Acte 3 – La communauté de communes vote sur Puech Hiver sans se donner la peine de débattre

Voici donc le dernier épisode en date de la saga de la carrière de Puech Hiver (voir le feuilleton de l’été : « Puech Hiver ou le degré zéro de la démocratie »). Il s’est déroulé le mardi 26 juin lors de la séance du Conseil de la Communauté de commune de Conques-Marcillac qui se tenait à Saint-Cyprien. Les membres de ce conseil devaient se prononcer pour ou contre la modification du PLU ( le « Plan local d’urbanisme », nouvelle compétence communautaire). Et, à cet effet, approuver ou non le fait que le projet d’extension de la carrière puisse être considéré comme d’ »intérêt général ». Cette décision modificative du PLU équivalait à un feu vert donné ou non au dépôt d’une demande officielle d’extension par les exploitants (le groupe Bouygues/SOCARO) de la carrière de Puech Hiver.

20 conseillers sur 32 étaient présents ce jour là à la salle des fêtes de Saint-Cyprien-sur-Dourdou. 8 conseillers absents avaient remis leur pouvoir ; ceux-là avaient donc pris leur décision de proclamer ou non d’intérêt général l’extension de la carrière sans s’être donné la peine de participer au débat…

Environ 25 citoyens (soit un nombre supérieur à celui des élus) s’étaient sentis concernés par cette décision, et avaient pris place dans la salle. M. Jean-Marie Lacombe, le président de la communauté de commune, et son bureau s’étaient placés de manière à tourner le dos aux sièges prévus pour l’assistance, un détail tout de même significatif d’un certain état d’esprit… Les participants, munis de pancartes, décidèrent de ce fait de se lever pendant la « délibération » – laquelle s’est bornée en fait à un « semblant de débat » – et d’entourer le conseil. Ce dernier était visiblement peu à l’aise devant cette démonstration démocratique à laquelle il ‘est manifestement pas accoutumé…

Parmi les manifestants silencieux, la première adjointe de Salles-la-Source, Mme Olivia Maillebuau. A noter que le maire de Salles-la-Source, M. Jean-Louis Alibert et la maire de Marcillac, par ailleurs conseillère départementale, Anne Gaben-Toutant, n’ont pas soufflé mot pendant toute la délibération…

Débat court-circuité, refus d’entendre les deux parties

Le président Jean-Marie Lacombe se montra égal à lui-même reproduisant le scénario du 28 juin 2016 (voir: Le vote inutile et décevant de la communauté de communes), lorsqu’il s’était agi de voter, ) à propos de la microcentrale, contre la position défendue par la commune de Salles-la-Source : culture du secret, tentative de court-circuiter le débat, refus d’entendre une des deux parties (la SOCARO avait été rencontrée…), décision quasi-prise en amont lors d’une réunion du bureau, qui est composé des maires…

« La carrière -déclare-t-il d’emblée- existe aujourd’hui desservie par des infrastructures satisfaisantes, avec un éloignement relatif des lieux de vie (les voisins apprécieront…). Elle entre dans notre projet dans « le volet productif de l’économie du territoire ». La communauté de commune est devenue compétente en matière d’urbanisme ». le président préconise de déclarer ce projet « d’intérêt général ». En « grand démocrate », alors, croit-il devoir observer, qu’ il aurait pu décider de son propre chef il a souhaité une délibération commune. Grand seigneur, il annonce même la tenue avant l’enquête publique. d’une réunion publique, qu’il aura l’occasion de diriger. Ce qui veut probablement dire, au vu de ce qu’il nous a montré à deux reprises, qu’il se chargera de la contrôler… pour ne pas employer un autre mot.

« Ce n’est pas pour rien qu’on avait prévu ce PLU»

S’il y avait, en-dehors de M. Lacombe, des partisans affirmés de la carrière en possession d’arguments solides, on ne les a guère entendus, ce qui ne donne pas une haute idée de la volonté de débattre du conseil communautaire. Seuls deux élus prirent la parole pour introduire doutes et questionnement :

Une élue de Saint-Christophe demanda : « on va prélever 30 000 tonnes par an de granulat mais que va-t-on mettre ensuite pour réhabiliter le site ? On ne va pas le réhabiliter, ce n’est pas vrai ! On va abîmer toute cette partie du causse où il y des vestiges archéologiques, des dolmens, des chemins, des châteaux… Des carrières, il y en a plein, pourquoi pas un projet touristique ? Le PLU n’avait pas été prévu comme cela pour rien. Comment va-t-on ensuite développer un tourisme vert ? »

Le président esquiva au prétexte « qu’il y aura 2 enquêtes publiques : une première pour la modification du PLU puis une seconde pour l’ICPE (Installation Classée Pour l’Environnement) : ce n’est pas le lieu pour en parler »

On avance dans le brouillard, feux éteints…

Puis Louis Droc, second adjoint du maire de Salles-la-Source fit une longue intervention pour mettre en garde ses collègues contre le projet d’extension : l’étude de besoin n‘est pas là puisque celle que l’on a, ce sont eux qui l’ont faite et on n’a pas d’étude d’impact, autrement dit, « on avance dans le brouillard, feux éteints… »

Il évoque les réflexions du Conseil Municipal de Salles-la-Source [qui s’est faite sans qu’on éprouve le besoin de consulter les associations…], les problèmes de turbidité de l’eau (infiltrations dans le sous-sol de la carrière), les questions posées à la SOCARO dont on attend encore les réponses… Il regrette le refus du maire d’organiser une réunion publique qui aurait pu permettre de connaître l’avis de la population. Il décrit le lobbying très actif de la SOCARO, il met en doute les chiffres fournis par l’entreprise : emplois indirects, granulat pour Point P (qui vend très au-delà du territoire…), situation de surproduction de granulat avec 3 carrières rapprochées, fréquence de passage des camions (1 camion par minute le matin), il évoque le contrôle défaillant de l’activité, les risques hydrogéologiques mal connus, les conséquences et nuisances pour les riverains (poussière…) auprès de qui la municipalité s’était engagée à ce que la carrière ferme en 2023.

« On vante le causse, sa richesse biologique, archéologique et historique, la draille du Quercy… Quel développement à partir de ce patrimoine remarquable ? Est-ce compatible avec cette « dégradation durable » ? Multiplier les carrières n’encourage pas à l’économie ou au recyclage des matériaux. «

L’intérêt général doit se juger sur le global et non sur le seul intérêt économique. Il ne peut pas être considéré comme d’intérêt général de « pérenniser une entreprise ». Est-on sur une production stratégique, rare, indispensable ? Non et d’autres carrières du voisinage peuvent en produire davantage et pour longtemps. Il manque une vraie étude de besoins indépendante. On n’a que des affirmations de l’exploitant : je demande une étude d’impact indépendante en préalable à toute décision.

Par rapport à la directive européenne E.R.C. (Éviter, Réduire, Compenser), nous devons en préalable à la compensation vérifier que l’on a tout fait pour éviter ou pour réduire… Il est de notre devoir de protéger notre patrimoine !

Concernant le projet de territoire, on n’a jamais évoqué le développement la carrière tandis qu’on écrit qu’on veut mieux développer les flux touristiques et à Salles-la-Source, on avance dans ce sens et on a du potentiel pour créer des emplois.

A bulletins courageusement secrets

Le président Lacombe balaya tous les arguments d’un revers de main au motif que l’enquête publique en déciderait. « On en est seulement à décider du caractère d’intérêt général de cette démarche afin de modifier le PLU de Salles-la-Source ».

Il demanda pour finir un vote à bulletins secrets qui lui accorda l’autorisation demandée, par 18 voix contre 8.

L’intérêt particulier de la SOCARO
a prévalu sur l’intérêt général

Les observateurs qui avaient espéré un minimum de débat public ont quitté la salle totalement écœurés. Lors de la réunion de débriefing qui suivit, divers propos ont été exprimés :

« Le scrutin était joué d’avance : les maires avaient déjà décidé entre eux le 19 juin et recueilli les pouvoirs nécessaires… Tout semble se jouer sur le mode « je soutiens ton projet, tu soutiendras le mien ». Le « miracle » d’une vraie prise en compte du développement de Salles-la-Source n’a pas eu lieu. Cependant nos conseillers de la communauté de communes n’étaient pas habitués à pareille démonstration citoyenne…. »

« La colère des opposants et riverains s’est exprimée de manière significative. Ils ont été souverainement ignorés par leurs « représentants » qui semblent totalement coupés de la population qui les a élus. »

Ironie du sort : «  Les élus communautaires ont longuement discuté durant la délibération précédente sur la nécessité de devenir une région attractive pour les touristes ou pour de nouveaux habitants. » Cela ne les a pas empêchés dans la foulée de favoriser sinon d’encourager le dépôt d’une demande d’autorisation d’extension de carrière qui occuperait désormais plus de 50 ha… ». Où est la cohérence ?

« Le conseil proclame « l’intérêt général » sans avoir informé la population et après n’avoir entendu QUE les arguments de la SOCARO ! »

«  Un débat public ne sera proposé tardivement qu’une fois toutes les procédures lancées et le projet bien avancé...  Comment peut-on, après ce qu’on a vu, leur faire confiance pour organiser un vrai débat ?»

