts menés depuis dix ans maintenant en tout désintéressement par les bénévoles de notre association et tous ceux qui les soutiennent. C’est inadmissible du point de vue de la simple démocratie et de la légalité républicaine. C’est hautement préjudiciable pour le développement local : pour des intérêts privés et une production d’énergie équivalant au quart d’une éolienne moyenne, on stérilise la Grande Cascade, fleuron d’un site très visité. Pour toutes ces raisons, nous ne baissons pas les bras. Nous attendons avec impatience de savoir maintenant quelle sera la réaction de l’État. Ce changement de Société auquel nous appelle urgemment la conjoncture, pour nous, c’est ici qu’il doit commencer… avec l’abolition d’inexplicables privilèges. « 

Rappel de la situation en quelques photos :

Chaussée Saleilles : à l’emplacement du chemin, se situait la chaussée réservoir des moulins de Salles-la-source (« Chaussée Saleilles ») et les vannes qui alimentaient le premier moulin Saleilles. Cette chaussée a été détruite et la réserve d’eau comblée en 1931
Un barrage souterrain a été construit en 1931 à l’intérieur de la falaise dans la partie souterraine de la rivière d’où sont issus le créneau et la gorge au loup (trait rouge). Cette galerie avait été explorée pour la première fois par le spéléologue Martel vers 1890.
Durant la concession accordée à la SHVSS de 1980 à 2005, celle-ci va construire, toujours sans autorisation, un deuxième barrage (en bas de l’image) ce qui va lui permettre d’augmenter de manière significative sa réserve d’eau
Une nouvelle galerie a alors été construite artificiellement pour faire passer la conduite forcée à l’intérieur de la falaise
La conduite forcée traverse le village par un circuit totalement différent de celui des anciens canaux alimentant les anciens moulins
La conduite forcée rejoint l’usine électrique nouvelle construite en 1931, bien en aval du dernier des anciens moulins
Sans aucune vérification, le Conseil d’Etat avait exigé en 1972 que la SHVSS demande une concession au motif que la puissance supérieure aux (supposés) droits fondés en titre était elle-même supérieure au seuil exigé pour les concessions.
La SHVSS en déduira qu’elle avait un droit indéfini « fondé en titre » sur l’installation.
50 ans après les mensonges se perpétuent et la parole des inspecteurs dépêchés par le Ministère de l’Environnement n’est pas entendue. Pas plus que celle de la Préfecture. pas plus que celle de la municipalité. Pas plus que celle de « Ranimons la cascade ! »
Lors du jugement rendu le 9 avril 2020, suite à l’audience du 13 mars, le tribunal Administratif a à nouveau entériné les mensonges de la SHVSS, en se réclamant de la décision du Conseil d’Etat de 1972… Salles-la-Source reste donc le seul lieu de France où un barrage construit en 1931 possède, par des décision de Justice, des droits spécifiquement réservés aux installation datant d’avant la révolution Française !

Rappel, le 22 avril 2016, le Préfet et les délégués du ministère de l’Environnement et des Finances avaient solennellement annoncé la fin de la SHVSS. Mais c’était sans savoir encore que la SHVSS se situe au dessus de l’Etat… :

Centre-Presse – 23 avril 2016
La Dépêche du Midi – 23 avril 2016

8 Responses to Feu-vert des juges toulousains au pillage de Salles-la-Source

  1. Dominique dit :

    Selon que vous serez puissant ou misérable… Assurément la SHVSS a de très bons réseaux.

    • En tous cas, on est devant des juges qui ne prennent même pas la peine de répondre aux points essentiels développés dans nos mémoires… Et on se retrouve avec une concession achevée depuis décembre 2005 qui n’a jamais été clôturée administrativement …et n’est pas prêt de l’être. La balle est maintenant dans le camp de l’Etat.

  2. Claire de M dit :

    Jusqu’ici, je m’efforçais de « faire confiance » à la Justice, mais là, je commence à avoir de sérieux doutes sur l’intégrité (ou la paresse intellectuelle ?) de certains juges…

  3. Ergé dit :

    Le public n’est-il pas en droit de connaitre la réponse des juges au préfet Laugier qui écrivait dans son mémoire du 25/10/2017, page 8: « La réglementation ne permet pas de délocaliser des droits fondés en titre, la transformation des installations primitives les rendant caducs, …….. Le maintien des droits fondés en titre étant lié à leur emplacement, il n’était pas possible de les conserver en les cumulant sur un seul point délocalisé. »
    Le préfet Laugier, qui agissait au nom de l’Etat, a-t-il, vis-à-vis du public et d’après les juges, dit vrai, ou faux ?

