D’abondantes eaux s’amassent en grondant, en arcs de diamant s’élancent dans la plaine…

Le poème ci-dessous de 1835 est cité dans l’ouvrage de la poétesse romantique Pauline de Flaugergues, « la grandeur et la bonté de Dieu ». Elle en est sans doute l’auteur. Ce poème est absent d’une autre version de cet ouvrage déjà présentée sur ce site.

Originaire de Cougousse, elle a gardé du territoire de son enfance une nostalgie qui traverse l’ensemble de son œuvre. Avec toute une imagerie romantique et religieuse mêlées, la cascade est cœur de ses souvenirs et c’est là l’intérêt de ce poème. Salles-la-Source est ici présenté comme un « port tranquille », un « réduit enchanteur », un havre de paix et comme une sorte de paradis perdu dans le souvenir duquel Pauline de Flaugergues, mélancolique et exilée loin de son petit village, aimera se ressourcer :

SALLES-LA-SOURCE

J’aime tes clairs ruisseaux, tes roches verticales,
De ton sol tourmenté, les couches inégales.
J’aime tes frais coteaux de pampres ombragés,
Et tes triples hameaux sur l’abîme étagé,
J’aime ton ciel d’azur, tes retraites sauvages,
Et tes flancs caverneux sillonnés par les âges.
Qu’il était beau le jour où mon pied voyageur
Du sentier tournoyant franchit la profondeur !
Alors c’était le temps où le souffle d’automne
Aux vergers dépouillés enlève leur couronne.
Du hêtre, du noyer grandis en ces climats,
Les feuilles en tombant se froissaient sous mes pas ;
Et comme un doux regard qui dans l’âme flétrie
Dissipe la langueur et la mélancolie,
Des brouillards du matin perçant l’épais rideau,
Un rayon du soleil animait ce tableau
Amitié, trésor des sages, heureux trésor du ciel,
C’est toi qui nous guida vers ces lointaines plages !
Dirais-je que tes soins précédant nos désirs,
Pour enchanter notre âme et doubler nos plaisirs,
Tu nous fis arriver par des routes fleuries,
de surprise en surprise au séjour des fééries,
Mon œil embrasse encor cet aspect ravissant,
Là d’abondantes eaux s’amassent en grondant,
Et du front sourcilleux de la roche hautaine,
En arcs de diamant s’élancent dans la plaine.

Leurs plis onduleux
Que le soleil dore,
Plus changeans encore
que l’iris des cieux
Se teignent des feux
Dont la fraiche aurore
Brille et se colore.
Un vaste bassin
Que le flot sillonne
Reçoit dans son sein
l’eau qui tourbillonne.
De tièdes vapeurs
Dans l’air balancées
Tombent nuancées
De mille couleurs.
Longeant la cascade,
Sous sa blanche arcade,
A peine effleurant
D’un pied frémissant
L’humide surface
Du rocher glissant.
Le voyageur passe
Et l’eau du torrent
Bondit sur sa trace

Mais quel est ce tranquille port,
Ce réduit enchanteur, qui sous la roche nue,
Etonne et réjouit la vue ?
Le scolopendre en tapisse le bord,
Le bouleau satiné,
Le groseiller sauvage,
Y cherchent la fraicheur, y trouvent leur ombrage.
De cette grotte aux sinueux détours,
Une mousse légère embrasse les contours
Par de longs filamens de soie,
Se suspend à la voûte et sous ses pieds se ploient,
Telle qu’un chatoyant velours.
Ici l’œil n’aperçoit que verdoyantes routes,
Qu’opale, perle, diamant,
De la vaste coupole au loin se dégageant.

……………………………

Que je voudrais de mes jours ignorés
Borner ici ma course solitaire !
C’est là, sur ce coin de terre,
Qu’ils passeraient plus purs que les flots azurés
Sur l’arène mouvante en filons égarés.
Là, mes regards mélancoliques
Iraient se reposer au déclin d’un beau jour,
Tantôt sur les créneaux gothiques
Et tantôt sur la vieille tour

De l’antique manoir qui borne ce séjour.
Dans les émotions d’un penser doux et triste,
Point n’oublierai la croix à l’ombre du noyer,
Du généreux pasteur, le toit hospitalier,
L’église qu’il dessert, l’indigent qu’il assiste,
L’ami qui se réchauffe à son humble foyer,
Ni le petit jardin du bon séminariste,
Edem battu des vents, qui des flancs du rocher,

Semble prêt à se détacher,
Lorsque du soir, la lampe suspendue,
Repose sur la nue

Où glisse sur les flots comme un tissu d’argent.
J’irai me recueillir à la voix du torrent,
Sous la roche où s’assied le pâtre.
Je sonderai l’abîme ; et les sombres courants
Qui vont grossir son eau blanchâtre
M’offriraient le tableau de nos rapides ans.
Poussés sur les écueils vers le gouffre des temps,
Si parfois l’amitié, doux charme de la vie,
Venait au fond de ces déserts,
Interrompre ma rêverie,
Ces grottes, ces vallons, ces rochers dans les airs,
Ces gazons parfumés où tremble la rosée,
Me sembleraient plus beaux que l’Elisée,
Et plus vastes que l’univers.

Mme C. S. J.

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