«  Que fait encore la commune de Salles-la-Source dans cette communauté, à part être la première contributrice financière ? Les investissements commencent à partir de Marcillac… Allez faire un tour sur le site de l’Office de tourisme et vous comprendrez, pourtant nous avons un musée, une fort belle cascade maintenant, un aéroport et de nombreux monuments classés… »

Certains de se demander si, finalement, on ne serait pas mieux loti avec Rodez

« Chacun s’est rendu compte que le Causse Comtal malgré tous ses atouts pour un tourisme de qualité, ne pesait pas dans les préoccupations de l’intercommunalité »

« Le silence du Maire de Salles la Source, président de l’Office de Tourisme intercommunal, était assourdissant… Comment peut-il se sentir à l’aise alors même que, sur des dossiers aussi importants, il est en complète opposition avec ses deux premiers adjoints ! Est-il normal qu’il ait été pendant plusieurs mois discuter seul avec la SOCARO ? Qu’il n’ait même pas éprouvé le besoin durant toute une longue période de tenir son conseil municipal au courant de ses discussions ? »

« C’est bien l’intérêt particulier de la SOCARO qui a prévalu sur l’intérêt général »

C’est à Philippe Bertolotti, président de Avenir Causse Comtal que l’on doit cette conclusion :
« Rien sur l’attractivité et le potentiel touristique de Salles la Source, sur la préservation de 35 ha de terres agricoles et de forêts. Tant pis pour les risques sur l’eau et sur la cascade, pour 50 ha rabotés et la disparition du Puech Hiver qui vont défigurer définitivement le Causse poumon vert de Rodez. Tant pis pour le gisement d’emplois locaux et durables portés par l’agriculture, par la pisciculture, par le tourisme. Quelques emplois essentiellement indirects et hors zone, appelés à être transférés en interne chez Colas au terme de l’actuelle convention, auront été le prétexte à cette délibération inique. Tout comme le conseil municipal de Salles-la-Source était apparu divisé sur le dossier, plusieurs conseillers communautaires ont plaidé pour rejeter ce projet qu’ils considèrent comme contraire à l’intérêt général. Comment construire des projets d’avenir sur de telles fractures ? »

« La différence entre démocratie et autocratie réside dans le rapport qu’elles entretiennent avec le secret. La démocratie est le gouvernement du pouvoir visible, le gouvernement public en public »
Roberto Scarpinato, ancien procureur de Palerme

4 Responses to Acte 3 – La communauté de communes vote sur Puech Hiver sans se donner la peine de débattre

  1. Dominique dit :

    Tout le contraire d’un débat, cette réunion de la com com, une chambre d’enregistrement avec une bande de couilles molles complètement passifs…

  2. Cascadeur dit :

    « Chacun s’est rendu compte que le Causse Comtal malgré tous ses atouts pour un tourisme de qualité, ne pesait pas dans les préoccupations de l’intercommunalité »
    Ce n’est pas une découverte que la place de Salles-la-Source sur le site de l’Office du Tourisme de Conques-Marcillac est réduite à portion congrue. Ne parlons pas de la cascade : voila un an qu’elle coule à régime naturel et que le public s’y presse mais ce n’est certainement pas grâce au site de l’OT qui semble ignorer si ce n’est son existence, du moins son exceptionnel pouvoir d’attractivité.
    Faudra-t-il y emmener en visite en autocar les élus en cet été caniculaire où chacun cherche la fraicheur ?
    On en profiterait pour les contraindre à poser les pieds une fois dans leur vie dans le secteur du causse Comtal convoité par SOCARO…

  3. Roumec dit :

    Vous relatez une affirmation du président de la communauté de communes selon laquelle il pouvait prendre seul la décision dans cette affaire.Je n’ose pas imaginer que son assertion soit exacte. Ce serait gravissime. Il y aurait de quoi se faire beaucoup de souci pour les dossiers à venir. Qu’en est-il exactement ? Quelqu’un a-t-il la réponse ?

  4. Berger dit :

    1- En catimini, les communes ont transféré des compétences importantes aux communautés de communes.

    2- Celles-ci ne sont pas élues au suffrage universel

    3- Celle de Conques-Marcillac s’est voté un projet de territoire sans débat avec la population

    4- Ce projet est tellement vague qu’il permet de voter n’importe quelle décision : pour l’usine hydroélectrique de Salles-la-Source et contre la cascade « parce qu’il faut bien protéger l’environnement » et pour la carrière de puech hiver contre le causse Comtal « parce qu’il bien protéger l’industrie »

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