    • Dominique dit :

      On voit bien que les juges répètent en boucle, de jugement en jugement, que la décision a été tranchée définitivement en 1972. Peu importe que ce ne soit pas la question posée aux juges en 1972 et que cette décision repose sur un tissu de mensonges…
      Peu importe que le préfet reconnaisse son erreur aujourd’hui…
      Ses prédécesseurs n’avaient pas à cautionner une arnaque.
      Je crois que si le Conseil d’État avait décidé en 1972 que la tour Eiffel était à Salles-la-Source, les juges administratifs de Toulouse n’oseraient pas aujourd’hui remettre en cause cette décision !
      Le courage ne semble pas une vertu des mieux partagées.

  4. Ergé dit :

    Les « curiosités » de Salles-la-Source.
    Le Conseil d’Etat aurait, en effet, pu faire admettre que la tour Eiffel était à Salles-la-Source. Mais il y a mieux que çà.
    Il y a, à Salles-la Source, une curiosité autre que la Grande Cascade, et encore inconnue du grand public.
    Pour la découvrir, il suffit de se reporter au rapport officiel du 10 juillet 1978 par lequel l’administration a proposé au Ministre de l’Industrie de signer le décret de concession.
    Ce rapport affirme, page 2, § 4, que la Société, demandeur de la concession par son gérant Bastide, est propriétaire d’une puissance fondée en titre de 530 kW, dont il peut disposer à sa guise, avec un débit dérivé de 400 l/s.
    Cette puissance de 530 kW est celle d’un moulin unique, équivalent aux anciens moulins, que Brugidou avait inventé en 1940, mais avec un débit dérivé qui n’était pas de 400 l/s, mais de 475 l/s.
    Pourquoi cette différence de débit entre Brugidou (475l/s) et Bastide (400 l/s), alors que les moulins équivalents devraient être les mêmes puisque que leurs puissances fondées en titre sont identiques ?
    C’est pare que les moulins Brugidou et Bastide, déclarés équivalents aux anciens moulins, ne sont pas les mêmes par leur hauteur de chute de 113,50 m chez Brugidou et de 133,80 m chez Bastide.
    Ce dernier a tout simplement considéré que le cheminement de l’eau de son moulin équivalent était identique à celui des eaux qui alimentent l’usine, c’est-à-dire:
    – que sa prise d’eau dans le barrage souterrain est à la soi-disant « source » du Créneau déclarée par Bastide au Conseil d’Etat en 1946;
    – que sa restitution est identique à celle de l’usine de la Crouzie;
    – donc que son canal est identique à celui de la conduite forcée.
    D’où l’énorme absurdité d’un tel propos qui voudrait faire croire que les moulins d’avant 1789 étaient alimentés par une conduite forcée construite seulement en 1931.
    Autre absurdité: La Société n’est pas « propriétaire » de droits fondés en titre puisque la doctrine officielle veut que les droits fondés en titre sont des droits d’usage, et non des droits de propriété.
    Autre absurdité: La vraie source du Créneau, celle qui « sort de terre » est à la Grande Source, et non dans la retenue du barrage souterrain.

    Décidément, on tient à nous faire « avaler des couleuvres ».

  5. Tom dit :

    La forte proximité entre les juges administratifs du sud-ouest (Toulouse et Bordeaux) et la SHVSS est préoccupante mais elle commence à se voir quand jugement après jugement, c’est toujours à celle-ci que vont ses préférences.
    Rappelez-vous quand, 8 jours avant le jugement en référé de décembre 2016, l’employé de l’usine électrique annonçait déjà à la cantonade qu’il allait de nouveau turbiner…
    Selon l’argumentaire que j’ai vu dans vos mémoires, il y avait trop d’éléments troublants pour qu’un juge de bon niveau ne soit pas interpellé.
    Aucun d’ailleurs n’est repris sérieusement dans le jugement…

  6. Berger dit :

    « C’est inadmissible du point de vue de la simple démocratie et de la légalité républicaine » Tout est dit ! Le doute s’insinue… Peut-on imaginer copinage ou corruption des juges ? Il y aurait une vraie matière pour un journaliste d’investigation…

Répondre à Claire de M Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *