Au nom du peuple français…

Le jugement du TGI de Rodez du 16 novembre 2012 par Geneviève Brian-Barraguet (Photo DDM) pourrait bien constituer un tournant dans l’affaire de la microcentrale de Salles-la-Source. Ce conflit privé aura probablement d’importants retentissements sur la décision d’autorisation.

On voit désormais mal en effet comment, dans un état de droit, la préfète pourrait désormais aller contre cette décision de Justice et signer l’autorisation d’exploiter à l’usine hydroélectrique.

Ci-après le jugement rendu « au nom du peuple français » :

MINUTE DU JUGEMENT DU 16 Novembre 2012

DOSSIER N°: 11/00346

AFFAIRE : Brigitte BOUVET DE LA MAISONNEUVE épouse MATHIEU C/Société HYDRO-ELECTRIQUE DE LA VALLEE DE SALLES LA SOURCE – ETABLISSEMENTS AMEDEE VIDAL

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ

Affaires Contentieuses CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Geneviève BRIAN BARRANGUET,

Statuant par application des articles 801 à 805 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.

GREFFIER : Véronique CARVALHEIRO, 

PARTIES : 

DEMANDERESSE

Mme Brigitte BOUVET DE LA MAISONNEUVE épouse MATHIEU, demeurant Les Ondes – Place de l’Eglise – 12330 SALLES LA SOURCE

représentée par Me François Xavier BERGER, avocat au barreau de l’Aveyron 

DEFENDERESSE

La Société HYDRO-ELECTRIQUE DE LA VALLEE DE SALLES LA SOURCE – ETABLISSEMENTS AMEDEE VIDAL, dont le siège social est sis 12330 SALLES LA SOURCE

représentée par Me Elian GAUDY, avocat au barreau de l’Aveyron

Clôture prononcée le : 01 mars 2012

Débats tenus à l’audience du : 21 Septembre 2012

Date de délibéré indiquée par le Président : 16 novembre 2012

Jugement prononcé par mise à disposition au greffe à l’audience du 16 Novembre 2012, 

EXPOSE DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES 

Madame Brigitte MATHIEU est propriétaire d’une parcelle cadastrée BH 191 en nature de pré sise commune de SALLES LA SOURCE, tenant ses droits de son oncle Monsieur Henri MAGNIN, dont elle est la légataire universelle, qui lui même était titulaire des droits sur cette parcelle en vertu d’un acte de liquidation partage reçu le 15/03/1935 par Maître MOULONGUET, notaire à Bayonne.

Par acte d’huissier en date du 23/02/2011, elle a fait assigner la société HYDRO-ELECTRIQUE DE LA VALLEE DE SALLES LA SOURCE ETABLISSEMENTS AMEDEE VIDAL devant le Tribunal de Grande Instance de RODEZ, sur le fondement des articles 637, 688 et 691 du Code Civil, aux fins :

– de voir juger que la mise en oeuvre et le maintien par ladite société, d’une conduite forcée d’amenée d’eau dans le sous-sol de sa parcelle, sont illicites,

– d’ordonner à la défenderesse de procéder à ses frais exclusifs d’une part à la suppression de ladite canalisation et d’autre part à la remise en état de la parcelle, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la date à laquelle la décision à intervenir sera devenue définitive,

– de condamner la défenderesse à lui payer la somme de 2000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux dépens,

La société HYDRO-ELECTRIQUE DE LA VALLEE DE SALLES LA SOURCE ETABLISSEMENTS AMEDEE VIDAL a constitué avocat.

L’ordonnance de clôture est en date du 01/03/2012.

La société HYDRO-ELECTRIQUE DE LA VALLEE DE SALLES LA SOURCE ETABLISSEMENTS AMEDEE VIDAL demande au Tribunal de dire que les parcelles cadastrées B1 350, B1 352 et B1 353 bénéficient d’une servitude de canalisation sur la parcelle BH 191, de débouter en conséquence Madame MATHIEU de l’intégralité de ses demandes et de la condamner au paiement d’une indemnité de procédure.

MOTIFS DE LA DECISION :

Pour une bonne administration de la justice, il convient d’ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture et de déclarer recevables pièces et conclusions déposées postérieurement au 1/03/2012.

Au fond, Aux termes de l’article 637 du Code Civil “une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire. “

Selon l’article 688, “les servitudes sont ou continues ou discontinues.” Les servitudes continues sont celles dont l’usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l’homme alors que les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l’homme pour être exercées.

Enfin l’article 691 énonce : “les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s’établir que par titres. “

En l’espèce, il n’est pas contesté qu’une conduite forcée d’amenée d’eau se trouve implantée dans le sous-sol de la parcelle appartenant à la demanderesse, sur une longueur de près de 150 mètres, conduite ayant pour fonction d’alimenter en eau, depuis un réservoir en amont, une centrale hydroélectrique exploitée par la société défenderesse ;

Cette conduite d’eau forcée ne saurait constituer une servitude continue dès lors que l’eau ne s’écoule pas aturellement, la conduite ne pouvant fonctionner que si l’on actionne une vanne, située en amont, hors de la propriété de Madame MATHIEU ;

Elle ne peut donc être établie que par titre conformément aux dispositions de l’article 691 du Code Civil, tout autre mode d’établissement, tel que la prescription trentenaire, étant impossible ;

Or, force est de constater que l’acte de partage du 15/03/1935 ne mentionne nullement l’existence d’une servitude, la clause de style contenue dans ledit acte par laquelle l’auteur de Madame MATHIEU déclare accepter “les servitudes passives, apparentes ou occultes, continues ou discontinues pouvant grever les immeubles “ ne constituant pas un acte recognitif de la servitude.

La demanderesse est donc bien fondée à réclamer d’une part la suppression immédiate aux frais de la société HYDRO-ELECTRIQUE DE LA VALLEE DE SALLES LA SOURCE ETABLISSEMENTS AMEDEE VIDAL de la conduite litigieuse et d’autre part la remise en état de sa parcelle, selon les modalités qui seront précisées au dispositif de la présente décision.

En compensation des frais qu’elle a été contrainte d’exposer pour faire valoir ses droits en justice, il sera alloué à Madame MATHIEU une indemnité de procédure d’un montant de 1000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La société HYDRO-ELECTRIQUE DE LA VALLEE DE SALLES LA SOURCE ETABLISSEMENTS AMEDEE VIDAL, partie perdante au procès, devra supporter les dépens 

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, mis à disposition au greffe,

ORDONNE le rabat de l’ordonnance de clôture et déclare recevables pièces et conclusions déposées postérieurement au 1/03/2012,

DIT que la mise en oeuvre et le maintien par la société HYDROELECTRIQUE DE LA VALLEE DE SALLES LA SOURCE

ETABLISSEMENTS AMEDEE VIDAL, de la conduite forcée d’amenée d’eau dans le sous-sol de la parcelle cadastrée BH 191 commune de SALLES LA SOURCE dont est propriétaire Madame Brigitte MATHIEU, sont illicites,

En conséquence,

ORDONNE à la société HYDRO-ELECTRIQUE DE LA VALLEE DE SALLES LA SOURCE ETABLISSEMENTS AMEDEE VIDAL de procéder à ses frais exclusifs d’une part à la suppression de ladite canalisation et d’autre part à la remise en état de la parcelle, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la date à laquelle la décision sera devenue définitive,

CONDAMNE la sociétéHYDRO-ELECTRIQUE DE LA VALLEE DE SALLES LA SOURCE ETABLISSEMENTS AMEDEE VIDAL à payer à Madame Brigitte MATHIEU la somme de 1000 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAME la sociétéHYDRO-ELECTRIQUE DE LA VALLEE DE SALLES LA SOURCE ETABLISSEMENTS AMEDEE VIDAL aux dépens. 

LE GREFFIER

LE JUGE

 

3 Responses to Au nom du peuple français…

  1. […] Le journal de france 3 Quercy-Rouergue a consacré, le 21 novembre,  un nouveau reportage à la cascade de Salles-la-source, en revenant sur la condamnation de la Société Hydroélectrique par le TGI de Rodez. La parole est également donnée à Elian Gaudy, qui révèle ainsi n’avoir aucun nouvel argument à proposer aux juges, puisque la prescription trentenaire  dont il se réclame et déjà évoquée par Jean-Michel Quillardet, avocat de la Société hydroélectrique,  a été invalidée par le juge : […]

  2. […] La parcelle posant problème est celle de M. et Mme Mathieu, propriétaires du château des Ondes dans le haut de Salles-la-Source. Voici ci-dessous quelques éléments (volontairement simplifiés) pour comprendre le récent jugement. […]

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